Chapitre un

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Depuis deux ans maintenant, la plupart des nuits de Ganadi étaient agitées. Et cela faisait un mois qu'il faisait le même rêve, ou il se battait en duel avec quelqu'un au visage caché. Le combat ne commençait jamais de la même façon, mais finissait toujours pareil : l'inconnu le tuait.

Un matin, il se réveilla en sursaut, trempé de sueur. Il n'était pas plus de six ou sept heures, mais le soleil brillait déjà dehors. Les beaux jours comme cela, les marchands se devaient d'être à leurs étals très tôt, car, comme toujours, les gens arrivaient de bonne heure au marché de Saro, de façon à avoir le plus de marchandises possible.

Il se leva et se plaça devant son miroir. Il avait pour habitude de se regarder, bien que le temps semblât ne pas avoir d'emprise sur lui ; mis à part quelques plaques de poils irrégulières sur les joues, il n'avait que très peu changé ces dernières années. Il boutonna une chemise brune un peu trop grande, enfila un pantalon et il sortit de chez lui.

— Bonjour Mélina ! lança-t-il à la femme qui s'occupait de son jardin.

— Bonjour Gan', murmura-t-elle, les yeux dans le vague.

Elle, qui était d'ordinaire si confiante et si sûre d'elle, semblait perdue. Dans la fleur de l'âge, elle était de taille moyenne, mince, avec des cheveux bruns coupés court, toujours avec un poignard passé à la ceinture. Ganadi avait pour habitude de l'épauler pour entretenir le jardin, et il lui arrivait de vendre en plus de ses viandes, de l'ail, des carottes et des choux.

— Tu sembles préoccupée, je peux t'aider ?demanda le jeune homme l'air inquiet.

— Non, ça va. Dépêche-toi, tu vas être en retard !

— Je prends mon matériel et j'y vais. Bonne journée, à ce soir Mélina.

— Prends soin de toi, lança-t-elle à Ganadi qui commençait déjà à partir.

Il attrapa son sac, le jeta sur son épaule et retourna embrasser sa tutrice avant de filer. Il venait d'atteindre ses 17 ans quelques jours plus tôt, et était donc adulte. Néanmoins, il n'avait jamais vraiment côtoyé de femmes, car à Lhynn, elles étaient toutes trop âgées pour lui.

Pour se rendre au marché de Saro, il devait aller vers le sud. Suivre le chemin, bordé de prairies et de petits bois, bercés par le soleil matinal. Une routine pour Ganadi qui faisait ce chemin depuis presque deux ans maintenant. Peu de monde passait par ce chemin, non pas parce qu'il était malfamé, mais par ce que Lhynn était un petit village plutôt reculé à l'ouest du pays, et que les activités s'en trouvaient donc réduites.

Mais cette fois, le chemin d'habitude calme fut troublé par un étranger, un jeune homme assis au bord du chemin.

Ganadi, s'approcha de lui l'air méfiant et lança :

— Bonjour.

— Euh... bonjour. Qui es-tu ? répondit l'étranger en se levant.

— Je m'appelle Ganadi. Et toi ? Que fais-tu sur cette route si tôt ? Ta tête ne m'est pas familière. T'es-tu perdu ?

— Je me baladais, et j'ai décidé de faire une pause, pour profiter de ce grand soleil. Enchanté, je suis Yergan ! s'exclama-t-il avec une légère courbette. Je suis pêcheur !

— Un pêcheur sans canne à pêche ? s'étonna Ganadi.

— Eh bien, il m'arrive de pêcher sans, mais je ne comptais pas pêcher aujourd'hui. Je pensais plutôt à me changer les idées, répondit le nouveau venu, la mine sombre.

— Dans ce cas, je te souhaite bien du courage, répondit sincèrement le garçon qui venait de Lhynn.

— Merci, répondit-il. Le nouveau venu jeta un coup d'œil au sac de Ganadi et une lueur d'excitation passa dans son regard. Attends, tu vas à Saro ?

Ganadi - Tome I : Le pays de MénaiWhere stories live. Discover now