- Pars.

Mon amie écarquilla les yeux mais je l'empêcha de riposter.

- Je vais mourir. Mais toi, tu peux vivre. Va à Sokcho Ambre. Et vis.

Sa voix était brisée lorsqu'elle me hurla dessus en me secouant.

- Ce sont mes dernières volontés. – Parvins-je à articuler entre deux sanglots.

C'était égoïste de ma part de lui demander une telle chose mais je ne supporterais pas de la voir dépérir à cause de moi. Je voulais qu'elle vive. Qu'elle rejoigne nos amis londoniens à Sokcho et qu'elle réapprenne à être heureuse. Qu'elle ait cette chance que je n'aurais pas. Après ce qui me sembla une éternité, je réussis à convaincre mon amie de me laisser et de partir. Je la pris une dernière fois dans mes bras et lui répéta un nombre incalculable de fois à quel point je l'aimais même si au fond de moi je savais que ce ne serait jamais assez. Puis je la regardai s'éloigner, le vent fouettant mon visage avec intensité. Une fois sa silhouette disparue dans l'horizon, je partis à mon tour. L'endroit risquait fortement d'être investi par plusieurs infectés après tout le bruit provoqué par l'altercation. J'entrepris une ballade discrète dans les rues calmes de la petite ville dans laquelle je me trouvais. Vivre mes derniers jours dans cette endroit paisible calma quelque peu les battements affolés de mon cœur. Mes yeux scrutèrent le ciel tandis que je réalisais avoir tué une chose qui n'avait rien d'un infecté ordinaire. Peu importait désormais. Toutes mes pensées se dirigèrent vers mes parents, ma famille, mes amis. J'allais bientôt les rejoindre et, même si cette idée me terrifiait, je voulais croire que ma fin ne serait que le commencement d'une belle histoire. Les heures défilèrent avec une lenteur infinie, chaque seconde me rapprochant un peu plus d'un destin funeste. Du moins, c'est ce que je croyais. Aucun symptôme n'apparut les jours qui suivirent. Au bout du quatrième, je me décidais à me remettre en route l'esprit confus. À défaut d'être morte, j'aurais déjà dû être brulante de fièvre et sujette à diverses hallucinations. Pourtant mon corps ne portait comme séquelle de mon altercation que la marque sur ma joue. Était-ce un miracle ? Un coup de chance ? L'infecté n'était-il pas contagieux ? Ou étais-je simplement immunisée ? Peut-être n'aurais-je jamais la réponse. J'avais réussi à trouver une carte en moyen état sur un vieux panneau d'affichage et me fiais à mon intuition sur la route à suivre. Après environ cinq heures de marche, je décidais de m'arrêter dans ce qui ressemblait à une station-service afin de me désaltérer. Je n'avais pas fait de rencontre infortune et espérais qu'il en était de même pour mon amie. Si mes calculs étaient exacts, il ne lui restait qu'environ 5 jours de marche avant d'arriver à destination. Je n'avais aucun moyen de la contacter pour l'informer que j'étais toujours vivante mais je ferai tout pour la retrouver. Alors que j'inspectais les lieux afin de m'assurer que j'étais seule, j'entendis plusieurs coups de feu à l'ouest de ma position. L'adrénaline s'empara de mon corps et je partis dans la direction opposée. Je n'avais aucune idée de l'auteur de ces coups mais sa bêtise le mènerait à sa perte. Alors que je me déplaçais telle une ombre dans la forêt en bordure de la route, un craquement attira mon attention. D'instinct, je fis volte-face, le cœur battant et prête à me jeter sur mon potentiel assaillant. Rien. Probablement un petit animal qui rôdait. Je poursuivis ma route avec l'effrayante sensation d'être observée. Trois heures s'écoulèrent avant que mon corps ne cède sous le poids de la fatigue. Je ne me sentais pas en sécurité dans cet endroit et l'idée de dormir au milieu des bois me coutait. Mais je n'avais pas le choix. J'attendis tout de même de trouver un abri assez discret. La nuit fut courte et polaire. Mon ensemble noir, mes boots usées et ma parka suffisaient à peine à me tenir vivante mais ce fut la faim qui me réveilla. Je ne pouvais emporter que peu de vivres dans mon sac et il ne me restait déjà presque plus rien. J'avalai un casse-croûte et me remis en route. Ce n'est qu'au bout de trois heures que j'aperçus enfin ce qui ressemblait à une ville. J'entrepris ma traversée avec beaucoup de précautions. La ville paraissait déserte mais je dû tout de même éviter plusieurs infectés. Rien n'était plus dangereux que de traverser une ville seul. Je parvins tout de même à suivre ma route sans trop de difficulté. Lorsqu'un magasin m'apparut je décidais de faire une pause et de me réapprovisionner. Celui-ci était investi de quelques infectés que je parvins à tuer sans bruit grâce à un surin trouvé dans la précédente ville. Mais tandis que je remplissais mon sac, j'entendis le bruit d'une porte qui s'ouvre derrière moi. Je ne sentis pas mes muscles se tendre, ma respiration se couper ni même ma mâchoire se contracter. Je m'apprêtais à partir en courant quand une voix masculine vrilla mes sens.

- Toi.

L'homme parlait en coréen. Après tous ces mois sans pratique je ne pensais pas être toujours capable de comprendre cette langue et encore moins de la parler mais le cerveau pouvait s'avérer étonnamment surprenant en période de crise. Je me retournais enfin et fut incroyablement surprise de constater que je connaissais le visage en face de moi. Il s'agissait de la célébrité internationale Kim Seok Jin. Quelle était la probabilité de croiser une telle personne dans un contexte aussi dramatique ? Dans une autre réalité, j'aurais probablement été investie d'une joie immense rien qu'à l'idée d'être dans la même pièce que lui. Mais désormais seules deux émotions emplissaient mes journées, la tristesse et la peur.

- Donne-moi ça.

Il venait de désigner de la tête la barre chocolaté entre mes mains. Sans réfléchir je la lui lançais avant de me diriger vers la sortie, mon sac sur le dos.

- Attends !

- Quoi ?

- Tu n'es pas coréenne... Tu me comprends ?

- Oui.

Lorsque Jin se planta devant moi, je constatais l'arme qu'il tenait entre ses mains. Nous nous jaugeâmes alors pendant plusieurs secondes. Je ne pus m'empêcher d'apprécier les traits de son visage sérieux. Ses cheveux violacés et l'éraflure sur sa joue gauche le rendaient incroyablement séduisant. Il était vêtu d'une chemise marron quelque peu ensanglantée et d'un jean noir. Je pris soudain conscience que mon regard fixait ses lèvres pulpeuses depuis plusieurs secondes.

- Je vais à Sokcho. – Tentais-je alors afin de briser la glace.

Je ne pouvais pas me permettre de ressentir de l'attirance alors que mon seul et unique but était de retrouver les rares personnes qui m'étaient chères. Jin me détailla encore quelques secondes avant de répondre.

- Nous aussi.

- Nous ?

- Suis-moi.

Il m'effleura légèrement alors qu'il se dirigeait vers la porte dans mon dos, ce qui intensifia les battements de mon cœur malgré moi. Le souffle court, je décidais de le suivre. Après tout, rien n'était plus dangereux que de traverser une ville seul.

The fallen worldOù les histoires vivent. Découvrez maintenant