Une mariée passe, déterminée, suivie de son cortège : le marié, un peu à la traîne, le photographe, deux demoiselles d'honneur et un wagon d'enfants. Vincent les fixe avec une certaine insistance, le printemps doit favoriser ce genre d'union, se dit-il. À présent, ce dernier se retrouve libre et disponible, après deux ans d'attachement mutuel avec Marie, pimentés de crises et de ruptures. Une histoire, compliquée semble-t-il, et terminée. Blessure que les examens sont parvenus à calmer ou du moins à endormir.

"On va à la dérive Vincent", lui dit Sophie tentant de le ramener à eux.

Sophie est montée de Limoges à Paris pour achever cette année de licence. Les deux gars, elle les a connus en fin du second semestre. A deux semaines des examens finaux, en mai, il a fallu s'activer pour réviser. Elle avait les cours bien notés sur des cahiers mais une motivation chancelante ; eux, les pages vides mais une rage de ne pas sacrifier cette troisième année de fac. En deux semaines, ils ont rattrapé le retard, courant après les nuits, chassant le sommeil. La bibliothèque, Vincent et Diallo l'ont fréquentée les trois premiers jours. C'est là qu'ils se sont rendus compte de la situation calamiteuse dans laquelle ils se trouvaient. Assez vite, ils ont compris que ce n'était pas le lieu des meilleures performances ; quoique leur répertoire ne s'en soit pas trop mal porté. Il a fallu choisir : revenir en septembre ou gonfler leur carnet d'adresses. Ils ont alors fait bloc avec Sophie, et en quelques jours, c'est une machine implacable qui s'est mise en marche pour un résultat final dont ils peuvent être fiers compte tenu du retard accumulé.

« Tu veux pas arrêter un peu avec ton téléphone ? assène Vincent qui a repris quelque peu ses esprits.

— T'es jaloux de cette merveille, rétorque Diallo en tendant son téléphone vers Vincent.

— Il me désespère celui-là ! »

Les deux gars se connaissent depuis la deuxième année, sans jamais avoir été les meilleurs amis, mais ils ont néanmoins très vite été soudés par une même passion, celle du ballon rond, préférant les terrains de foot aux amphis de la Sorbonne. Quelques matches sur la pelouse de la Cité Universitaire ont scellé leur entente. Ils ont partagé cette passion devant l'écran depuis le début l'Euro, se retrouvant chez Sophie pour l'ascension de l'équipe de France jusqu'à la finale. Ils arrivaient chez elle, et à peine avaient-ils déballé leurs classeurs qu'ils allumaient la télé pour suivre le match du jour. Pour Sophie c'était un véritable supplice : réviser avec des types qui courent après un ballon sur une pelouse ! Mais c'était là la seule concession qu'ils s'accordaient à leur rythme effréné de révision.

Diallo achève d'envoyer un message à Caroline. Il espère bien que ce travail au corps, entrepris depuis plusieurs semaines, finira par payer, et dès ce soir si possible. Il compte plusieurs "renoies" dans ses épisodiques relations amoureuses mais pas d'Antillaise, et il espère bien que Caroline sera la première. Elle lui a donné quelques gages, reste plus que sa confirmation. Pour la soirée avec Vincent et Sophie, il conditionne sa présence à celle de cette fille. A peine a-t-il envoyé son message, gonflé par ses espoirs de conquête, que Sophie le ramène dans la conversation :

« Qu'est-ce que vous proposez alors ? Une soirée dans un bar ? demande-t-elle.

— Et pourquoi pas ? On n'est pas obligé de se faire chier avec des abrutis, répond Vincent, en se tournant vers Diallo. Visiblement, il cherche un allié. »

Ce dernier met quelques instants à s'extraire de sa machine.

« Mouais... Un bar, j'sais pas, mais l'année est finie, plus besoin de les voir ! Qu'est-ce qu'on va s'emmerder avec eux ? On ne se les tape pas ce soir ; c'est mort, surenchérit Diallo en regardant Vincent qui lui renvoie un sourire.

De Six A NeufTahanan ng mga kuwento. Tumuklas ngayon