Soulless

Chapitre 1

                  /\ Plusieurs mois plus tôt.../\

- Bonjour, Alphea, lança un homme brun d'une trentaine d'années.

L'interpellée quitta des yeux son calepin, un instant, pour croiser le regard noisette de l'homme. Il était grand, portait un uniforme militaire et tenait à la main son képi.

- Bonjour, William. Comment allez-vous ?

Son ton neutre, son regard indéchiffrable et son attitude distante ne découragea pas ledit William, qui esquissa un sourire cordial.

- Très bien, je vous remercie. Et vous ? Les détenus ne vous posent pas de problèmes ?

- Comme d'habitude. Seul Showdown Bandit se montre particulièrement agité, aujourd'hui.

Alphea avait volontairement éludé la question, tout en reportant son attention sur la vitre qui donnait sur une pièce aux murs gris et à l'unique source de lumière blanche, crue. Une table et deux chaises servaient de meubles. Il y avait deux personnes qui y étaient assise ; un homme aux cheveux noirs, habillé d'une blouse blanche, et une jeune fille à l'unique œil injecté de sang. Elle portait une camisole de force, et Alphea se doutait qu'un gardien était prêt à intervenir en cas d'incident, de l'autre côté de la porte, s'il recevait un signal.

- Cette fille, c'est une certaine Nal...Nalke...?

- Nalka. Et oui. Le Docteur Leski est une figure rassurante mais ferme. Il est excellent pour ce genre de patients.

Elle nota quelques mots sur sa feuille, avant de fermer son carnet et de pivoter vers son interlocuteur.

- Saviez-vous si le Docteur Lavender est présente, aujourd'hui ? lui demanda-t-elle de son habituel ton neutre.

William balaya la jeune femme du regard. Élancée voire même svelte, la peau presque translucide, les yeux pers et les cheveux noirs aux reflets bleutés, le Docteur Alphea O 'Hara était une jolie jeune femme d'une trentaine d'années, bien qu'elle en faisait moins. Psychiatre reconnue en Europe et aux Etats-Unis, psychanalyste de talent, elle s'était vite fait remarquer grâce à ses thèses surprenantes et à son mental d'acier. Mais, surtout, pour ce qu'elle avait vécu.
Dans la prison, peu savaient les passés des employés, pour des raisons de sécurité et d'intimité. Mais l'histoire de la jeune O 'Hara était connue : enfant, un homme en proie à des bouffées délirantes s'est introduit chez elle, et a tué ses parents avant d'être arrêté. La fillette fut placée en famille d'accueil, bien que son traumatisme resta ancré en elle, et ce, certainement pour toute sa vie.

- Je ne pense pas. Madame Migao l'a envoyé ce matin chercher deux nouveaux pensionnaires.

- Je vois. Merci du renseignement, William. Veuillez m'excuser, mais je dois prendre congé.

- Je comprends, vous devez avoir du travail ! Excusez-moi de vous avoir retenue. Passez une bonne journée, Alphea, la salua-t-elle poliment, avant de sortir de la pièce sombre, laissant la psychiatre seule.

Elle soupira en le regardant s'en aller. Elle l'appréciait, mais ses méthodes ne s'accordaient pas avec ses principes, disons. Dommage, pensa la jeune femme en quittant à son tour la pièce, ses affaires à la main. Elle marchait dans le couloir lorsqu'un hurlement de rage retentit. Sans surprise, Alphea constata qu'il s'agissait de la cellule 667, celle du prisonnier Showdown Bandit.

Elle saisit son talkie-walkie et appela quelques gardiens, au cas où, pour augmenter la sécurité de la cellule. Mieux valait deux précautions au lieu d'une. Sephy - Petit surnom attribué par ses parents adoptifs - atteignit finalement son bureau, une pièce lumineuse, constituée d'un bureau, d'un fauteuil, de plusieurs étagères, de deux sièges et enfin, d'une multitude d'écrans. Seuls cinq étaient allumés. Les autres étaient fonctionnels, mais la trentenaire avait pour principe de laisser ses patients dans des conditions humaines ; les observer à leur insu, dans leurs cellules, c'était contre ses idées.