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Addison Jannet David était assise sous le porche, attendant le retour de son père sûrement ivre. Il faisait déjà noir et elle craignait qu'il ne revienne pas ce soir-là et l'idée de devoir casser une fenêtre pour entrer lui traversa l'esprit. Elle aurait pu appeler le serrurier, mais il ne serait pas intervenu avant le lendemain et alors elle n'aurait pu dormir au chaud. Il fallait qu'elle trouve quelque chose à jeter sur la vitre afin qu'elle se brise. Elle alluma la lampe torche de son téléphone puis se dirigea vers la remise où elle trouva le lance-pierre avec lequel elle avait malencontreusement cassé un nombre considérable de vitres lorsqu'elle était plus jeune. Elle l'arma d'une pierre de la taille d'une balle de ping pong puis visa le centre de la fenêtre de la cuisine. Une fois l'élastique lâché, la pierre fusa en direction de la vitre puis l'atteignit sans causer le moindre dégât.

La voix de son père retentit derrière elle alors qu'elle ramassait une autre pierre pour une seconde tentative.

        - Tu veux la repayer cette fenêtre ? demanda-t-il, l'air fatigué. Me dit pas que t'as encore oublié tes clés Addi.

       - Et toi me dit pas que t'as encore bu.

Il lui lança les clés après un regard noir et se dirigea vers la porte d'entrée en titubant. Une fois à l'intérieur de la maison, il s'affala dans le canapé en cuir marron et s'endormit aussitôt. Addison alluma un feu dans la cheminée puis pris dans son sac le livre qu'elle devait lire pour la fac. Elle s'assit dans le vieux fauteuil et contempla son père quelques minutes. Pauvre type. C'était de sa faute, tout ce qu'Addison devait supporter. Sa mère était partie à cause de lui, et maintenant, elle devait s'occuper de lui à chaque fois qu'il se noyait dans l'alcool, ainsi dire, sans cesse. Comment Mia Willem avait-elle pu épouser un homme comme Barry David ? Une erreur de parcours.

Après un temps de réflexion, la jeune femme finit par se plonger dans son livre, puis sombra dans le sommeil quelques heures plus tard.

Lorsqu'elle ouvrit les yeux, Addison ne vit pas son père. Elle repoussa la couverture qui l'a recouvrait puis se leva en ramassant la bouteille de bière vide posée au sol. Les rayons du soleil qui traversaient les quelques rares fenêtres de la pièce illuminaient la tapisserie sur laquelle apparaissaient des taches de moisissures.

En arrivant dans la cuisine, la bouteille qu'elle avait à la main tomba tant la jeune femme fut stupéfaite de découvrir la vitre qu'elle avait tentée de casser, complétement fissurée. Elle se hâta de ramasser les débris de verre puis passa son visage sous l'eau froide pour se réveiller. Lorsqu'elle releva la tête, la vitre était toujours dans le même état, fissurée sur toute la largeur. C'était impossible, mais bien vrai. Elle n'avait pas le temps de s'attarder là-dessus, il y avait forcément une explication rationnelle. Elle attrapa son sac puis ramassa son livre qui était tombée sur la moquette cramoisie du salon dans la nuit. Elle était en retard. Le véhicule de son père était toujours garé dehors, et Addison décida qu'il serait plus rapide de se rendre à la fac en voiture plutôt qu'en autobus. Alors, elle prit les clés posées sur le buffet dans l'entrée et sauta presque dans la voiture.

A cette heure-là, les alentours du campus étaient déjà animés par des passants de toutes les origines. Le calme de la propriété des David était remplacé par le brouhaha des voitures, des sirènes de police et de pompiers, et des klaxons aux multiples sonorités. Addison passa devant plusieurs restaurants de vente à emporter avant de tourner à droite pour rejoindre le parking. L'université se trouvait au nord-est d'Orlando. Sa famille n'avait pas les moyens pour payer ses études et la bourse qu'elle avait obtenue ne couvrait pas la totalité des frais de scolarité. Il lui était sans aucun doute impossible de payer une chambre d'étudiante, ainsi son père avait-il voulu déménager pour se rapprocher au maximum du campus. C'était bien la seule chose qu'il avait faite pour elle.

