Chapitre 5

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J'entame mon quatrième week-end au Shot Me et je dois avouer que je m'y sens de plus en plus comme chez moi. Bien que je ne sois pas du même côté du comptoir qu'à l'époque où je venais régulièrement, je retrouve cette sensation de familiarité quand j'entre dans le bar. J'y ai mes repères, j'y retrouve les mêmes personnes et j'aime cette stabilité ainsi que ce qu'elle m'apporte. Je ne vais pas mentir, le rythme est soutenu et la combinaison avec mon autre travail devient compliquée mais je gagne suffisamment d'argent pour faire avancer mon projet, tout en ayant une ambiance de travail agréable, alors je ne vais pas me plaindre. En plus, j'ai été accueillie à bras ouverts et c'est un peu comme si je n'avais jamais vraiment arrêté de venir ici. La seule chose qui me manque, c'est Baptiste. Nous avons gardé contact mais entre mes horaires de travail et sa nouvelle copine, c'est vraiment devenu compliqué de nous voir. Nous arrivons tout de même à nous appeler ou du moins à nous écrire régulièrement pour savoir où en est l'autre. L'entretien qu'il avait passé s'est d'ailleurs bien déroulé. Il attend une réponse quant à son embauche et est très optimiste. En parallèle, il file le parfait amour avec Milie. Leur coup de foudre réciproque se confirme de jour en jour et je ne serais pas étonnée qu'ils emménagent ensemble d'ici peu de temps. En tout cas, je suis vraiment heureuse pour lui que tout lui sourit, il le mérite.

- Hey ! Je peux avoir une bière ?

Un client me tire de mes pensées.

- Désolée mais je ne sers pas, il faut voir avec les autres sur le devant du bar.

- Oh allez, ils sont tous occupés !

- Et non ! Encore une fois, je ne sers pas. Enfin sauf si tu veux un verre d'eau, lui répondis-je avec mon plus grand sourire hypocrite.

- L'eau ça fait rouiller !

On ne me l'avait jamais faite celle-là tiens... Dans les mauvais côtés de ce job, le principal est celui de devoir gérer la clientèle bien imbibée. A chaque soirée, je dois refouler gentiment des demandes de boissons et des personnes insistantes qui ne comprennent pas que non, c'est non. Malgré ça, je n'ai pas eu trop de soucis à m'en débarrasser jusqu'ici, et tant mieux. Sauf qu'il n'y a pas que ça...

Je m'arrête un moment pour regarder autour de moi tout en sachant très bien que même si j'essaye de ne rien laisser paraître, j'ai toujours espoir de voir Anthonin arriver. Lors de mon premier soir ici, j'avais été soulagée qu'il ne soit pas là, notamment à cause de notre dispute, mais aussi car c'était une pression en moins que je me mettais sur les épaules de le savoir dans les parages. Sauf que je commençais à mal vivre le fait qu'il me fuit de cette manière. Après avoir claqué la porte de chez moi, il s'est arrangé pour ne plus avoir à faire à moi directement et je commence à me dire qu'il regrette que je sois ici. Nadya m'a dit qu'elle devait aborder avec lui le fait qu'il devait revenir travailler avec l'équipe le week-end, mais je ne sais pas si elle l'a déjà fait ou non. Depuis notre conversation la semaine passée, elle ne m'en a pas reparlé et je sais que c'est parce qu'elle ne veut pas se retrouver mêlée à notre histoire, d'une manière ou d'une autre. Je comprends parfaitement, mais c'est vrai que j'aurais aimé savoir à quoi m'en tenir. La situation est d'ailleurs un non-dit au sein de l'équipe. Personne ne m'en a parlé mais j'ai déjà surpris des conversations sur le sujet. A priori, on ne m'en tient pour responsable, ou du moins on ne m'en tient pas rigueur. Malgré tout, ça me met mal à l'aise. J'aimerais régler cette histoire. Ok, si demain il n'est pas revenu, je l'appelle. Ou sinon je lui envoi juste un message pour commencer. C'est tout un art de se défiler, il ne faut pas croire que ce soit simple.

Je reprends le travail, essayant de ne plus réfléchir à la situation pour le moment. Heureusement, le rythme s'accélère, ce qui ne me laisse pas vraiment le temps de penser à autre chose qu'à me rendre efficace pour l'équipe. J'enchaîne les allers-retours dans la salle pour aller récupérer les verres sur les tables mais la foule se fait de plus en plus compacte, ce qui me rend la tâche difficile. Je bouscule parfois quelqu'un et m'excuse au passage, bien qu'on ne m'entende probablement pas à cause de la musique. J'essaye désormais de ne pas renverser la pile de verres que je me suis confectionnée lorsqu'on me bouscule. Le haut de la pile menace sérieusement de tomber au sol mais je réussi à la rattraper de justesse.

Shot meOù les histoires vivent. Découvrez maintenant