30 : Je ne suis pas un dealer

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Ces cinquante minutes d'anglais m'ont paru interminables même si, en temps ordinaire, c'est mon cours préféré. Forcément, quand on sent un regard brûlant posé sur nous en permanence, c'est assez difficile de se concentrer, même quand la personne se trouve à l'autre bout de la classe. Mais c'était encore plus dur de l'ignorer. J'avais envie de planter mon regard dans le sien, fouiller l'intérieur de ses prunelles pour y trouver des réponses à mes questions, ou au moins, y déceler quelque émotion.

Mais la fierté a pris le dessus et j'ai tenu bon. Pas une seule fois je ne me suis retournée, mais ce que je n'avais pas prévu, c'est qu'Adam m'attendrait à la sortie.

- Pour dans deux semaines, vous me rendrez donc ce projet. Vous le ferez en binôme et il sera noté. Cette note clôturera votre premier trimestre, nous a informés Miss Brown.

Quand j'ai enfin entendu la sonnerie, je me suis précipitée dehors, en fonçant au passage dans Naomie et Gabriel en train de se manger littéralement la bouche. Berk. C'est alors que je me suis heurtée à quelque chose, ou plutôt à quelqu'un.

- Laisse-moi passer, ai-je dit en relevant la tête et en découvrant le visage d'Adam.

- Pourquoi t'es énervée ?

- J'ai pas le temps, on a cours. Et moi, contrairement à d'autres, j'aime pas arriver en retard, ai-je répondu en plantant mon regard noir dans le sien, plein d'incompréhension.

C'est vrai que j'y étais allée un peu fort. A chaque fois qu'Adam était arrivé en retard en cours, il avait de bonnes raisons. Sa vie au lycée n'était pas des plus tranquilles et je n'avais pas le droit de l'attaquer sur ce sujet. Trop tard. Je l'ai contourné et me suis éloignée vers la salle de notre prochain cours, le plantant là avec son regard ahuri. J'ai poussé un léger soupir de soulagement, pensant être débarrassée de lui pour un moment, mais visiblement, Adam n'était pas du même avis. J'ai entendu des pas précipités derrière moi dans le couloir et, avant même de comprendre ce qu'il m'arrivait, j'ai senti une main emprisonner mon poignet.

- Lâche-moi, Adam ! ai-je crié. Je veux pas te parler.

- Et moi je veux que tu me dises ce que j'ai fait, a-t-il répondu en détachant chacun de ses mots et en resserrant davantage sa poigne.

J'ai poussé un soupir, résignée. De toute façon, il allait bien falloir qu'on en parle à un moment ou à un autre.

- Je te jure que si j'arrive en retard à cause de toi... ai-je dit en l'entraînant à l'écart des autres élèves, près du local de ménage.

- Pourquoi tu m'emmènes là ? Je commence à flipper, c'est si secret que ça ?

- Ça dépend. T'as envie que tout le lycée entende que tu vends de la drogue ?

Adam écarquille les yeux et s'empresse de presser sa main contre ma bouche.

- Calme-toi, y'a personne, ai-je dit en me dégageant de son emprise.

- Alors c'est pour ça... a-t-il repris en fronçant les sourcils, les yeux rivés au sol.

- Quand Maya m'a dit ça, je n'ai pas réagi au début. J'avais besoin de temps pour y réfléchir. Et pour comprendre.

- Et... tu as compris ? s'est-il risqué à me demander.

- J'ai compris que, dans l'immédiat, tu n'avais pas d'autre choix aussi rapide. J'ai aussi appris que l'état de ton père a empiré. Je suis désolée. Mais je pense que j'aurai du mal à me faire à l'idée d'être... ami avec un dealer.

Adam semblait abattu, vraiment. Je ne l'avais jamais vu dans cet état. Ni avec ces yeux rouges, ni avec cette expression dépitée, anéantie même.

- Un dealer ? Mais tu te rends compte de ce que tu dis ? Justine, je fais ça pour que mon père reste en vie, ça fait pas de moi un dealer, merde !

- Je sais... C'est juste... (Je prends une grande inspiration.) Je ne peux pas être tranquille en te sachant impliqué dans ce genre d'affaires, en ayant à l'idée que tu peux te faire arrêter à tout moment.

Il semble enfin comprendre où je veux en venir et relève vivement la tête vers moi.

- Tu ne peux pas me l'interdire. (Je baisse la tête, impuissante face à son regard accusateur.) C'est ma seule solution et en plus, à cause de l'hospitalisation d'Elias on n'est plus que deux. Je peux pas laisser Antoine gérer ça seul, même s'il travaille pour son père. J'ai pas le droit de faire ça. Il prend des risques, lui aussi, je peux pas l'abandonner. Et encore moins mon père. Tu comprends, Justine ? a-t-il conclu en prenant mon menton dans ses doigts et en relevant ma tête.

J'opine silencieusement et je me fais violence pour ne pas laisser couler les larmes qui menacent d'inonder mes joues.

- Je veux pas qu'il t'arrive quelque chose, ai-je dit d'une voix faible et tremblante.

Ça y est, j'avais craqué. Les larmes avaient dépassé la barrière de mes yeux. Je me sentais tellement vulnérable. Adam m'a prise dans ses bras et m'a caressé le dos.

- Il ne m'arrivera rien. Je serai encore plus vigilant dorénavant. Pour mon père, et pour toi.


𝐉𝐄 𝐍'𝐀𝐈𝐌𝐄𝐑𝐀𝐈 𝐏𝐋𝐔𝐒 𝐉𝐀𝐌𝐀𝐈𝐒Όπου ζουν οι ιστορίες. Ανακάλυψε τώρα