Louis

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Diana avait mis dix minutes pour arriver. En réalité, il lui en avait fallu cinq mais elle avait emprunté des détours pour ne pas que Huges devine qu'elle n'avait pas respectée les quatre-vingts kilomètres par heure. Et aussi parce la vitesse lui avait permis de lâcher prise, de se remettre les idées en place en plus de délester le stress qui venait nouer son estomac.

Elle avait soufflé un bon coup avant de rentrer. Elle ne savait pas à qui elle allait avoir à faire. Il y avait de fortes chances pour que ce soit Huges et Rise étant donné que c'était l'inspecteur qui l'avait appelé. Mais elle n'en oubliait pas pour autant le militaire et l'interrogatoire musclé qu'elle avait subie.

Elle était à nouveau dans sa salle favorite, la seule en réalité qu'elle avait vu de tout le commissariat. Il y avait toujours la plante verte aux larges feuilles et la pendule, et son tic-tac devenu presque insupportable.. Diana pensait qu'ils avaient ajoutés ses éléments pour ne pas effrayer Anna et Lya, pour rendre en soi cette salle austère, plus accueillante. Diana avait pensé qu'ils s'en débarrasseraient juste après. Mais ils avaient manifestement fini par les garder.

Elle patientait, essayant de rester impassible et de ne pas montrer sa nervosité. Pourtant ses mains moites, serrés sous la table lui rappelait à quel point ce qui allait se passer allait être décisif pour elle. Ni Huges, ni Rise, ni le militaire n'avaient encore poussé la porte dans son dos. Alors elle attendait, observant la ronde infernale de l'aiguille dans l'horloge.

Elle se doutait qu'ils devaient l'étudier à travers la vitre sans teint, la laissant volontairement mariner pour mieux qu'elle s'énerve et lâche enfin quelque chose d'intéressant pour leur enquête. Mais elle n'était pas dupe. Aussi ne bougea-t-elle pas, pas plus que ne laissa une seule émotion filtrer à travers son masque.

Lorsque la porte s'ouvrit, l'odeur de café se propagea dans la pièce, dans une onde olfactive. Diana retint une grimace. Il était corsé. Donc c'était le militaire. Mais elle fut surprise de voir Huges. Il avait les traits tirés, des poches violacées sous les yeux. Visiblement, elle n'avait pas été la seule à passer une mauvaise nuit. Ça leur faisait un point commun et ça expliquait le café plus fort que d'habitude.

- Bonjour Diana, se contenta-t-il de lui dire en s'asseyant en face d'elle, déposant un porte document couleur daim sur le bureau. Nous n'avons plus beaucoup de temps devant nous et il y a encore énormément de zones d'ombres. Il va falloir que nous reprenions tout depuis le début sur la dernière fois que tu as vu Louis. Je sais que je peux compter sur ta coopération.

Sa dernière phrase sonnait comme une question sous-entendue. Il savait qu'elle faisait l'effort de venir, de répondre, plus ou moins bien à leurs interrogations. Mais il n'était pas certains de la sincérité de ses paroles. Elle hocha néanmoins la tête positivement pour le rassurer, avant de s'affaisser légèrement sur elle-même.

- Où avez-vous trouvé son corps ? Demanda-t-elle d'une voix enrouée comme affectée par la nouvelle de son décès.

- Dans une forêt en bordure de la ville. Ça faisait plus de deux semaines que des chiens la parcourent pour retrouver d'éventuels corps. Nous étions loin de penser de tomber sur celui de Louis, grimaça-t-il en trempant ses lèvres dans le gobelet.

Diana se répugnait à lui mentir une nouvelle fois, mais elle craignait de n'avoir pas le choix. À la tête de Huges à cet instant, elle comprit qu'il l'avait vu. Il avait vu son cadavre. Peut-être même était-ce lui qui l'avait trouvé. Ce n'était jamais évident de tomber comme ça sur un corps, et Dieu seul savait de quoi elle parlait. Nombre d'enfants, de minots en bas âge, qu'elle avait retrouvé dans les premières semaines de l'Éclipse, morts chez eux dans des accidents domestiques dramatiques. Huges ouvrit le dossier, et Diana en profita pour se mettre une claque mentale. Ce n'était pas le moment pour regretter, et elle avait besoin de se protéger et pour cela le seul moyen était de couper court à tout doute.

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