Ender Sky - Renaissance

7. « Layan ! »

Je me penche vers Jessi. Je ne suis pas très à l'aise, mon souffle me trahit un peu et j'ai chaud. Je regarde Adèle et lui explique à quel point je suis reconnaissant qu'elles aient répondu présent à l'appel. J'ajoute, en essayant de ne pas trop gêner Adèle, que je ne sais pas vraiment comment exprimer à Jessi mes regrets par rapport au comportement que j'ai pu avoir.

Nous nous regardons bizarrement tous les trois... même si je suis surtout la cible. Puis un petit rire conjoint vient éclater la bulle de gêne qui commençait à enfler.

La fermeture de la porte nous fait sursauter, Adèle et moi, ce qui vaut à Jessi de rire un peu plus longtemps. Cette dernière s'arrête assez brusquement, et je vois son regard qui se détache et passe derrière moi, par-dessus mon épaule ; et son expression faciale devient une complète interrogation. Je fais volte-face et constate immédiatement qu'une autre porte s'est activée.

Et en plissant les yeux... ce n'est pas un agent qui en sort.

« Layan ! »

Je n'ai pas pu m'empêcher de crier. C'est bien ma petite protégée rousse préférée, avec ses cheveux en chignon, ses créoles en or et sa belle robe lavande sous une veste blanc cassé... cette tenue légendaire que j'aime et que je connais par cœur. On se croirait presque dans une bande dessinée ou un cartoon à la voir toujours vêtue comme cela. Mais je sais qu'elle a fait cet effort pour être reconnaissable, pour me permettre de me sentir familier avec sa venue. Ma meilleure amie est là. Et ses compensées ne l'empêchent pas de courir dès qu'elle réalise que c'est moi qui l'ai appelée.

De mon côté, je ne comprends que trop tard ce qu'elle compte faire.

« Steven ! »

Elle se jette sur moi, m'attrape au cou. Je la reçois de plein fouet. Et malgré ses cinquante kilos maximum, elle me fait vaciller. Elle relève les jambes comme une véritable hystérique, et je me retrouve seul à porter nos deux masses. Quand je pose mes bras autour d'elle pour la soutenir, je la sens initier des mouvements de balancier comme si elle s'attendait à ce que je la fasse tournoyer. Je sais qu'elle aime se sentir flotter, mais je me contenterai juste de la garder dans les airs le plus longtemps possible.

Elle finit par retomber, jambes droites, et sur la pointe des pieds, en me demandant de me baisser, dépose un baiser sur ma joue à peine plus haut que le coin de ma bouche. Je me contente de répondre en l'embrassant sur l'os de la pommette. Je sens de l'hésitation. D'habitude, dans notre petit rituel, je suis censé l'embrasser dans le cou, mais je ne serais pas forcément à l'aise de faire cela à côté de Jessi, pas sans lui expliquer les raisons en tous cas.

Malgré tout, Layan m'écrase dans ses bras encore deux bonnes minutes avant que je ne puisse enlacer ses deux sœurs à leur tour, qui ont eu tout le loisir d'arriver au pas. Pendant que je les salue, Layan effectue une révérence silencieuse face à Jessi et Adèle.

Je m'étonne de ne voir arriver que les triplettes.

« Seïla n'est pas avec vous ?

- Elle était au boulot, rétorque Cat', elle n'a pas eu le loisir de décrocher des congés à l'improviste. D'autant plus qu'elle s'est démenée pour que j'aie les miens. Mais elle, elle est vice-président de l'entreprise quand même ! »

Sa dernière remarque semble sonner presque comme un reproche à mon égard pour ne pas avoir pris en compte son travail ; ou au moins pour oser m'en plaindre.

« Bah, elle pourrait tout aussi bien démissionner, l'affaire serait réglée...

- Ce travail lui plaît, répond Lys, alors je ne pense pas qu'elle le lâche comme ça, même pour tes beaux yeux.

- Je ne disais pas ça pour ça... Elle et Cat' vont pouvoir se chamailler pour le poste qui vient de se libérer à la Shay'na. »

Toutes celles qui connaissent le nom me regardent de travers.

« Celui de Directeur Désigné... »

C'est la surprise totale. Toutes sauf Adèle ouvrent des yeux ronds, incrédules. Jessi lui explique alors que le poste de Directeur Désigné, sous-entendu, par la Famille Royale est l'équivalent de cadre ou de PDG selon le secteur auquel on est affecté. Pendant ce temps, je confirme à Catalina dont les yeux commencent à briller que je parle bien du poste le plus haut, et pas de la gestion d'un seul secteur d'activités.

La Shayena Corporation, fait partie des dix entreprises les plus puissantes de la galaxie et couvre presque tous les secteurs d'activité. Et elle a encore cet avantage considérable d'appartenir à plus de cinquante-et-un pourcents à la Famille Royale Shayenne. J'ai donc demandé à Shaya Felizha si je pouvais solliciter quelqu'un pour prendre le poste avant qu'une annonce publique ne soit effectuée.

Au moment où la question du départ de Mark Segan est évoquée par Jessi, je vois Lys gênée, incapable de la prendre à parti par son nom. J'ai oublié les présentations alors elle ne sait pas qui elle doit interpeller.

« Adèle, Jessi, je vous présente Layan, Cat' et Lys Hangsa... Disciples d'Anubis et plus grosses fortunes de trois planètes Terre différentes depuis le quatrième siècle avant Jésus-Christ. »

Lys me fusille du regard. Aucun doute que c'est parce que j'ai volontairement mis son prénom en dernier en insistant sur le ''et'' ; une vieille histoire de rivalités entre nous. Jessi fait un petit salut aux trois filles et ne semble pas du tout avoir tiqué sur le manège de Layan, ce qui me soulage d'un poids.

Je pousse Jessi et surtout Adèle, qui se sont faites assez discrètes jusqu'alors, entre les Hangsa et moi.

« Les filles, voici Jessi Trager, génie télékinésiste issue d'une expérience de croissance artificielle, et Adèle Strasse, docteure en BCI : brain-computer interface et co-créatrice d'un univers informatique parallèle. »

Alors qu'elles se contentent d'un timide « Salut ! », Layan saute au cou des deux demoiselles avec un « Vous êtes magnifiques, mes chéries ! ». Sur le coup, elles ne comprennent pas vraiment ce qu'il se passe, et moi non plus d'ailleurs. Jusqu'à ce que Lys m'adresse un regard défiant en faisant onduler ses sourcils. Une vague de jalousie remonte depuis mes pieds et me brûle le visage au moment où je me souviens du penchant de Layan pour les jolies filles.