Chapitre 1 - Giulia

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J'ai toujours été directe, du plus souvent que je me souvienne. J'aime aller droit au but, ne pas passer par quatre chemins, ni tourner autour du pot. C'est assez facile à comprendre. Pour moi, ces futilités sont une perte de temps. On essaye de trouver ses mots, on dérape, on s'excuse du temps que l'on prend, et on ne choisit pas les bonnes informations à dire. C'est un réel talent, d'être une personne directe. Petite déjà, mon entourage s'exprimait directement avec moi. C'était des ordres, ou des mots crus. Je ne sais pas ce que c'est, le tact, ou de s'exprimer de manière franche sans blesser une autre personne. J'ai grandi comme cela : je me prenais durement la réalité en face, et finalement j'en ai fait une force. Chaque ordre que l'on pouvait me dire, je le suivais. C'était comme ça, je rappliquais en vitesse.

Je ne sais pas vraiment pourquoi je m'exprime à ce sujet. Peut-être pour rationaliser le fait que je sois en train de plier bagage une fois encore après son message.

« Reviens à SF. »

Reviens à SF, reviens à SF. Le message résonnait dans ma tête alors que je brûlais mes papiers et lavais mes dernières traces.

J'ai longtemps réussi à fuir San Francisco. Dès que j'en ai eu la possibilité, je me suis vouée à une existence de fuite. Ou plutôt à des existences : Clara Stewart, Aspyn Davis, Zoe Thomas, Théa Miller. Le seul point commun avec ces identités c'est qu'elles sont toutes fausses et que je les utilisais pour moi. Pour cacher ma réelle identité : Giulia. J'ai pu passer du blond, au roux, de ma couleur naturelle à des couleurs les plus déjantées les unes que les autres. Avec ces identités, j'ai un patrimoine génétique de plusieurs pays passant des Etats-Unis, à la Chine, jusqu'à l'Australie ou l'Égypte. Évidemment, ces identités sont un nombre minime de toutes celles que j'ai utilisées. Voyager, passer les douanes, fausser ma vraie identité c'est comme une seconde nature, quelque chose dont je suis habituée à faire maintenant.

De toutes ces destinations, de toutes ces villes, ces pays, il y a un endroit dans lequel j'ai grandi, dans lequel j'ai des endroits fixes et familiers : San Francisco. Mais y rappliquer ne me faisait pas plaisir.

Après avoir terminé de nettoyer toutes traces de moi dans cet appartement, je suis partie, et j'ai conduit. J'ai conduit longtemps. Toute la nuit. Durant le trajet, je n'ai cessé de m'engueuler intérieurement sur ma capacité à encore lui obéir. En voyant le Golden Gate Bridge, après une douzaine d'heures de route, j'étais soulagée d'arriver enfin à ma destination. Il était bientôt cinq heures du matin ici, j'avais roulé toute la nuit en partant de Seattle. Ce n'était pas un endroit où je voulais revenir, bien que ce soit une ville que je connaisse comme ma poche, la dernière fois que je suis partie, je n'avais pas idée d'y retourner. Et pourtant, me voilà.

Je filais dans les rues désertes de la ville. Le ciel commençait tout juste à devenir bleu un peu plus clair au fur et à mesure que j'arrivais à destination. La ville se réveillait. Quelques commerçants étaient déjà dans leur boutique, des travailleurs rentraient du travail, d'autres y allaient. Quelques joggeurs insomniaques courraient dans les rues, d'autres promenaient leur chien. Chaque ville est si différente, et pourtant, je pouvais retrouver ces mêmes habitudes dans chacune dans lesquelles j'ai pu aller.

Arrivée dans le quartier pavillonnaire, j'eue des frissons. Pas que ce soit des souvenirs, car je ne vivais pas dans ce quartier étant petite. Mais plutôt par la familiarité qu'il y règne. J'ai grandi dans la malveillance. Et, même si ce quartier resplendissait de mille feux, derrière la villa Simonetta c'était tout autre.

Je m'arrêtais au niveau du portail, et sans que je ne fasse quoique ce soit, il s'ouvrit pour me laisser entrer.

La villa avait toujours été pour moi une demeure magnifique. Elle avait été construire sous plusieurs modèles de villas italiennes. Les murs extérieurs étaient blanc cassé, avec un style architectural romain. Elle avait été baptisée ainsi en l'honneur du premier amour d'un de mes ancêtres – italien vous vous doutez bien. Le terrain en lui-même était immense, il succombait San Francisco, on pouvait voir de loin les lumières de la ville, qui venaient de s'éteindre car le jour était là. Et dans le jardin, il y avait tant d'arbres et de verdures, ainsi qu'une piscine.

TOME 1 - GiuliaWhere stories live. Discover now