Dans les couloirs, personne ne remarqua la blonde qui venait d'entrer. Certains étaient occupés à discuter en lançant de brefs regards ci et là tandis que d'autres avançaient d'une démarche rapide pour rejoindre des salles de classe. Addison marchait tout en observant les indications placardées aux murs lorsqu'elle bouscula une autre fille.

- On t'a jamais appris à marcher droit ? Fais attention !

Toi, on ne t'a jamais appris à être gentille visiblement... Tout ce qui entourait Addison lui déplaisait déjà, il y avait trop de monde et trop de bruit. Mais elle s'était battue pour obtenir une place dans cet établissement et il n'était pas question de renoncer maintenant. Elle voulait rendre fière sa mère et espérait secrètement son retour.

La cloche sonna et tous ceux qui étaient restés dehors se précipitèrent sur la porte principale. En deux minutes, le hall de l'université de Floride centrale était devenu désert. Seuls quelques étudiants perdus cherchaient encore leur salle. Une fois le dédale de couloirs vide, Addison n'eut plus aucun mal à se repérer sur le plan qu'elle avait trouvé à l'entrée. Elle finit par trouver la salle dans laquelle elle devait se rendre. Elle frappa avant d'ouvrir la porte, s'excusa pour son léger retard et avança vers le fond. Son regard croisa celui d'autres élèves, avant qu'elle ne trouve une place seule.

Les quatre premières heures de cours se déroulèrent du mieux possible et au moment du déjeuner, la jeune femme décida d'aller manger sur le campus n'ayant pas le temps de rentrer. Elle s'installa sur un haut tabouret métallique dans la cafeteria et commanda un sandwich au thon. Une fois son ordinateur portable disposé sur la table, elle commença à rédiger ses premières leçons tout en croquant dans le pain à chaque nouveau paragraphe.

Les murs de verres et les lustres qui tombaient du plafond rendaient la pièce lumineuse et faisaient refléter le métal des chaises et des tabourets dans toute la pièce. La dizaine de serveurs marchaient vite, passant de table en table pour déposer des verres, des tasses ou des sachets remplis et récupérer les déchets ou la vaisselle salle. Ceux qui étaient occupés à prendre les commandes derrière le bar étaient, quant à eux, immobiles, le regard vide en attente de nouveaux clients.

Après plusieurs dizaines de minutes les yeux rivés sur son écran, Addison finit par lever la tête et apercevoir la petite brune qui la fixait depuis l'extrémité de la cafeteria. Aussitôt que leur regard se croisèrent, la fille détourna la tête, se leva et disparut en quelques secondes. Encore une folle dingue.

Elle jugea cette fille comme étrange mais pas inquiétante et n'y pensa plus de la journée. Lorsque l'ultime sonnerie de la journée retentit, la foule d'étudiants se dirigea vers les sorties pour rejoindre le café, le parc, leur chambre ou le parking. Dans les longues rues d'Orlando, les voitures avançaient de quelques mètres par minutes et Addison décida de faire des courses dans un supermarché avant de rentrer. Cela laisserait le temps au trafic routier de se fluidifier. Elle se gara non loin de la porte et saisit un panier à l'entrée. Au fur et à mesure qu'elle passait de rayons en rayons, le bâtiment se vidait peu à peu de ses clients. Prenant soin de regarder et comparer chaque étiquette entre elles afin de dépenser au minimum, la jeune femme ne vit pas les aiguilles de sa montre tourner. Lorsqu'elle se retrouva bientôt seule dans le magasin, l'ambiance qui pesait autour d'elle devint étrange, comme si elle était en train de rêver au beau milieu de la nuit.

Et c'est au carrefour entre plusieurs rayons qu'Addison s'arrêtât net. Il lui semblait avoir vu quelque chose qu'elle n'aurait pas dû voir à Orlando. Mia Willem la fixait depuis le fond d'une allée, impassible. Alors, Addison voulu dire quelque chose, mais aucun son ne put s'échapper de sa bouche. Elle pensait si fort que les mots résonnaient dans sa tête et l'écho de sa propre voix lui déchirait les tempes. Maman. Maman. Maman. 

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⏰ Dernière mise à jour : May 01, 2020 ⏰

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