I.1 - La liche des glaces, Partie 1

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Helgaïr est la ville de l'un des clans de la région de Fellmork. Ceux-ci, vivant dans des sortes de petites cités, presque des villages, sont généralement dirigés par un conseil de trois stratèges : ils guident leur peuple et nouent les pactes entre clans, pour tenter d'assurer leur survie dans cette région aussi chère à leurs yeux qu'hostile. En effet, Fellmork est un territoire très froid, constitué d'une alternance d'îles rocheuses et de blocs de glace. Les premières, à la végétation abondante ou gelée selon les saisons, sont les lieux d'habitats de la plupart des créatures vivant en Fellmork, certaines hostiles. À l'inverse, les seconds, énormes icebergs formé autour d'un cœur de pierre, sont aussi glacés qu'invivables. C'est dans ces contrées, à Helgaïr, que commence ce récit.

***​

L'aube se levait à peine sur la petite ville d'Helgaïr. Bâtie sur une île un peu plus basse que la surface, dans une sorte de renfoncement assimilable à une vallée, elle commençait tout juste à être éclairée par la lumière matinale. Ses maisons de bois et de chaume, arrangées en ruelles irrégulières, ne semblaient avoir pour seule protection que les trois tours carrées qui les dominaient. Épaisses et peu hautes, découpées dans un bois des plus solides, elles étaient chacune surplombée par une baliste enfermée dans une cage en acier, elle-même fondue en un maillage formant un dôme. Les lueurs sortant de leurs fenêtres trahissaient la présence de gardes, veillant jour et nuit sur la cité. C'était vers l'une de ces bâtisses que se dirigeait d'un pas déterminé un homme : enroulé dans sa grande cape bleu sombre, il portait une tenue de protection légère, ainsi que des armes reconnues comme redoutables dans cette région. Il avait la carrure d'un guerrier, la détermination d'un meneur, et ses grandes enjambées le portaient rapidement le long de la grande avenue de terre parsemées de pierres et de boue. Les insignes qu'il portait ne faisaient finalement que confirmer son appartenance au groupe des flarniens, les guerriers-gardiens, mages autant que soldats et chargés de défendre les cités en Fellmork.

En ouvrant brusquement la porte, l'homme fit sursauter un second flarnien, assis à moitié assoupi. Bien plus rond que le premier et rasé court, il portait le même style d'équipement, et semblait las d'une longue nuit de veille. En voyant entrer son compagnon, il se redressa soudainement et eut peur un instant, avant que ce dernier enlève son casque et ne dévoile à la lueur des torches ses traits sévères, mais tant adoucis près de ses proches. Son trait le plus distinctif était une balafre qui lui traversait le visage de part en part, souvenir d'un douloureux épisode de sa vie.

« Ah, Haldrick ! Toujours aussi rapide à venir prendre la relève, mon ami ! s'exclama, soulagé, le guerrier surpris aux portes du sommeil.
- Tu as l'air d'en avoir bien besoin, Grimvar, répondit gaiment Haldrick, en refermant la porte de la tour.
- Ah ça, oui... C'est toujours aussi ennuyant de garder les tours en ville, il s'y passe rien. Je préfère encore aller chasser les gobs avec toi, le taquina Grimvar, que passer la nuit à veiller comme ça.
- À propos des maraudeurs gobs, justement... Les tours de garde externes en ont encore aperçus rôder autour de l'île, s'inquiéta son ami en s'adossant au mur face à lui.
- Eux ils ont encore moyen de pas trop s'endormir, là-bas ! Je suis d'avis qu'ils nous volent tout mon travail, avec ces maudites tours, plaisanta-t-il, il ne se passe jamais rien au niveau de la ville.
- Tu en rirais un peu moins si toi aussi, tu avais une famille à défendre, et que ces maudites tours, justement, pouvaient les sauver d'une attaque imprévue, sourit Haldrick.
- Bah ! En tout cas, si on finit par agir, j'veux quand même venir chasser ces affreux. On suit leur trace, on trouve leur terrier et on fait tout cramer, et comme ça je serais plus le seul à m'assoupir la nuit.
- J'irai voir le stratège de guerre pour monter une petite expédition. Il y a peu de risques, il devrait me laisser faire sans trop de problèmes... D'autant que je suis bien vu de lui, je crois, s'amusa Haldrick.
- On dirait un bourgeois, pour parler ainsi, pas un...
- Silence ! l'interrompit brusquement Haldrick »

Récits et Légendes d'OrebyaWhere stories live. Discover now