Parfait pour toi

Vendredi matin. Un énième cadeau m'attend, accroché à mon casier. Je pousse un soupir et parcours le petit mot qui l'accompagne :

« Joyeuse Saint Valentin, ma puce ! Je t'aime »

Mon cœur se gonfle malgré moi d'émotion. Théo peut se montrer si attentionné quand il veut. Et pourtant, une pointe d'amertume vient entacher ce moment. Je sais très bien que tous ces cadeaux dont il me couvre chaque jour depuis dimanche, alors qu'un seul le jour J aurait suffi, sont un moyen d'implorer mon pardon.

— Bouh ! s'écrie Léa, ma meilleure amie, en surgissant derrière moi et en m'attrapant par les épaules.

Je sursaute sous le coup de la surprise, puis me détends.

— Coucou.

— Ça vient de Théo ? demande-t-elle en désignant du menton le paquet toujours suspendu à la poignée du casier. Fais voir !

Une fois déchiré, le papier cadeau rouge et rose dévoile un ours en peluche tout doux couleur crème, avec un gros cœur sur le ventre.

— Oh, c'est trop mignon ! fait Léa. Je suis presque jalouse. Théo est tellement romantique, tu en as de la chance ! Il est parfait !

« Oui, j'ai de la chance, » songé-je en serrant l'ourson contre moi. Alors pourquoi est-ce que je ressens ce drôle de pincement au niveau de mon cœur à cette pensée ?

Plus tard dans la journée, je retrouve Théo. Il m'adresse un sourire ravi en me voyant arriver, puis m'embrasse. J'esquisse un léger mouvement de recul.

— Quoi ? Qu'est-ce qu'il y a ? Tu m'en veux encore ?

— N... non, réponds-je, avec toutefois une pointe d'hésitation.

— Combien de fois je vais devoir te dire que je suis désolé ? Ce n'est arrivé qu'une fois et je t'ai promis que ça ne se reproduirait plus.

Je me laisse aller contre lui tandis qu'il me serre un peu plus fort dans ses bras. J'ai envie de le croire.

— J'ai hâte d'être à ce soir, glisse-t-il à mon oreille.

Je souris contre sa clavicule. Son odeur familière me rappelle tous les bons moments que nous avons passé ensemble ces derniers mois. On ne va quand même pas balayer tout ça pour une simple petite erreur...

Est-ce moi qui pense ça ou lui qui le murmure si bas que ses mots se confondent avec les miens ?

Fin d'après-midi, dans ma chambre. Je me prépare pour mon rendez-vous avec Théo. Cette soirée je l'ai attendue pendant des semaines. J'ai choisi ma robe avec soin, j'ai regardé des dizaines de tutos sur YouTube pour apprendre à dompter ma chevelure rebelle en une cascade de boucles sexy. Mes yeux sont ourlés d'eye-liner, et alors que je m'apprête à appliquer du gloss sur mes lèvres, je suspends mon geste. Le pinceau à mi-chemin entre le tube et ma bouche, mon esprit s'égare. Des dizaines de pensées contradictoires se bousculent dans ma tête. Des images de ce samedi soir, que j'aurais préféré oublier, persistent à se rappeler à moi. Je n'essaie plus de les chasser. Je les tourne et les retourne dans mon cerveau, à tel point qu'au bout d'un moment, elles ne me semblent même plus réelles. J'ai l'impression que tout cela est arrivé à quelqu'un d'autre, aux protagonistes d'un film, mais pas à moi.

Soudain, comme si j'émergeais d'un rêve, j'entends la sonnette de la porte d'entrée retentir et ma mère accueillir Théo avec sa chaleur habituelle. Elle ne sait rien. Je n'ai pas osé le lui dire lorsqu'elle m'a interrogée en voyant ma tête dimanche matin. Mes parents apprécient tant Théo, c'est un garçon bien, qui vient d'une famille aisée. Le gendre idéal, ai-je même déjà entendu mon père affirmer. Je n'ai pas voulu ternir son image. Après tout, samedi soir, ce n'était qu'un malentendu ? Avec un peu de temps, tout s'arrangera.