I see your true colors

"But I see your true colors

Shining through

I see your true colors

And that's why I love you

So don't be afraid to let them show

Your true colors

True colors are beautiful

Like a rainbow"

True Colors, Cindy Lauper, 1986

Différente. Toute ma vie c'est comme cela que je me suis vue, c'est ce que j'ai ressenti. Différente. Pourquoi suis-je si différente ? Je n'arrivais pas à trouver ma place. Et je me sentais si ingrate. Ingrate parce que contrairement à beaucoup de gens de mon âge que je connaissais, j'avais une famille entière, unie. Pas parfaite, mais ma famille a toujours été là pour moi, toujours. Et pourtant, même si bien entourée, je me suis toujours sentie comme seule au monde... J'étais comme le petit mouton noir, parmi tous ces moutons si blancs.

Toute ma vie j'ai été en avance. J'ai marché tôt, j'ai parlé tôt, j'ai écrit tôt. J'ai sauté une classe, depuis toujours je suis la plus jeune à l'école. Trop rapide pour les autres, trop différente. Mon cerveau qui tourne à mille à l'heure, des pensées qui explosent en permanence, un arc-en ciel dans ma tête. Alors j'écris, j'invente des histoires, beaucoup d'histoires. Je lis aussi, beaucoup. Je me crée mes propres mondes où je peux être qui je veux. Une fée, une princesse, une sirène... oui, comme la plupart des petites filles de mon âge je pense. Mais hors de ce monde, je ne trouve pas ma place. Une pièce de puzzle mélangée dans la mauvaise boîte, pas de la bonne forme, qui ne rentre dans aucun trou peu importe comment on la tourne.

Incomprise. C'est aussi quelque chose que j'ai beaucoup ressenti. Incomprise par les autres, par mes camarades de classe, par mes parents, par ma famille. Incomprise et incapable de comprendre comment tourne le monde. Qu'est-ce qui ne fonctionne pas ? Qu'est-ce que je fais mal ? Comment ça marche ? Trop jeune peut-être, trop enfantine, trop rapide mais trop lente à la fois, trop naïve. Perdue dans mon monde de contes de fée, dans ce monde où tout est beau, où tout le monde est gentil. Face à la cruauté des enfants. Incompréhension. De moi et des autres. Alors j'essaye, je m'adapte, je copie mais rien n'y fait, rien ne change. Peut-être que je ne m'adapte pas assez ? Peut-être que je dois encore apprendre, imiter les autres ? Mais rien ne change. Les autres ne me comprennent pas. On me regarde toujours comme si j'étais une extraterrestre, une bizarrerie. Mes amis en rigolent mais même eux ont parfois du mal à me suivre.

Trop. Tout est trop. Les bruits trop forts agressent mes tympans, les lumières trop puissantes m'aveuglent, certains touchés si légers me blessent pourtant si fort. Mes goûts son exacerbés, j'ai des goûts très limités. Certaines odeurs me dérangent au point de me faire parfois tousser. Mes émotions sont comme des vagues, des tsunamis qui déferlent, prennent possession de mon corps et de mon esprit tout entier. Les larmes sont des torrents, la peur me paralyse, le stress et les angoissent me font trembler de toute part et la colère me dépasse. J'explose souvent, mes émotions se traduisent toutes de la même façon : les larmes, beaucoup de larmes. Des larmes qui blessent, des larmes qui soulagent, mais surtout des larmes qui font peur, peur aux autres. Je suis trop. Et ça dérange beaucoup les gens. On me dit que j'exagère. Mais enfin, ça n'a presque pas de goût, on le sent à peine. Tu exagères, on n'y voit rien ici, ferme les yeux pour dormir tu ne verras plus la lumière. Tu ne sais pas t'amuser, écouter la musique à fond c'est ça qui est fun. Arrête de faire semblant de tousser dès qu'on allume une cigarette. Chochotte, on ne sent presque rien, ça ne fait pas mal c'est juste une égratignure. Tous ces mots que j'ai entendu mille fois dans ma vie, que j'entends encore, tous ces reproches qui viennent parfois des personnes que j'aime le plus au monde, cela me blesse même parfois plus que ces sensations qui me déchirent. Les autres ne se rendent pas compte, ils ne vivent pas avec ces sens à fleur de peau.