Déséquilibre équilibré

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J'ouvre les yeux dans mon lit, encore une journée normale qui commence. Je me lève, me prépare et prends le métro jusqu'à mon travail. Je suis comptable dans une grande entreprise, c'est un job insipide, mais je ne veux pas m'impliquer plus que ça dans cette société. Je suis bien loin de tout ça, sans vouloir être prétentieuse. C'est juste un fait, je suis supérieure aux autres. Et pourtant je ne me sens pas au dessus des autres, je me sens juste loin des autres. Même si au fil des années, j'ai appris a me mettre au niveau des autres pour faire semblant d'être comme eux, je ne peux pas être comme eux. Ces pensées me traversent souvent l'esprit quand je travaille, il faut dire que je n'ai pas beaucoup d'autres distractions. C'est l'heure de la pause du midi, je vais manger avec mes amis a la cafétéria, quand je suis avec eux, j'ai l'impression d'être comme eux, et c'est a la fois la pire et la meilleure des sensations. Comme une sorte de drogue. Je retourne travailler, et l'effet de la drogue s'estompe peu a peu. Après une journée tout aussi insipide que les autres, je rentre chez moi, et m'assied dans mon canapé pour regarder la télé. C'est un peu comme l'amitié, la télé, une drogue qui me permet d'oublier un instant qui je suis. C'est marrant comment le fait de se faire passer pour normale est addictif, des fois, j'arrive même a me convaincre que je suis comme les autres, j'arrive a manipuler ma propre réalité, et a ces moments-la, je suis normale. Il est temps d'aller dormir, mais je n'arrive pas a trouver le sommeil, j'ai beau essayer de cesser de penser, je n'y arrive pas. Je vais encore passer une nuit plat blanche a me retourner le cerveau dans l'espoir de comprendre ce qui ne tourne pas rond chez moi. Encore. Au bout de quelques heures, mon réveil sonne. Je me lève, me prépare et vais travailler. C'est parti pour 4 longues heures insipides. Ce midi, je sors avec mes collègues manger au restaurant pour fêter un anniversaire. Tout se passe bien, l'ambiance est festive, les gens rient, je finis par rire aussi, gagnée par l'euphorie ambiante. Arrête ce cirque. Soudain, je me fige. Je regarde autour de moi, personne ne semble avoir entendu cette voix. Tu le sais que tu n'es pas comme eux, arrête de te droguer comme ça. Je me lève et pars sans un mot. Je me réfugie aux toilettes et me mets a vomir. Je finis par rentrer chez moi. Qu'est-ce qui n'a pas fonctionné aujourd'hui ? Tout se passait bien, je me droguais au contact humain, et il y a eu cette voix. J'avais l'impression de la connaitre. Ce n'est pas normal. Je sens que je vais encore faire une nuit blanche. Le lendemain matin, je me lève telle une automate et vais travailler, je manque de tomber de fatigue dans la rue, mais j'arrive néanmoins a aller dans mon bureau. Je commence a travailler, en me disant que je serais tellement mieux dans mon lit, ailleurs que derrière ce bureau, a trier des documents, a faire ce job long et pénible. Pourquoi t'as choisi ce travail aussi ? il est vraiment nul. Soudain je me lève, tous mes sens en éveil. Mon coeur bat à mille a l'heure, et j'ai terriblement la nausée. Mon chef entre dans le bureau, ayant entendu un bruit. Il me rappelle que je dois lui rendre un dossier au plus vite. J'acquiesce malgré ma nausée. Qu'est-ce que tu fais ? Tu vas pas le laisser te marcher sur les pieds comme ça ? Non mais je rêve ? Cette fois-ci c'est est trop. Je me lève, passe devant mon patron qui me regarde d'un air étonné, et rentre chez moi. Une fois dans mon canapé, je réfléchis. Qu'est-ce qui ne va pas depuis 2 jours ? La réponse semble s'imposer a moi, et pourtant je refuse d'y croire. J'entends des voix. Je refuse de penser ça, ce n'est pas possible. Je pense que je devrais aller voir un psy au plus vite. Sauf qu'il ne comprendrait certainement rien de ma situation. Personne ne peut comprendre ce que je ressens au quotidien. J'ai soudain envie de me lever et de casser un maximum de choses autour de moi. A commencer par ma chaise. Je lui assène un grand coup de poing, qui lui transperce l'assise. Puis la table, je shoote dans l'un des pieds, puis dans l'autre, avant de sauter sur ce qu'il reste. Mais... Mais arrête de tout casser ! Je me dirige vers la porte de ma cuisine a grands pas, et la défonce. Stop, ça suffit maintenant, tu arrêtes ça tout de suite ! Je... Je n'arrive plus a bouger. Du tout. Je suis tout simplement incapable du moindre mouvement. Et soudain, je m'effondre sur le sol. Je me relève, un peu chamboulée, et observe ce qu'il se passe autour de moi. Mes meubles cassés, l'appartement en plan, et les voisins qui ne vont pas tarder a débouler a cause du bruit. Je vais