- Chapitre II - Un détour mémorable

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—  Merci, ma chère mère, lui confia Lana avec un soupçon de lassitude. Mais tu te trompes encore une fois sur mes intentions ; Je n'agis pas comme une âme charitable envers Lanon et il ne m'attire pas du tout pour mener une vie de couple. Sa vie est certes désolante, évidemment... Sa mère, par exemple, s'est pendue dans la forêt du Miaulement peu après sa naissance. Mais je n'apprécie pas Lanon pour son passé familial désastreux. Je n'aborde jamais ce sujet avec lui. Un jour ou l'autre, vous devrez comprendre que Lanon n'est rien de plus qu'un ami d'enfance. Il n'y pas d'amourache entre nous et je ne le fréquente pas à des fins de commisération. Point ! ».

Ses parents s'avouèrent implicitement vaincus. Ils ne persévérèrent pas dans leurs litanies offensantes. Lana, quant à elle, se réjouissait d'arriver au plus vite dans le centre-ville de la capitale. Erkad était déjà en train de somnoler et commençait à émettre des glapissements stridents. Ophelia lui tapota le bras avec son coude pour le calmer. Mais, enfin, les anciennes portes en bronze du centre de Harriatiosis se levaient devant le carrosse royal. Les gardiens sur la passerelle en bois qui surplombait les portes adressèrent un salut respectueux à leurs seigneurs. Le cocher muet manœuvrait de plus en plus difficilement au milieu d'une foule grandissante, que Lana et ses parents baisaient de leur main. Les citadins étaient sans doute éblouis par la robe blanche virginale de la Princesse - ils connaissaient et encensaient la pudeur de Lana. L'héritière désignée possédait aussi une couronne d'or parsemée de diamants exquis. Mais ce n'était qu'une couronne d'apparat parmi tant d'autres, en vérité ! La voiture atteignit son point d'arrivée au pied d'une fontaine majestueuse, devant laquelle avait été aménagé un promontoire pour la communication du discours inaugural de l'Emergence Céleste. Jergenst devait s'y employer en premier chef, secondé par sa femme et sa fille. Un siège moelleux avait été préparé pour accueillir Erkad. En tant que monarque déchu et vieil homme sénile, sa seule présence servait uniquement à montrer l'unité de la famille. L'attroupement compact de sujets en liesse acclamait la famille royale. Les jeunes gens s'enthousiasmaient en particulier pour Lana - qui serrait des cohortes de mains moites ou sèches sans s'arrêter. Tandis que ses parents descendaient du carrosse pour enlacer des veuves éplorées, embrasser des chérubins ventripotents ou donner leur bénédiction à des estropiés, Lana constatait que Lanon était encore absent... Son « Pater Familias » tyrannique ne se manifestait pas davantage dans le magma humain qui se coagulait devant sa famille. Le sang de la jeune femme était en proie au bouillonnement. Cette dernière prit subitement l'initiative de s'extraire de manière précipitée du carrosse pendant que le Roi et la Reine lui tournaient le dos. S'engouffrant dans la meute pullulante, Lana était prête à retrouver Lanon - et à le conduire de son propre chef aux festivités, si nécessaire ! Il convenait seulement de ne pas s'attarder.
« Oh ! Pourrais-je devenir votre fidèle époux, eh, eh... ? lui lança une vieille baderne enivrée au milieu du passage.
— Certainement pas ! » s'irrita Lana en esquivant la main que lui tendait son prétendant inespéré. 

Les civils agglomérés ne comprenaient guère pourquoi la Princesse s'écartaient autant du promontoire - ce qui ne les empêchait en rien de lui adresser d'ores et déjà des requêtes en abondance. Lana leur promit d'y répondre dans les meilleurs délais. Sans pour autant s'interrompre dans sa course. Elle parvint à se faufiler en toute promptitude dans une venelle ombragée. Des bâtiments en pierre rudimentaire et couronnés par des toits de chaume usés jouxtaient la ruelle. La princesse accourait sur des pavés glissants semés de dangereux nids-de-poule. « Les services de la voirie se seraient-ils offert un congé prolongé ? » se dit-elle avec consternation. Lana accomplit un détour dans ces ruelles pour échapper aux foules en ébullition - ce qui lui permit de s'extraire du centre et de la ville par des voies détournées. Ces dernières étaient peu fréquentées dans ce contexte de célébration religieuse. La Cité d'Harriatiosis n'était pas démesurément grande, par ailleurs. L'héritière du trône put se diriger vers la Porte orientale après une dizaine de minutes de marche au trot.

Les gardes en armure blanche ne comprirent pas la raison de sa présence. Mais ils actionnèrent le levier de la Porte en bronze massif. Il était hors de question d'entraver le chemin de la future Reine. Ces soldats étaient installés sur une passerelle au-dessus de la Porte, à l'instar de leurs camarades de la Porte Nord auparavant franchie par la famille de Lana. Les militaires s'inclinèrent avant de tirer la manivelle avec dévouement. Lana leur envoya des remerciements expéditifs et poursuivit son circuit. Elle commença à s'enfoncer dans les zones rurales adjacentes d'Harriatiosis ; à mesure de son avancement sur la route, cette dernière s'effritait pour redevenir peu à peu un vulgaire chemin de terre. Lana se souvint que cette piste usée rebutait les familles de noble extraction qui s'aventuraient trop loin de leur villa. Veillant à ne pas trébucher dans les fourrés envahissant le bas-côté de la route, Lana se décida à quitter le chemin vers sa droite. 

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