12. « Reste. »

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« Reste. »

Ma voix est un ton trop bas. Elle est grave et beaucoup trop concave. L'intonation m'a fait mal. Et le tout ressemblait plus à un grognement qu'à une véritable supplication. Mais je n'avais pas le choix. Mon corps frêle aux poumons pétrifiés n'aurait jamais réussi à le dire.

Je me racle la gorge.

« Reste avec moi. »

Maintenant que j'ai forcé les murs de l'angoisse, que ma voix s'est dénouée, je peux parler moi-même. Je peux le dire moi-même. Je peux énoncer ce vœu avec mon propre cœur.

Je remercie intérieurement Phiréon de m'avoir donné cette once de force qui m'a fait défaut. Sans elle, Jessi serait déjà loin, déjà perdue.

Mais maintenant, je peux énoncer ce vœu avec mon propre cœur.

« Reste avec moi, Jessi. »

La vague de chaleur qui est montée depuis le creux de ma poitrine avec l'énergie du démon se dissipe soudainement. Un énorme poids s'abat sur mes épaules, ma tête se met à tourner et ma vision se trouble. Faire du yoyo avec une énergie divine, quelle bonne idée. Au fond, qu'est-ce que je risque ; une crise de rage, un malaise ? Dans le pire des cas, il pourrait vouloir sortir. Mais quand je regarde avec quelle docilité il m'a laissé reprendre mes moyens, ce n'est probablement pas son intention.

Je dirais juste que mon corps n'a plus l'habitude de supporter seul une telle déferlante de rage. Je me suis reposé sur le pouvoir d'Art pendant près de deux ans, inutile de préciser que je ne sais plus trop ce que cela fait.

''Et donc ? ricane ma conscience qui a étrangement pris la voix narquoise de Scy ; ma voix narquoise, cela valait-il vraiment le coup de sortir ton vieil ami de son caveau millénaire, de risquer une overdose, pour les beaux yeux d'une demoiselle qui, au demeurant, est en train de te laisser définitivement tomber ?''

Jessi s'est arrêtée. À travers ma vision déformée, je la vois, devant moi, qui sanglote, le visage à demi-cachée derrière un bras tremblant. Elle m'a attendu. Elle est restée. Alors peu importe le coût ; oui, cela en valait la peine.

Je sais exactement ce que tu es en train de faire, Scy. Je te connais comme si tu étais une partie de moi. Profiter de chacune de mes faiblesses, inlassablement, pour faire germer en moi cette colère. Ce sentiment qui te nourrit, te fait grandir. Et qui te permettrait de prendre le dessus sur moi, de m'envahir, et de reprendre impunément ton saccage.

Tu crois vraiment que me rendre irritable te mènera à tes fins ?

Tout ce que je perçois comme réponse est une voix amusée qui s'éloigne. « Nous verrons bien... » lâche-t-il.

Alors, nous en sommes là, maintenant. Cette bête féroce à qui je sers de prison m'écoute amicalement pendant qu'une partie de mon propre être cherche la moindre occasion pour s'enfuir. On devrait ajouter l'ironie aux lois de cet Univers.

Sans attendre de recouvrer complètement mes sens, je fais un pas vers Jessi. Je commence à caresser doucement ses bras pour la réconforter comme je le peux, sans pour autant la brusquer. En m'approchant, je murmure un « Je t'aime » juste assez fort pour qu'il parvienne à ses oreilles. Il porte en lui toutes les excuses et les suppliques que je n'ai pas encore la force de prononcer.

Je l'ai abandonnée, mais je veux qu'elle sache que j'ai conscience que c'est une des plus grosses erreurs que j'ai faites. Je languis ces retrouvailles depuis bien trop longtemps pour nous laisser croire que je ne veux pas bâtir une vie à ses côtés.

Alors que Scy s'estompe à pas de loups, je ressens soudain un coup de poignard dans mon cœur. L'espace d'un instant, j'ai l'impression que ma poitrine se déchire. Une nouvelle vague brûlante se répand en moi et une force colossale me jette contre le mur. La vive douleur que je ressens dans mon épaule gauche disparaît aussitôt apparue, balayée par cette tempête de chaleur. Mon pouls devient pressant et ma tempe gauche semble vouloir exploser alors que mon œil se couvre d'un épais voile rouge.

Ce connard n'arrêtera jamais. Je devrais me rentrer dans la tête que son emprisonnement ne signifie pas qu'il n'existe plus. Et je devrais aussi me souvenir qu'il a accès à mes points faibles psychiques. Il aura fallu que j'expose Phiréon une demi-seconde pour que Scy saisisse l'occasion de le faire déflagrer.

Alors que mon corps tombe assis, adossé au mur, comme un pantin de bois, je tente de repousser cette énergie incandescente qui domine déjà la moitié de mon corps. J'en viens presque à supplier le démon de se rendormir. Mais ce serait trop simple qu'il m'écoute maintenant. Ma respiration devient chaotique, elle me donne presque des convulsions.

Pendant que les tatouages cramoisis de mon hôte se gravent au fer rouge dans le creux de ma peau, je prends ce qu'il me reste de présence d'esprit pour saisir le V.V.Ans à ma ceinture. Je sors le pistolet avec ma main droite encore valide, arme la sécurité comme je peux en m'aidant de ma mâchoire, et plaque le canon contre mon crâne.

Je l'ai déjà fait. Je peux le refaire.

Nous survivrons tous les deux. Mais à quel prix ?

Au moment où mon indexe se pose sur la queue dedétente, Phiréon se fige, immobile. Peut-être se demande-t-il si la petitecrispation causée par mon fragment d'âme frelaté vaut les trois jours de comaqui nous attendent. Ou peut-être feint-il un assagissement pour que je baissema garde. C'est impossible pour moi de le savoir.

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⏰ Terakhir diperbarui: Jul 12, 2020 ⏰

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