Chapitre 1

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C'est un timide, ça se voit tout de suite. D'emblée il se gratte la nuque, et baisse les yeux. Il est petit, ça je le savais déjà. Sa mère, sans que je comprenne bien pourquoi, me l'avait dit au téléphone : « Vous verrez, il est gentil. Il est tout petit pour son âge, et il ne ferait pas de mal à une mouche. Vous n'aurez pas de souci avec lui. » A ma grande surprise, il a l'air soulagé que je vienne. Je m'attendais à ce qu'en voyant l'heure passer et mon retard augmenter, il se mette à espérer que j'aie oublié notre rendez-vous. La plupart des élèves auxquels j'ai eu affaire jusque-là réagiraient ainsi, en tous cas. Mais lui, non. Il est peut-être de ceux qui veulent vraiment s'en sortir. Je le saurai vite, de toute façon.

Il hésite un peu, comme s'il ne savait pas quoi dire, et je lui fais signe du regard qu'il pourrait me faire entrer. Il s'exécute en effectuant un pas de côté, et je me glisse dans l'ouverture de la porte. A l'intérieur, pas de surprise. C'est un pavillon comme tant d'autres. La cuisine d'un côté, de l'autre l'escalier, et derrière un séjour avec une grande table et un coin salon, dans lequel trône la télé. Quelques plantes, un aquarium, et la décoration s'arrête là. On est dans un pavillon de banlieue comme tous les autres, visiblement très calme. Je demande à Julien de m'excuser pour mon retard, et lui explique que je me suis perdu dans les rues de la résidence, toutes identiques. Il répond par un sourire compatissant, et je sens qu'il cherche ses mots. Il aimerait ajouter un commentaire, mais manque d'inspiration. Il est vraiment très timide. Je sens que ce sera à moi de briser la glace, alors pour parler de quelque chose, je lui demande s'il est seul chez lui. Suite à sa réponse affirmative, je l'interroge sur l'existence de frères et sœurs, et il m'apprend qu'il est fils unique. Chaque fois, il répond avec le moins de mots possibles. On ne sent chez lui aucune hostilité, mais simplement de la gêne.

En attendant qu'il prenne l'initiative de m'emmener là où nous travaillerons, je l'observe un peu. A n'en pas douter, il est parmi les élèves les plus petits de sa classe, effectivement, mais il n'est pas rachitique pour autant. On devine qu'il fait du sport régulièrement. Il a très un beau visage avec des cheveux blonds et courts, mais il donne l'impression d'en avoir honte, puisqu'il détourne la tête dès qu'on le regarde. Les timides m'ont toujours désarçonné. Moi qui n'ai aucun problème pour parler à des inconnus, je ne sais jamais comment m'adresser aux personnes timorées. J'ai peur en leur parlant trop directement de les embarrasser, mais d'un autre côté j'ai beaucoup de mal à laisser s'instaurer les silences. D'ailleurs, je demande à Julien où nous nous installerons, et sans ouvrir la bouche il me montre du doigt l'escalier et se dirige vers lui. Je le suis, et après le premier étage d'autres marches — très étroites — mènent à des combles aménagés. Je lui demande s'il s'agit de sa chambre, et il me répond simplement « Oui ».

Je suis surpris par l'ordre qui règne dans la pièce. Rien ne traîne. Plus rare encore, les murs sont vierges de toute décoration. Aucun poster ni souvenir d'aucune sorte. Rien que des murs blancs et aucun objet qui ne soit fonctionnel. Un lit double est posé directement au sol, contre le mur du fond, et sur un côté on trouve un bureau assez grand avec un ordinateur. Le plafond est bas et suit les formes du toit, en descendant sur les côtés. Il est possible de se tenir debout au milieu, mais dès qu'on s'approche des bords on est obligé de se baisser. Moi qui aime bien en entrant dans la chambre de mes élèves pouvoir découvrir d'un coup d'œil à qui j'ai affaire, je suis pris au dépourvu. Rien dans la pièce ne permet d'avoir la moindre indication sur la personnalité de Julien, mis à part le fait qu'il est discret.

Il se rend compte avec une légère panique qu'il a oublié d'installer une chaise pour moi. En me demandant de l'excuser, il disparaît donc pour aller en chercher une. Il court un peu jusqu'à la porte, puis doit ralentir en descendant l'escalier, bien trop raide et étroit pour pouvoir s'y engouffrer rapidement. J'en profite pour continuer d'observer la chambre, à la recherche du moindre détail sur son occupant. Une pointe de nostalgie m'envahit en repensant à Mathias, à qui j'avais donné des cours pendant quelques mois il y a deux ans. Outre une immense photo de David Bowie au-dessus de son lit, j'avais immédiatement remarqué un verre, sur sa table de nuit, peint aux couleurs du drapeau arc en ciel. J'avais vite tiré profit de cette information, et à la fin du premier cours nous échangions déjà notre première fellation. Sans le savoir, ses parents m'ont payé pendant tout un trimestre pour donner des cours de soutien scolaire à leur fils, mais nous ne faisions rien d'autre que nous embrasser, nous caresser, et nous culbuter mutuellement. Evidemment, au vu de l'absence d'amélioration dans les notes, ils ont vite cessé de faire appel à mes services. Rien ne me laisse penser qu'il en sera de même avec Julien. Plus qu'hétéro, il semble surtout ne pas avoir de sexualité. Sinon, il ne serait pas aussi timide et coincé. Et puis, même s'il est mignon, il ne m'attire pas spécialement. Dernièrement, je suis plutôt attiré par des hommes un peu plus âgés que moi, et même le plus souvent poilus, voire même avec une légère bedaine. Mon nouvel élève en est l'opposé exact.

Mon joli monstreWhere stories live. Discover now