Chapitre 5

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Sur le chemin du retour, Roxane s'arrête pour texter à Jeff la bonne nouvelle. Il lui répond par une série d'emojis complètement déplacés auxquels elle ne prend même pas la peine de répondre. Elle fourre son téléphone au fin fond de son sac et se rue dans le métro.

Elle repense à cette rencontre avec Kabinsky. Il est à mille lieues de ce à quoi elle s'attendait, c'est le moins que l'on puisse dire. Elle se sent tiraillée entre son envie de mener à bien l'affaire qui lui a été confiée et le désir d'en faire le père de ses enfants. Avant toute chose, il faut qu'elle s'assure qu'il y a réellement une affaire : ce ne serait pas la première fois que Jeff s'embarque sur une fausse piste.

Après un bref arrêt à la supérette du coin, elle arrive chez elle. Le soleil est déjà presque entièrement couché. Elle déballe ses courses sur sa minuscule table basse. Les flocons d'avoine étaient en promo, deux pour le prix d'un. Voilà un repas pas cher et nutritif qui la dépannera bien pendant quelques jours !

Frustrée, elle balance les boîtes en carton dans un coin de la cuisine - si on peut appeler "cuisine" un espace carrelé comprenant un frigo modèle réduit, un mini four et une machine à café. Roxane contourne le plan de travail et ajoute sa chemise et son tailleur trop serré à la pile de linge sale qui trône à côté de la porte. Elle s'affale sur le canapé en soufflant.

Elle se penche pour attraper son ordinateur portable posé à terre, le seul reliquat d'une vie où elle avait encore de l'argent. L'appareil est plutôt en bon état, si on omet le fait qu'il manque la touche "h" du clavier. Elle a néanmoins appris à user de subterfuges pour ne pas en avoir à s'en servir ; finalement, la disparition d'une lettre de l'alphabet est un exercice stylique intéressant.

L'esprit de Roxane divague à nouveau et elle préfère commencer ses recherches plutôt que se laisser emporter. Le pc posé sur ses jambes en tailleur, elle se rend sur le navigateur et tape le motif de sa recherche : "Anton Kabinsky" - ouf, pas de "h" incommodant dans son prénom. Ils sont vraiment faits pour s'entendre !

Elle se penche pour prendre une gorgée dans la tasse posée devant elle. Un haut-le-coeur la saisit à cause du goût amer et malodorant du café froid. Elle s'empresse de tout recracher.

S'enfonçant un peu plus dans le canapé qui lui fait aussi office de lit, elle parcourt plusieurs liens, mais il y a peu d'informations concernant Kabinsky sur internet. Il semble faire profil bas malgré le succès de son établissement. Mis à part le Millésime, Anton semble connu pour son goût prononcé pour l'art. L'article relate même qu'il possède une belle collection de peintures, stockées dans une galerie privée.

En dehors de ça, il a le profil du gentleman philanthrope qui n'hésite pas à donner aux oeuvres de charité. Roxane remarque également qu'on ne lui connaît pas de partenaire officiel. Son coeur papillonne dans sa poitrine à l'idée qu'il puisse être célibataire et disponible. En surfant sur la rubrique images, elle tombe sur quelques clichés de lui qu'elle ne peut s'empêcher de regarder longuement. Elle qui croyait que les hommes à lunettes, ce n'était pas son genre, elle va devoir revoir son jugement !

Elle sait qu'elle devrait continuer à chercher des informations sur l'histoire de Kabinsky mais elle n'arrive pas à détacher les yeux de sa photographie. Un portrait en noir et blanc le présente assis à son bureau, les mains jointes devant lui. Ses mains... Immédiatement, le souvenir des photographies accrochées dans son bureau lui reviennent en tête, ainsi que les détails de ses muscles saillants sur son corps nu...

Tout en mordillant distraitement sa lèvre inférieure, Roxane tente de chasser les pensées peu catholiques qui l'assaillent. Mais en vain.

— Oh, et puis merde !

Nymphéa et la chambre rougeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant