Chapitre 7: Les larmes de Marie

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Doucement, sa main s'approche de la mienne, mais balbutiante, je recule.

-Je ne veux pas te faire de mal, attends...murmure-t-elle.

Ses yeux s'attardent sur mon corps et malgré la couverture, elle semble voir mes blessures. J'essaye d'articuler un mot, je n'y arrive pas. Une larme se met à couler sur ma joue. Je ne sais pas pourquoi. Pourquoi je pleure.

Elle approche sa main encore, lentement et effleure mes doigts sans me quitter du regard. Comme elle l'aurait sûrement fait pour amadouer une bête sauvage. Ou Elwen.

-Tu es elle, n'est-ce pas ? Je sais que tu es elle, continue-t-elle sans attendre de réponse. Tu as les mêmes blessures. Tu étais couchée à l'endroit même où elle s'est endormie hier soir.

Alors, sans réfléchir, comme si l'occasion m'était donné à présent de déposer mon fardeau, je fais un signe de tête. Elle sourit.

-Je le savais...Tu peux te lever ?

Je la regarde sans répondre. Elle me montre sa maison de la tête alors difficilement, sans dire un mot,je me lève. Elle me prend le bras avec douceur et le parfum de violettes envahit à nouveau mes narines. Je ne peux alors m'empêcher de soupirer.

Un pas, deux pas. Peut-être plus. Je me retrouve dans une toute petite cuisine, envahie de plantes et de flacons de toutes sortes. Des bouquets d'herbes pendent aux murs.Nous traversons une porte en bois. Un lit m'attend. Des couvertures de toutes les couleurs le couvrent. Il est minuscule, comme elle.Elle me fait m'asseoir et ressort.

Pendant un instant, je reste seule. Et la douleur revient. Dans un gémissement, je me renverse sur le lit.

-Tu es épuisée...

Je la regarde entrer, les bras chargés de flacons et de chiffons propres et je me redresse aussitôt .Elle rapproche un tabouret et s'assied devant moi. La toute petite fenêtre dans mon dos laisse passer une lumière douce et chaude qui décontracte les muscles de mon dos. Je m'aperçois, surprise, que je suis tendue de partout. La douleur, la fatigue...La peur, sans doute...

Sans dire un mot, elle m'observe en silence, en déposant ses affaires à côté d'elle. Puis elle cherche mon regard, que je n'ose lui accorder. Le silence s'installe un long moment.

-Le bain du matin que j'étais entrain de me préparer est bientôt prêt. Derrière cette porte,ajoute-t-elle en montrant une sortie à côté de la tête du lit. Je vais t'aider à te déshabiller.

Un bain ? Mais de quoi parle-t-elle ? Une toilette, c'est ça ? Je suis crasseuse, c'est vrai. Mais mon esprit ne va pas chercher plus loin. Je ne pense plus à Elwen. Plus à ma tante. Mon père me paraît si loin, ce matin. Et pourquoi ai-je l'impression de sentir un poids descendre de mes épaules ?

Des odeurs me parviennent...Des odeurs de fleurs, de viande séchée...Ma peau frissonne...Un craquement se fait entendre derrière moi. Je me retourne, mais il n'y a rien.

-Shhhhhhhhh.....Elle est encore un peu là...Laisse la partir et dormir paisiblement...

Je la regarde et je comprends. Elwen est encore là, elle refuse de s'apaiser encore...Mais pourquoi ?Nous nous regardons enfin. Son visage un peu rond est encadré de ses longs et étranges cheveux rouges. Des yeux noirs comme le charbon m'observent. Tout en elle est étrange. Et pourtant...Je sens comme une vague de bienveillance et de douceur en elle. Puis-je avoir confiance ?

Elle m'aide à me lever non sans mal et entreprend de me déshabiller complètement. C'est alors que je m'aperçois vraiment de mon état. Mes jambes sont lacérées. Mon ventre est rouge et violacé. Mon épaule est profondément meurtrie.C'est alors que je sens des larmes couler sur mes joues. Je n'ai qu'une envie. M'asseoir par terre et pleurer. Mais ma compagne d'infortune lève mon visage en me tenant doucement le menton.

-Le bain, dit-elle en souriant.

Elle pousse la porte et nous nous retrouvons devant une troisième pièce minuscule éclairée par la faible luminosité qui transperce du dehors. Devant nous, se dressent deux grands baquets, dans lesquels une eau fumante et limpide stagne.D'un geste, elle m'invite à me plonger dans le premier, ce que je fais. L'eau m'enveloppe et le tremblement qui m'agitait quelques secondes avant s'apaise enfin. Toutes mes douleurs semblent se calmer. Derrière moi, elle me verse soudain de l'eau sur la tête en riant. D'abord surprise, je me laisse faire. Elle me tend alors une sorte de grosse éponge et un bloc parfumé. Je la regarde sans comprendre.

-Frotte cette éponge avec ça. Tu verras. Puis, frotte-toi tout le corps.

Interloquée, j'obéis tout de même.L'eau a une odeur de lavande ! Mais comment est-ce possible ?La lavande ne pousse que très loin, dans le sud de notre pays, à plusieurs semaines de marche ! Mais mon esprit ne s'en préoccupe pas plus. Ma question tombe alors dans l'eau du bain, avec le reste de mes pensées.

Soudain, je la sens en train de frotter mes cheveux. Elle les rince ensuite. Le contact de l'éponge  me fait du bien. Et, à ma grande surprise, l'eau dans laquelle je baigne devient marron.

-Il est temps de passer dans le deuxième baquet, me dit-elle.

Je m'exécute. Et à ma grande surprise, l'eau est plus chaude. Plus parfumée. Je me sens propre et pour la première fois depuis longtemps, je me sens vraiment en sécurité. Sans savoir pourquoi. Je ramène mes genoux contre ma poitrine et je pose le menton sur eux, le visage à moitié immergé dans l'eau. Alors elle s'agenouille à côté du baquet, juste à côté de moi et me murmure à l'oreille :

-Je m'appelle Alaïs. Et toi?

-Marie.

Je parviens à peine à articuler mon prénom.

-Eh bien, Marie...Tu peux pleurer, maintenant.

Je fonds alors en larmes.


La Louve et la SorcièreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant