Ne prenez pas l'ascenseur

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Comme tous les lundis, je suis en retard pour la réunion hebdomadaire de 13 h. Pourtant, je sais très bien que je dois partir au moins 30 minutes à l'avance, mais je ne me « dompte » pas. Je travaille depuis un an dans cette firme et à chaque lundi, c'est la même histoire qui se répète. Moi, qui s'agite dans mon entrée d'appartement, à enfiler mon manteau et à regrouper ordinateur, cellulaire, thermos à café et clé pour enfin pouvoir dévaler en vitesse mon escalier à moitié glacée. Encore une fois, je survis à cet exercice de gymnastique tout en me blessant un peu au genou droit qui me stoppe d'un plongeon assuré dans le banc de neige.

Je regarde mon auto, en fait, j'aperçois ce qu'il reste de visible de ma Honda cachée sous une montagne de neige et j'en conclus que je ne passerai pas la porte du bureau avant 13h15. Une fois le tout déneigé, je me dépêche de rouler vers mon travail. Au moins, lorsque j'arrive sur place, je me trouve un stationnement assez rapidement. J'empoigne tous mes effets personnels et cours vers l'entrée de l'édifice. Je dois prendre deux ascenseurs, le premier m'amène au 2e étage et ensuite, je dois me diriger au second ascenseur qui dessert seulement la tour numéro 2 où je travaille.

Enfin, la chance me sourit ! La porte du second ascenseur est déjà ouverte. J'y saute tout en essayant de ne pas renverser mon café. Je n'ai pas le temps d'appuyer sur le 17e étage que les portes se referment. C'est à ce moment que je me rends compte que plusieurs étages sont déjà appuyées, le 4e, le 6e, le 12e et le 14e. Quoi ? Moi qui croyait avoir de la chance...Merde ! Alors que les portes s'ouvrent au 4e, je me demande si je change d'ascenseur. Je ressens le même          « feeling » que lorsque je suis dans la file d'attente aux caisses à l'épicerie. Vous savez, si vous changez de file, celle dans laquelle vous étiez auparavant ira beaucoup plus vite ? Moi, ça m'arrive à tous les coups. Alors, je laisse faire l'ascenseur son petit jeu et je sors enfin au 17e.

L'étage où se trouve nos bureaux est assez sombre, silencieuse et démodé. Ça ressemble vraiment à un immeuble à condos des années 50. La plupart du temps, je ne croise jamais personne lorsque je me rends au travail. Cette fois-ci, j'entends des rires d'enfants au fond du couloir et je vois une petite fille blonde courir dans ma direction suivie de près par sa mère. Je la regarde en souriant tout en continuant mon chemin vers la porte du 1710. Comme à mon habitude, je tourne la poignée et j'entre.

Je sursaute devant une grand-mère qui s'apprêtait apparemment à sortir. Je m'excuse tout en reculant dans le couloir pour apercevoir que je suis bien au 1710. Est-ce que je suis dans la bonne tour ? Je ne comprends plus rien. La vieille dame me rejoint dans le couloir et me demande si je cherche quelqu'un en particulier. Elle ne semble pas trop offusquée de mon intrusion. Je lui réponds que normalement je rencontre mes collègues au 1710 pour notre réunion hebdomadaire. Elle commence à rire comme si j'avais raconter une bonne blague. Elle me dit qu'elle habite ici depuis la construction de l'immeuble il y a de cela six ans. Elle me demande si elle doit appeler quelqu'un pour moi ? Je lui assure que je suis correcte...des histoires pour qu'elle me fasse interner. Non, mais ! C'est elle qui est sénile, elle a envahi notre bureau, je ne vois pas d'autres explications. Elle me souhaite une bonne journée et se dirige vers l'ascenseur. C'est ça la sorcière...

Je vérifie à nouveau devant moi et les chiffres 1710 sont bien identifiés comme toujours. Je reviens sur mes pas et constate le grand numéro 2 scintillant sur le mur qui confirme que je me trouve dans la bonne tour. Je prends mon cellulaire et j'essaie d'appeler ma collègue Catherine. Après quatre coups, elle réponds, mais ne semble pas me reconnaître. J'ai l'air d'une folle qui parle de notre réunion de 13 heures tandis qu'elle m'assure que je me suis trompée de numéro. Elle me raccroche au nez et c'est là que mon stress augmente en flèche.

Je retourne vers le 1710 pour au moins essayer ma clé. Elle ne fonctionne pas...je ne comprends rien ! Il y a quelqu'un qui se fout de moi ! Je reviens à l'ascenseur et j'appuie pour descendre ou monter, je ne sais plus. Tout ce que je veux, c'est pousser le bouton du 17e encore une fois. J'entre et j'appuie à nouveau sur mon étage. Les portes se ferment et s'ouvrent en quelques secondes. Je suis bien au 17e.

Je fais à peine quelques pas que je tombe nez à nez avec ma collègue habillée comme un ours prête à quitter l'immeuble. La réunion est déjà terminée ? Elle m'annonce que tout le monde a tenté de me joindre sans succès, qu'il est maintenant 17 heures et qu'elle s'en retourne à la maison. Devant mon regard perplexe, elle me demande si tout va bien.

Je n'en suis plus certaine, mais une chose est sûre, c'est que je prendrai l'escalier dorénavant.

Ne prenez pas l'ascenseur !Where stories live. Discover now