fermer ma porte a double tour et ferme mes volets et mes fenêtres. Je ne sais pas ce qui m'a pris. Je m'assieds sur mon lit et reste la, en état de choc. Mille et une pensées traversent mon esprit, mais je ne m'attarde sur aucune d'entre elles. Tu... Tu fais quoi la ? Cela doit faire quelques heures que je suis assise la sans bouger. Tu... Tu peux me laisser gérer tout ça ? Et je tombe en arrière. Quand je me relève, la nuit est tombée, et j'entends mes voisins du dessus faire la fête. Qu'est-ce que j'aimerais être a leur place. Mais bon. J'allume mon ordinateur et vais sur internet, me vider l'esprit. Jusqu'a ce que mon réveil sonne. Je me lève et vais travailler. Au boulot, mon patron souhaite me parler. Je rentre dans son bureau, timide et lui demande ce qui ne va pas. Il commence a me demander pourquoi je suis partie comme ça hier, pourquoi je n'ai pas fini le dossier, il me dit que j'ai gravement mis en retard la comptabilité de la boite, que je suis a deux doigts du licenciement, et je l'écoute, en baissant les yeux. Tu es en train de te laisser faire ? Tu es vraiment la pire des connes en fait. Rebelle toi ! Fais quelque chose ! J'essaye de garder mon calme. Tais-toi, tu tiens vraiment a nous faire virer ? Je préfère être a la rue que me laisser marcher sur les pieds par un type comme ça figure-toi ! Arrête tes conneries ! C'est tout a fait légitime ce que le patron dit. C'est légitime de dire qu'on est incapable de faire quoi que ce soit ? J'assiste a ce dialogue, muette, ne sachant pas trop quoi faire. Mon patron me regarde et me demande si ce qu'il me dit m'intéresse ? Je l'implore du regard, j'ai besoin d'argent pour vivre ! Il me toise, avant de demander de quoi on parlait. Je reste muette, consciente de ne pas l'avoir écouté. Il m'annonce mon licenciement. Alors la, ça suffit ! Je fais un malaise en plein milieu de son bureau. Quand je me relève, j'ai l'impression d'être plus grande qu'avant. Ou alors c'est juste lui qui est plus petit. En le regardant, je ne vois qu'un pion sans expression, ridicule. J'attrape alors un stylo pointu a ma droite, et le poignarde avec. Je l'entends vaguement crier, comme un bruit de fond. Je recommence en riant. D'autres pions accourent. Je les écrase contre le mur comme des insectes. Les pions sont de plus en plus nombreux. Mais loin d'être submergée par le nombre, je redouble de vitesse, les faisant se casser les uns après les autres en riant aigrement. Soudain, il ne reste plus que des pions cassés au sol. Et ma vision s'obscurcit d'un seul coup. Je reprends mes esprits, au milieu d'une salle remplie de cadavres, tous a plus de 5 mètres de moi. J'essaie de me déplacer vers l'un d'entre eux, mais l'espace semble se tordre, en m'empêchant de m'approcher de quoi que ce soit. Je décide de rentrer le plus vite possible en détruisant les caméras sur mon chemin. Une fois arrivée chez moi je m'assieds sur mon lit le visage dans les mains en me demandant ce qui m'a pris de tuer la totalité de mes collègues. C'étaient des amis... Je n'arrive pas a restituer ce que j'ai ressenti en les tuants, j'ai l'impression que c'est une autre personne qui a pris le contrôle de mon corps. Et pourtant, je sais que c'est moi qui ait fait ça. Je n'ose même pas lever les yeux, tout est si distant de moi. Je me sens sombrer de plus en plus profond dans le désespoir. Tu vas quand même pas recommencer ? Toi non plus ! Alors toi... Tu vas te taire bien gentiment parce la ça commence a bien faire ! Eh ! C'est toi qui dit ça ? T'as pas honte ! Eh bien figure toi que non ! Ça... Ça suffit ! Vous êtes qui ? Vous voulez quoi ? Tu ne nous reconnait pas ? Nous sommes toi, enfin. Et soudain, je me sens tomber en arrière. Je me relève et regarde autour de moi. Je suis assise sur une chaise, dans une pièce blanche, devant moi, il y a 2 autres chaises. Le problème, c'est que je suis sur les 3 chaises a la fois. Je suis respectivement un pantin gris, un pantin bleu et un pantin rouge. C'est très étrange d'être a la fois 3 personnes qui ne communiquent pas entre elles. Je décide de parler. Salut vous, je suis le pantin bleu, celui qui parle Personnellement je suis le pantin gris, celui qui pense. Je suis le pantin rouge, celui qui observe. Je ne cherche qu'à être une personne normale, je suis comme les autres. Je refuse d'être comme les autres, je suis au dessus de ces pions insignifiants. Je veux juste comprendre qui je suis, je n'en peux plus de vos désaccords. Je me réveille sur mon lit, et je ne sais pas quoi faire. Je suis en dilemme avec ma propre personne, sans pouvoir être aidée de qui que ce soit, dans l'impossibilité de prendre une décision. Je ne peux même pas en finir.

rêves d'un instantWhere stories live. Discover now