I.2 - La liche des glaces, Partie 2

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La nuit commençait à tomber sur la ville, les nuages s'accumulant rendaient invisibles les lunes et les plus nombreuses étoiles. Silencieux dans l'ombre des rues, les flarniens avançaient à grands pas à travers la ville. La présence de tous ces guerriers, équipés, armés et se dirigeant vers le Keral la nuit tombée aurait, en des temps moins sanglants, provoqué les soupçons. Mais les hommes qu'ils croisèrent ne levèrent qu'un sourcil interrogateur, avant de passer leur chemin. Les guerriers arrivèrent devant les lourdes portes de bois. Toujours ouvertes aux besoins des habitants de la cité, elles furent poussées sans effort, laissant les félons pénétrer l'arme à la main dans la salle majeure du bâtiment, sous le regard surpris et effrayé des gardes. Les deux groupes, tout deux constitués d'une douzaine d'individus, se firent en un instant face, rangés en deux lignes ennemies. Dirigés par un sergent soudainement peu sûr de lui, les gardes n'avaient chacun en main qu'une hache et une rondache, bien maigres défenses face aux flarniens qui pointaient vers eux leurs arbtrias, propres à les percer d'un coup, armure et bouclier compris. Aucun de ces soldats n'aurait osé se mesurer à ces puissants guerriers-mages, même à dix contre un.

« P-Posez vos armes immédiatement, lança le sergent, la voix incertaine.
- On prend possession des lieux. On est les défenseurs d'Helgaïr, pas ses ennemis, alors rangez simplement vos haches et reculez-vous, répondu calmement Haldrick, planté au centre des deux lignes, sans même avoir sorti sa propre arme.
- Ce... C'est un acte de traîtrise indigne, que vous réalisez ! Répliqua l'autre homme, s'avançant en tentant de paraître quelque peu menaçant. »

Haldrick ne fut nullement impressionné, fit deux pas dans sa direction et d'un mouvement d'une rapidité fulgurante, lui retira à main nue sa hache, l'envoya se planter dans un pilier, et regarda le sergent terrorisé droit dans les yeux : « Dernière chance ». À contrecœur tout autant que soulagés d'être encore en vie, les gardes déposèrent leurs armes en tas, assurant leur reddition. Ils furent ensuite mis dans un angle de la pièce. Deux flarniens restèrent les garder en joug, pendant que le reste monta à l'étage du bâtiment. Cette fois sans aucune discrétion, ils firent irruption dans la salle dans laquelle discutaient les trois stratèges débattaient. Ils tentèrent de se débattre, d'appeler leur garde, mais se firent maîtriser sans peine par le petit groupe. Ainsi se déroula sans peine le coup d'état improvisé. Alors que les stratèges attachés dans la grande salle les couvraient d'injures, les accusant de mener leur peuple à sa perte, les flarniens prirent possession du reste des lieux, pour pouvoir, enfin, faire sonner le grand gong ordonnant un rassemblement d'urgence de toute la ville.​

***

Debout sur le parvis en pierre du Keral, les flarniens contemplaient Helgaïr qui terminait de s'amasser autour d'eux. À leurs pieds étaient agenouillés les stratèges déchus, ligotés et bâillonnés. Toute la foule était parcourue de cris d'étonnement, de contestations et d'insurrections à l'égard des félons, s'opposant à de bruyantes approbations. Des insultes fusaient, d'autres les faisaient taire, la scène commençait à sombrer doucement dans le chaos lorsque Grimvar s'avança :« Fermez-la ! » Gueula-t-il à son peuple avec sa délicatesse habituelle. « On a des nouvelles importantes ! ». Un grand silence tomba alors, les flarniens avaient enfin rompu leur silence : les habitants amassés pourraient peut-être comprendre la raison de cet appel ?

« Merci, Grimvar » sourit doucement Haldrick, avant de s'avancer et de s'exprimer d'une voix portante. « Hommes et femmes de ma cité, mes compagnons et mes amis. Ce soir, c'est à vous de nous juger, de décider si nos actes sont condamnables, ou nécessaires. Nous avons ce matin essuyé la plus terrible attaque que nous ayons connue, et pourtant nous avons tenus, la tête haute, et repoussé nos adversaires. Même pris de surprise, nous avons résisté. Nombreux sont morts en héros, mais plus nombreux encore sont ceux qui ont vaincu. Aujourd'hui est un jour triste, mais c'est aussi une victoire. Cependant, elle ne peut pas être complète si nous laissons ceux des nôtres qui ont été fait prisonniers, et se trouve actuellement aux mains des morts ! » Un murmure d'approbation parcouru la foule, avant que le flarnien repris, d'une voix plus grave : « Nous savons qu'un nombre important de nos proches ont été emporté, et qu'ils sont retenus prisonniers dans le temple de Koljkorak. Car c'est ce lieu, sacré pour nous tous, érigé pour honorer le savoir tout autant que la mémoire de nos ancêtres, que nos adversaires ont bafoués. Mais les hommes que vous avez choisit pour vous guider ont décidé de laisser les nôtres se faire torturer, pour qu'ils reviennent bientôt nous tuer sous forme de squelettes ambulants. Est-ce cela que nous voulons ? »

Récits et Légendes d'OrebyaWhere stories live. Discover now