Élucubrations d'Aube : Éléonore et Sylvain

3 0 0
                                    


La serveuse revint prendre leurs commandes. Aube en profita pour observer Éléonore et Sylvain du coin de l'œil. Ils semblaient aussi bien appairés qu'ils ne l'étaient pas. Cette femme paraissait si jeune, et même si la présence d'Aube avait l'air de l'impressionner – ce qui ne cessait d'ailleurs de l'étonner – on voyait dans son comportement, et surtout au fond de ses yeux, qu'elle était extrêmement dynamique et pleine d'énergie. Aube était persuadée qu'il lui en fallait peu pour se mettre à irradier et contaminer son entourage de bonne humeur. À côté d'elle, Sylvain était d'un calme indéfectible. Aube se rappelait d'un enseignant très imposant et charismatique, mais de tempérament discret. Elle était sincère quand elle disait qu'il n'avait pas changé. Il y avait quelque chose de constant dans son allure, sur les traits de son visage, dans ses prunelles. On voyait bien qu'il était la nuit autant qu'elle était le jour. Pourtant, le lien qui les unissait, lui aussi, était palpable. Il transparaissait sans qu'ils n'aient aucun effort à faire. La manière de s'adresser l'un à l'autre, de se parler, de se conduire, les petits gestes inconscients, leurs regards... Aube les trouvait beau.

— Ne les jalouse pas, princesse, murmura Calhoun, tu sais que ça ne sert à rien.

Oui, elle savait bien que c'était inutile. Mais elle ne pouvait pas le contrôler. Envier ce genre de relations était l'un de ses plus gros problèmes depuis qu'elle avait rencontré la solitude à l'université. Cette fusion entre deux êtres était tout simplement fascinante. Quand c'était de l'amour, ce n'en était que plus curieux pour Aube, qui n'avait aucune idée de ce que cela pouvait bien provoquer. Elle avait envie de leur demander ce que ça faisait, d'être amoureux. De s'aimer à ce point-là. De pouvoir se sacrifier pour l'autre si nécessaire – parce qu'elle savait qu'ils s'aimaient de cette manière, c'était d'une évidence sourde, rien qu'en les voyant. Qu'est-ce que ça faisait, réellement, au fond des tripes, de vivre pour l'autre, de ne pouvoir se détacher de l'idée qu'il est présent à ses côtés, toujours. Qu'est-ce que cela faisait, d'avoir cette force-là ? De ne pouvoir s'en départir ? Pris dans cette spirale, Aube était certaine qu'ils ne se posaient pas la question, eux, de savoir ce que cela faisait de ne pas être amoureux. Ce sentiment là s'était échappé, il avait disparu, il était même impossible de l'envisager. Aube cherchait dans leurs regards la réponse à ses manques. Elle voyait des lueurs, de la brillance, de la naïveté. Et dans ses yeux à elle, que pouvait-on voir ?

You've reached the end of published parts.

⏰ Last updated: Apr 28, 2020 ⏰

Add this story to your Library to get notified about new parts!

Et ils chantentWhere stories live. Discover now