La ceinture - Elodie Frégé

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"Joue plutôt aux jeux interdits, rien ne dure, au-dessus de la ceinture"

-Il faut que tu partes.

Victor orienta son regard vers la jeune femme. Elle avait remonté la couette sur sa poitrine et fixait le parquet de sa chambre.

- Quoi ? T'attends quelqu'un d'autre peut-être ? répondit-il dans un sourire moqueur.

Déjà plus de dix fois qu'ils s'étaient rencontrés dans son appartement, cinq fois où il était resté jusqu'au petit matin, deux fois où ils s'étaient donnés rendez-vous en plein après-midi. C'est toujours lui qui décidait quand il partait, jamais elle ne lui avait demander. Parfois, elle le suppliait même de rester encore un peu, et cinq fois il avait cédé. Victor avait commencé à prendre quelques petites habitudes chez la jeune femme, ou plutôt chez ses parents. Une chance pour elle, mais surtout pour lui que ses parents aimaient partir en vacances, chez des amis ou s'offrir un Week-end romantique dans le sud de l'Italie. Ses parents, à lui, n'étaient pas aussi déserteurs. Mais à la rentrée, ils lui paierait son appartement à Nice. A 19 ans, le jeune jomme ne pensait plus que ça : prendre son indépendance. A ça et aux filles, toujours aux filles.

- Il faut vraiment que tu partes.

Pauline tenait sa couverture, recroquevillée au milieu du lit. Elle se sentait nue, elle était nue. Victor fronça les sourcils une nouvelle fois. Elle évitait toujours son regard. Il ne comprenait pas. Dans l'obscurité, il ne parvenait pas à analyser son regard. Même à la lueur du jour il ne parvenait jamais à le comprendre. Elle semblait très petite et frêle au milieu de ce lit défait. Et Victor se sentit coupable sans motif, sans crime. Il vit son portable s'allumer sur le bureau face à lui, 4h20 Il ne voulait pas rentrer maintenant, il n'était pas vraiment fatigué, mais il n'avait pas la force de quitter son appartement. Victor ne voulait pas la quitter.

- Pas de second round ce soir ? tenta-t-il sarcastiquement.

Mais il sentait déjà son cœur battre. Qu'avait-elle et pourquoi réagissait-il de cette façon. Combien de fois avait-il été embêté, ennuyé, exaspéré par la jeune femme. Il se rappela de la première fois qu'il l'avait invité chez elle et qu'elle était restée toute la nuit. Victor avait détesté ce moment et s'était promis de ne pas la rappeler. Mais quand il l'avait recroisé, par hasard, quelques jours plus tard dans un bar qu'ils fréquentaient beaucoup tous les deux, elle était déjà redevenue irrésistible. Ce soir, Pauline était irrésistible. Elle était toujours nue et il mourait d'envie de caresser sa peau à nouveau, alors il s'approcha du lit. Pauline se recroquevilla un peu plus, recouvrant un peu plus son corps.

- Non, Victor s'il te plait, tu dois...je veux que tu partes.

La jeune femme était saoulée, exaspérée, peut-être fatiguée. Victor secoua la tête en signe d'incompréhension.

Quelques heures plus tôt, il lui avait envoyé un message après l'avoir aperçue avec un ami, ou plutôt une malheureuse connaissance à lui. Il était déjà minuit passé, presque une heure et sa légère ivresse commençait déjà à s'évaporer. Victor s'ennuyait au bar et il se sentait même un peu triste. Plus loin, sur les dernières chaises au fond du bar, des filles criaient les paroles d'un tube commercial. Victor en reconnaissait certaines, plus jeunes que lui, encore au lycée. Elles enchaînaient les shots d'alcool plus ou moins fort, devant leurs copains déjà endormis. Victor les trouvaient ridicules. Mais il se trouvait lui-même encore plus ridicule. A 19 ans, voilà qu'il était déjà seul au comptoir d'un bar fréquentait par de plus en plus de mineurs. Il dégaina son portable. Des snaps de filles qu'il ne connaissait pas. Cela l'amusait en temps normal, aujourd'hui il en avait la nausée. Il reçu un Nude et supprima le contact, il regretterait peut-être demain matin, il en recevrait d'autres de toute manière. La vie des autres défilait devant ses yeux, des courtes storys inintéressantes de fêtes, d'alcool, de sourires débiles et de rythmes endiablées. Un peu d'Aya Nakumura dans une voiture remplie de meilleures copines, un peu de Damso dans un bar à chicha et puis du Queen sous les voix d'une bande de copains bras desssus, bras dessous. Puis son visage. Une photo d'elle, la bouche en duck face un verre de rosé posé devant elle, à coté de ce vague ami, cette connaissance. Il bloqua sur la photo. C'était peut-être l'alcool, la solitude, l'ennui, la nuit mais son cœur, son corps la réclamait. Victor remonta dans ses messages privés, il se rendit compte que cela faisait un bail depuis leur dernière conversation. Trois semaines. Au fond, il n'était pas sûr qu'elle lui répondrait. Il n'était jamais sûr de rien en ce qui la concernait, c'était ce qu'il détestait le plus chez elle, ou peut-être ce qu'il appréciait le plus, qui sait.

Au rythme des battements de nos coeursWhere stories live. Discover now