— Je voudrais te parler de...

Les portes de l'élévateur s'ouvrent sur le rez-de-chaussée. Terrence sort dans le couloir puis en voyant que je ne le suis pas, se retourne pour m'accorder un regard. Après quelques secondes de réflexion, je décide enfin de me mettre en marche. Les gens qui attendaient ma sortie pour prendre place dans l'ascenseur semblent soulagés de me voir enfin libérer les lieux.

— Que dis-tu des urgences ? La cafétéria du personnel n'est pas très fréquentée d'après ce que l'on m'a dit.

Je hoche la tête et me glisse à ses côtés. Encore plus grand que Jales, il me dépasse largement. Sa carrure de militaire est énorme à côté de la mienne. Alors que je me sentirais en danger à côté de beaucoup d'hommes ayant sa silhouette, je me sens protégée avec lui. C'est l'effet « Terrence, le rayon de soleil ».

Le chemin jusqu'à notre destination se fait dans le calme mais est agréable malgré tout. Terrence m'ouvre la porte de la cafétéria et je rentre dans cette dernière, pour la première fois depuis que je bosse ici. Simple, petite, elle ne paie pas me mine à côté de celle où je vais habituellement. Le neurochirurgien se dirige ensuite vers une petite table ronde avec deux tabourets et je le suis. Un peu inquiète à l'idée que des personnes puissent entendre notre conversation, je suis contente de voir qu'il a choisi celle qui est le plus en retrait.

Je m'assois en silence, angoissée.

— Bien, nous avons quelques minutes, m'informe-t-il en donnant un coup d'œil à la pendule murale.

— OK... Comment vas-tu ?

Terrence semble chercher l'erreur dans mon discours, et moi aussi d'ailleurs. Qu'est-ce qu'il m'arrive ? Ce n'est pas comme s'il s'agissait d'un ex et qu'il avait dit qu'il voulait me reconquérir ! Bon certes, j'ai besoin d'éclaircir les choses mais tout de même.

— Je... je voudrais que l'on parle de ton... Enfin comment dire... Hum, euh l'autre fois, tu as dit que tu souhaitais me retrouver dans ta vie et je... Je voulais savoir si... Euh non, bon, soufflé-je en voyant que je cafouille de plus en plus et ne m'en sortirai pas en empruntant ce chemin, en fait j'ai quelqu'un.

Le visage de Terrence se teint d'incompréhension.

— OK, lance-t-il au bout de quelques secondes de silence. Mais tu as conscience que quand j'ai parlé de refaire partie de ta vie, je voulais dire en tant qu'ami, n'est-ce pas ?

Un ange passe. Est-ce qu'il vient de foutre un vent, indirectement ?

— Non, c'est ce que je veux dire, enfin non, pas dans ce sens ! C'est juste que...

— Ça fait longtemps ? me demande Terrence en voyant que je cafouille.

— Depuis la fin de l'année.

Il hoche la tête et m'offre sourire. Pourtant, je remarque que ses yeux sont désormais d'un bleu glacier, signe qu'il est contrarié.

— C'est plutôt récent alors !

— Plutôt oui, reconnais-je.

— J'espère qu'il te rend heureuse, lance-t-il subitement sérieux.

Si j'ouvre la bouche pour parler, je vais probablement suffoquer mais si je reste une minute de plus sans rien dire, je vais sûrement pleurer. Parce que je viens de me rendre compte qu'il est le premier à qui je parle de ma relation avec Jales. Enfin le premier qui ne fait pas partie de ma famille, parents, sœur et cousin inclus.

Dire que je n'ai même pas encore parlé de tout ça à mes amies et que je le fais avec un homme que je n'avais pas revu depuis dix ans !

— C'est bizarre. J'ai ressenti le besoin de te mettre au courant alors qu'on ne s'est pas vu depuis une éternité et que personne ici ne sait pour moi.

Terrence me regarde durant quelques secondes, dans le plus grand des silences.

— Le plus important, c'est que ça t'ait fait du bien d'en parler.

Je hoche la tête, un peu perdue. Comment est-ce que tout cela peut arriver ? Comment je peux me sentir plus à l'aise avec lui qu'avec mes amies ?

— Je suis vraiment désolée T, soufflé-je soudainement. Je sais que ce que tu vis en ce moment n'est pas facile avec la mort de ton père et le déménagement, le nouvel hôpital, tu as perdu tous tes amis, il faut que tu reconstruises ta vie ici. Et moi, au lieu de te mettre au courant des derniers potins, je...

— Anna, me coupe-t-il en posant une main sur mon bras, ça va. Tu n'as besoin d'engager un clown ou un humoriste pour me redonner le sourire. Je m'en sors, comme un grand.

Je triture mes doigts et soupire.

— J'ai longtemps rêvé de retrouvailles T, avoué-je en fixant la table.

— Je t'ai fait de la peine Anna, je sais. Et j'en suis vraiment désolé. Mais sache que tu as été une des personnes qui a le plus compté dans ma vie.

Ça, je le sais. Je le sais grâce à ses yeux actuellement. Terrence est sincère.

— Je l'aime vraiment tu sais.

Encore ce besoin de parler de Jales. Je me demandais si je pouvais retrouver l'ami d'avant, celui sur qui je pouvais compter, et désormais que j'ai la réponse, il faut que j'aborde le sujet qui me contrarie le plus en ce moment.

— Je suis content pour toi.

Si Terrence a été un modèle à tout niveau pour beaucoup d'étudiants, je doute que ces derniers le connaissent véritablement. Complexe, l'adolescent que j'ai connu a toujours eu une part de mystère. Derrière son allure de « douceur et joie incarnée », se cachait une ombre, une ombre que je n'ai jamais réussi à décrypter. Cet aspect « double visage » n'apparaissait pas souvent mais en ce moment, c'est la seconde face que je vois.

— Mais si tu as besoin d'en parler, c'est parce que quelque chose te tracasse, pas vrai ?

Je ne peux pas pleinement me confier. Pas maintenant. Pas ainsi. Pas sans savoir si Jales est prêt...

— Eh mince, souffle-t-il soudainement tandis que son biper sonne. Je dois te laisser. C'est une urgence. Écoute, on en reparle une prochaine fois, OK ?

Muette, car bouleversée, je me contente une fois de plus de hocher la tête.


Voilà, Annabelle a enfin parlé à Terrence (même si elle s'est pris un vent sans le vouloir)

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Voilà, Annabelle a enfin parlé à Terrence (même si elle s'est pris un vent sans le vouloir). Qu'avez-vous pensé de ce chapitre ?

Petit ami et Compagnie - Partie 2 (Terminée)Where stories live. Discover now