La chambre de mort

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La chambre de mort

Le calcul était juste à condition que la porte s'ouvrît à l'extérieur, et que les ennemis fussent aussitôt à découvert. Véronique examina donc le battant, et, subitement, constata qu'il y avait en bas, contrairement à toute logique, un gros verrou solide et massif. Allait-elle s'en servir ?

Elle n'eut pas le temps de réfléchir aux avantages ou aux inconvénients de ce projet. Elle avait entendu un cliquetis de clefs, et, presque en même temps, le bruit d'une clef qui heurtait la serrure.

La vision très nette de ce qui pouvait advenir frappa Véronique. Devant l'irruption des agresseurs, désemparée, gênée dans ses mouvements, elle viserait mal et ses coups ne porteraient pas. En ce cas on refermerait la porte, et, sans tarder, on courrait à la cellule de François.

Cette idée l'affola, et l'acte qu'elle accomplit fut instinctif et immédiat. D'un geste, elle poussa le verrou du bas. D'un autre geste, s'étant dressée à demi, elle rabattit le volet de fer sur le guichet. Un loquet se déclencha. On ne pouvait plus ni entrer ni regarder.

Tout de suite elle comprit l'absurdité de cet acte, qui ne mettait pas d'obstacle aux menaces de l'ennemi. Stéphane, qui avait bondi jusqu'auprès d'elle, le lui dit :

– Mon Dieu, qu'avez-vous fait ? Ils ont bien vu que je ne bougeais pas, et ils savent que je ne suis pas seul.

– Justement, dit-elle, essayant de se défendre. Ils vont essayer de démolir cette porte, ce qui nous donnera tout le temps nécessaire.

– Le temps nécessaire à quoi ?

– À notre fuite.

– Comment ?

– François va nous appeler... François...

Elle n'acheva pas. Ils entendaient maintenant le bruit des pas qui s'éloignaient rapidement dans les profondeurs du couloir. Aucun doute : l'ennemi, sans se soucier de Stéphane, dont l'évasion ne lui semblait pas possible, l'ennemi se rendait à l'étage supérieur des cellules. Ne pouvait-il pas supposer, d'ailleurs, qu'il y avait accord entre les deux amis, et que c'était l'enfant qui se trouvait dans la cellule de Stéphane et qui avait barricadé la porte ?

Véronique avait donc précipité les événements dans le sens qu'elle redoutait pour tant de motifs : là-haut, François serait surpris au moment même où il se disposait à fuir.

Elle fut atterrée.

– Pourquoi suis-je venue ici ? murmura-t-elle. Il eût été si simple de l'attendre ! À nous deux nous vous sauvions en toute certitude...

Dans la confusion de son esprit une idée passa ; n'avait-elle pas voulu hâter la délivrance de Stéphane parce qu'elle connaissait l'amour de cet homme ? et n'était-ce pas une curiosité indigne qui l'avait jetée dans cette entreprise ? Idée affreuse, qu'elle écarta aussitôt en disant :

– Non, il fallait venir. C'est le destin qui nous persécute.

– Ne le croyez pas, dit Stéphane, tout s'arrangera pour le mieux.

– Trop tard ! dit-elle en hochant la tête.

– Pourquoi ? qui nous prouve que François n'ait pas quitté la cellule ? Vous le supposiez vous-même tout à l'heure...

Elle ne répondit pas. Son visage se contractait, tout pâle. À force de souffrir elle avait acquis une sorte d'intuition du mal qui la menaçait. Or, le mal était partout. Les épreuves recommençaient, plus terribles que les premières.

– La mort nous environne, dit-elle.

Il tenta de sourire.

– Vous parlez comme parlaient les gens de Sarek. Vous avez les mêmes peurs...

L'Île aux trente cercueils  (COMPLETE)Where stories live. Discover now