- Et ça peut s'envoler comme ça ?

- Je ne renie en rien mon histoire avec lui, mais tu m'as poussée dans des retranchements auxquels je n'avais pas accès auparavant. Aujourd'hui, c'est le cas et j'ai envie d'en apprendre sur moi.

- Au détriment de tout ?

- Ce n'est pas ce que j'ai dit.

Je finis mon rouleau de printemps l'œil inquisiteur.

- Pourquoi moi ? Questionne-t-elle.

Elle change radicalement de sujet, là.

- Parce que tu étais belle.

J'ai répondu sans réfléchir. Elle s'étouffe presque avec son nem. Je lui sers de l'eau.

- Ah bah, c'est rassurant de savoir que si tu trouves une fille jolie tu vas lui courir après.

- J'avais aussi envie de jouer, une lubie probablement malsaine mais je ne t'aurais jamais fait de mal.

- Ce n'est pas ce que tu laissais entrevoir.

- Evidemment, où aurait été le jeu sinon ?

- Tu as de drôle façon de t'amuser.

- J'aurais plutôt dit peu commune.

- Tu vas toujours aussi loin ?

- Non jamais... D'habitude je cours après et je tambourine à la porte d'entrée pour entendre un petit cri.

Je ris doucement à mes mots en me souvenant d'une vieille dame qui avait hurlé à la police dans son allée.

- Tu te rends compte que tu es allée bien plus loin que ça ?

- En effet, j'en ai totalement conscience. Mais je ne regrette pas.

- Même pas un peu ?

- Je regrette le mal que j'ai pu causer mais pas la finalité qui nous mène ici ce soir.

Le plat arrive à ce moment-là. La serveuse me regarde avec insistance. Je prends un air incrédule.

- Je me trompe ou vous êtes Sam ?

- Euh oui, pourquoi ?

- Sam, la championne de kick boxing ?

- Arf, j'ai arrêté mais oui c'est moi...

Je suis extrêmement gênée, je ne m'attendais pas à ce que l'on me rappelle mon passé ce soir. Je la vois trépigner.

- Je peux faire quelque chose pour vous ? Dis-je gentiment.

- Je ne me permettrai pas, mais si je pouvais avoir un petit autographe quand vous partirez, je vous en serai très reconnaissante.

Je lui souris, en acquiesçant et elle s'éloigne. Je me racle la gorge.

- C'est bon ce que tu as pris toi ?

- Tu veux vraiment faire abstraction de ce qu'il s'est passé ?

- Ça n'a pas vraiment d'importance.

- Ce n'est pas à toi de fixer l'importance des choses.

- Ni à toi, d'ailleurs quel est ton métier ?

- Je ne fais rien actuellement, mais je cherche un poste en faculté pour enseigner l'histoire.

- Intéressant.

- Ne fais pas semblant, à chaque fois que je dis ça, ça ennuie tout le monde et tout le monde s'en fout.

- Je ne suis pas tout le monde.

Elle sourit.

- C'est bien que tu en aies conscience. Ce n'est pas le cas de tous, parfois on voudrait simplement sortir de la masse mais ce n'est pas aussi simple. Soupire-t-elle.

- Tu parles de quoi, là ?

- Rien. Alors tu étais championne ?

J'admets que ça a été un épisode de ma vie assez heureux. Et lui en parle un peu pour nourrir sa curiosité.

- Je ne pensais pas que tu avais un tel passé.

- Comment aurais-tu pu ? Le king boxing, on ne peut pas dire que ce soit une discipline très prisée par le public.

Je ris doucement. Et repousse mon riz cantonnais, pour qu'elle se serve à son tour.

- Nous parlons beaucoup trop de moi, qu'elle est ta spécialité en histoire ?

- Le Moyen-Âge.

- Jacquouille et tout ça ?

Elle rit assez fort, je ne m'y attendais pas, je me détends de plus en plus tout au long du repas. Elle m'explique tout ce qui la passionne dans cette période de notre histoire. J'écoute avec attention, c'est vrai que c'est très captivant, surtout de la façon dont elle en parle. Le dessert fini, nous demandons l'addition. Un stylo est présent aux côtés de la note. J'écris un mot sur la nappe en papier et signe. Je vois la jeune femme qui m'a interpellée toute à l'heure me sourire en levant son pouce. Je lui fais coucou et nous partons.

- C'est la première fois que je sors avec une star.

- Tu abuses un peu.

- Je sais, mais ça te met mal à l'aise et c'est mignon. On retourne au gymnase ?

- Pourquoi ?

- Pour me remettre à niveau pour les cours que j'ai manqué.

Je lui dis qu'elle n'a rien manqué de très important. Elle ajoute que l'on peut s'entraîner à la lumière des lampadaires de la place qui se situe de l'autre côté de la rue. J'accepte et lui mime les différentes prises que je n'ai pu lui enseigner ces derniers temps.

- La théorie n'est pas suffisante, passons à la pratique non ? M'interpelle-t-elle.

- Il faut bien assimiler la théorie pour envisager de passer à la pratique.

- Il y a des moments où il vaut mieux être manuelle plutôt que cérébrale.

- Le mieux reste l'alliance des deux !

Elle s'approche de moi alors que je regarde une voiture passer et m'attaque, je la fais tomber en deux seconde par réflexe. Je la rattrape avant qu'elle ne touche le sol. Elle s'accroche à mon cou, dans le mouvement pour la remettre droite sur ses jambes. Elle approche sa bouche de mon oreille.

- J'ai aimé te découvrir un peu ce soir. Je ne promets rien sauf si...

Elle se décroche de moi et fait quelques pas en arrière. Je ne comprends pas trop où elle veut en venir. La lumière vient couper sa bouche en deux. Le rouge brille d'un côté et s'éteint de l'autre. Elle rit et commence à s'en aller. Puis se met à trottiner.

- Tu m'attrapes !

Elle le crie en accélérant. Je réagis quand elle est à une cinquantaine de mètres. Alors comme ça elle veut jouer ? J'en ai envie aussi, maintenant. Je ne cherche plus à réfléchir et me mets à sa poursuite. Elle m'anime autant que la première fois. Nous sommes dans la même rue, je me demande où elle va bien vouloir s'arrêter de courir. Je la chasse tout autour du pâté de maison. Elle se dirige vers sa voiture si je calcule bien. Je la talonne.

- T'es à moi !

- Cours toujours, je n'ai pas encore abdiqué.

Le souffle nous manque, elle sort ses clés entre deux grandes foulées et je vois la voiture clignoter. Je ris intérieurement. Elle y arrive trop vite et se heurte à la voiture, le temps de réagir je viens la plaquer encore plus contre celle-ci.

- Alors ?

- Embrasse-moi, nous verrons bien ensuite.

Nous sourions et nos langues se lient. Je ne sais pas où tout cela mènera mais comme disait Isa, au pire j'aurai passé des minutes très agréables.

Self ControlWhere stories live. Discover now