Aujourd'hui, je vais mourir.
Ça peut paraître tragique, mais j'y suis préparée. Des années que je m'entraîne pour ce jour. Je me suis engagée dans l'armée pour servir mon pays, au prix de ma vie, c'était ma destinée.
Aujourd'hui, je vais bombarder le pays ennemi, et je n'y survivrais pas. Je suis censée avoir choisi cette destinée, mais je ne peux m'empêcher d'avoir peur. La mission commence dans 3 heures, et je sens chaque seconde me rapprocher de la mort. Les autres autour de moi ont l'air déterminés, ils prennent avec enthousiasme une dernière bière, et moi, je suis assise derrière, terrifiée. Je me sens si nulle.
« Il est temps d'y aller. » Cette phrase sonne comme ma sentence de mort. Dire qu'il me suffirait de partir en courant pour échapper à ce funeste sort. Mais je ne peux pas. Je ne serais pas capable de vivre dans la honte d'avoir fui. Je préfère la mort.
Je me lève et monte dans mon avion pour la dernière fois. Les autres décollent, je finis par les imiter, malgré mon envie de rester sur la piste de décollage. Je sens mon avion fendre l'air à une vitesse vertigineuse, et je me rends compte que c'est la dernière fois que je vole. Je m'étais engagée dans l'armée pour ça, pour cette sensation de survoler la terre, au milieu des nuages, je voulais juste être pilote. Et me voilà aux commandes d'une bombe. Autour de moi, mes camarades sourient, un peu ivres. Ils ont l'air heureux d'être là, pour défendre leur pays dans cette guerre insensée. Alors que moi, plus le temps passe, plus je doute de m'être préparée à cette ultime épreuve.
Ça y est, nous survolons le territoire ennemi, notre cible n'est plus qu'à quelques kilomètres de notre position actuelle. Autrement dit, la mort n'est plus qu'à quelques kilomètres de moi. J'ai de plus en plus peur, jamais je n'ai réellement envisagé de mourir avant aujourd'hui, après tout, je n'ai que 34 ans. Je pense à mes amis, qui sont restés sur terre, je ne leur ai rien dit de la mission, et maintenant je regrette. J'aurais voulu qu'ils sachent ce qui m'attend. Je me sens désespérément seule au milieu des pilotes ivres.
Ça y est. La cible est en vue. Nous commençons à descendre vers le sol. Je tourne la tête, ils affichent tous un sourire crispé. J'ai l'impression de trahir mon pays, je ne peux que pleurer en cet instant. J'ai honte, honte d'avoir peur, honte d'avoir voulu fuir, honte de ne pas être prête à mourir. Le sol se rapproche dangereusement, l'impact est imminent. « J'ai... J'ai peur... ». C'est les seuls mots qui parviennent à franchir mes lèvres. Finalement, je mérite cette mort.
