I.1 - La liche des glaces, Partie 1

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De l'intérieur de la tour, on entendait faiblement quelques cris et bruits, non pas ceux, habituels, d'enfants jouant dans les rues, mais ceux des fracas d'un début de combat. Il fallut aux deux hommes un instant pour comprendre la situation, avant de se précipiter pour saisir un bouclier et sortir en courant. « À vos postes, on est attaqués ! » cria Grimvar aux soldats situés plus haut dans la tour, avant de se jeter dehors armes à la main.

En sortant, la guerre semblait déjà au cœur de la ville. De multiples monstres ayant l'apparence grossière d'une chimère mi-chauve-souris géante, mi-humaine, volaient dans le ciel et piquaient régulièrement vers le sol, tandis que les balistes au sommet des tours mettaient en branle leurs mécanismes pour leur permettre de pivoter sur leur socle et cibler leurs ennemis. Le puissant gong d'alerte se mis bientôt a retentir à travers la ville. Les cris les plus proches ne semblaient venir que de quelques rues plus loin. « Grimvar ! Prends toutes les troupes à la caserne, et défend l'est ! » ordonna Haldrick. Ce dernier se rua ensuite vers le centre de la ville, d'où des fracas provenaient. Dans le ciel, les explosions de feu provoquées par les tirs enchantés des balistes frappaient les monstres ailés et illuminaient les rues. L'un de ces monstres, qu'on nommait gargouilles, s'abattit les ailes déchirées par les flammes juste devant Haldrick, qui, dégainant sa hache, l'acheva au sol d'un coup sec.

Enfin, il arriva sur la grande place de la ville, le cœur de la cité. Les maisons silencieuses s'alignaient irrégulièrement en une vague forme circulaire autour d'un espace de terre et de boue. Au centre, le puits en pierre se tenait fièrement droit, entouré par des étals vides des commerçants. Cette zone habituellement animée et joyeuse était maintenant occupée : plusieurs individus, affublés d'armures et d'accoutrements sans logique aucune entre les pièces d'équipement, leur donnant un air presque aussi carnavalesque que terrible, étaient déjà occupés à tenter d'abattre les habitants au sortir de leurs maisons. Il n'y en avait qu'un petit nombre, épars, sans aucune organisation digne de soldats, et leur démarche chancelante allait de pair avec leurs mouvements hésitants. Haldrick partit sans hésiter à l'assaut, traversa la place en un instant et abattit sa hache dans le dos du premier d'entre eux à portée : enchantée, elle le gèlerait de l'intérieur et le tuerait sur le coup.

Mais la créature chancela, se redressa en se dégageant aisément de l'arme plantée dans son dos et se retourna. Eut-elle été intelligente, elle aurait pu apercevoir l'éclair d'horreur traversant les yeux du guerrier : cet opposant n'avait aucune chair sur les os, et n'était plus qu'un squelette déambulant, aux gestes maladroits et imprécis, recouvert non de peau, mais d'armure. Sa tête, réduite à un crâne sans visage, n'exprimait rien sinon la mort, et les cris de terreur des hommes courants alentour se répercutèrent dans l'âme du flarnien : ces êtres, c'était une légende, un conte à faire peur que l'on racontait aux enfants pour leur expliquer pourquoi personne ne vivait plus sur la surface même. C'étaient les habitants d'un monde terrible, des véritables enfers situés loin sous leurs pieds, dont les hommes se pensaient protégés par l'altitude. Et maintenant, les morts-vivants étaient venus jusqu'ici pour tuer son peuple.

Le coup d'épée porté sur son bouclier le tira de sa position figée. Soudain pris d'une folie de destruction, il répondit par un terrible assaut, et brisa successivement le crâne de trois squelettes qui s'effondrèrent au sol, puis continua à se battre entre les étals, seul et à grands cris de rage contre les morts, les lacérant avec sa hache et ses sortilèges. Il mit tellement de fureur dans l'un d'entre eux qu'il gela sur place un revenant, avant qu'il ne s'effondre les os brisés par le froid. Bien vite, plusieurs hommes et femmes sortirent de leurs maisons l'arme à la main prendre part au combat. « En ligne avec moi, ordonna le gardien de la ville, et faites leur sauter la tête, qu'on les renvoie dans leur tombe ! ». S'ensuivit des passes d'armes d'une brutalité peu commune entre les deux camps, alors même que d'autres squelettes affluaient depuis différentes rues. Organisés derrière leur chef, les courageux volontaires l'aidèrent à progressivement vider la zone, au sacrifice, pour certains, de leur propre vie.

Récits et Légendes d'OrebyaWhere stories live. Discover now