Chapitre 28

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Le coup que son frère asséna à Dévlin fit chuter ce dernier mais il se mit à rire.

« Je savais que tu n'étais pas mon frère, dit le nécromancien. Tu ne t'exprimes absolument pas comme lui et tu imites bien mal ses manières.
- Peut-être mais il aurait mieux valu que je sois vraiment lui. Je ne suis pas réel donc je suis une hallucination crée par ton esprit et cela ne signifie qu'une chose : tu es totalement fou.

Cette déclaration fit frémir Dévlin, qui tenta de trouver une autre explication logique :

- Ce doit être la fatigue des derniers jours.
- Quels derniers jours ? Qu'est-ce qui t'affirme qu'ils sont réels aux aussi ? Peut-être que cette aventure est également une invention de ton mental dérangé.
- C'est faux.
- Peut-être que tu es enfermé quelque part à fabriquer ces événements au fil des heures que tu passes dans ton délire.
- C'est faux.
- Bien sûr que non. Nous sommes dans ta caboche.
- Je ne te crois pas.
- Quelle preuve as-tu ? Je suis l'argument le plus probant. Moi et Leïmy. Elle aussi est un produit de ton imagination. Elle non plus n'est pas réelle. Rien ne l'est. Cette mission, les Conseillers, les personnes que tu as croisé, toute ta vie.
- Ce n'est pas vrai.
- Bien sûr que si ! Tu es quelque part, attaché à ton lit, la bave aux lèvres. Tout juste un légume. Tu n'as rien du Conseiller avisé que tu penses être. Tu es un vagabond trouvé dans les rues d'Orquia. Il est tant que tu saches la vérité.
- La vérité ? Je vais te la montrer, la vérité !

Dévlin s'empara d'un des éclats du talisman et s'entailla la paume. Le sang goutta à terre. Le nécromancien grimaça puis s'exclama :

- La douleur est réelle ! Je sais grâce à elle que tout cela existe !

L'image du frère de Dévlin vacilla puis disparut. Le jeune homme soupira de soulagement en comprimant sa blessure. Durant un instant, il avait vraiment craint le pire. Des applaudissements s'élevant dans son dos le firent se retourner. Son frère était de retour.

- Tu ne te débarrasseras pas de moi aussi facilement. Certes, tu t'es prouvé que ce que tu as vécu jusqu'ici existe bien, il n'empêche que cela ne l'est pas. À partir de l'instant où les fantômes se sont volatilisé, tu es entré dans ce que je nommerais un rêve éveillé et dans lequel tu es à ma merci.
- Pourquoi mon frère voudrait-il me faire du mal ?
- Peut-être parce que tu m'as abandonné !
- C'est toi qui as fugué !
- À ton avis, pourquoi l'ai-je fait ? Tu as besoin qu'on te rafraichisse la mémoire.

Le jeune homme de vingt ans devint un garçonnet d'une dizaine d'années qui déclara sans regarder son frère :

« Dévlin, je veux partir.
- Comment cela ? Questionna une voix que Dévlin reconnu comme ayant été la sienne à l'adolescence sans qu'il n'y ait personne pour dire les mots qu'elle prononçait.
- Je ne veux pas de cette vie, celle de fabriquant de bateaux. Continua le petit.
- C'est un emploi acceptable.
- Pourtant tu ne le désires pas non plus. Dès que tu as su que tu avais une prédisposition élevée pour la nécromancie, tu t'es empressé de t'enfuir à l'académie de magie.
- J'ai un talent qu'il serait idiot de ne pas faire partager. Quelqu'un doit reprendre l'entreprise de Papa et ce sera toi.
- Personne ne m'a demandé mon avis !
- Parce que tu n'as pas le choix ! C'est ainsi et pas autrement. En faisant cela, tu trouveras ta place dans le société.
- Alors pourquoi ai-je l'impression qu'elle est ailleurs ?
- Tu es trop jeune pour poser ce genre de questions. Laisse-moi préparer mes affaires. Je repars à l'académie demain. »

Le garçon se tourna vers Dévlin en demandant :

- Pourquoi ne m'as-tu pas écouté ? Tu ne m'as pas prit au sérieux alors que j'avais besoin de toi ! Regarde le résultat ! Tu ne pensais qu'à ta petite personne à l'égo démesuré !

En même temps qu'il criait, le garçon redevenait un jeune homme. Il frappa violemment Dévlin aux genoux, le faisant chuter et il lui saisit le visage.

- J'ai été seul, incompris, triste, abandonné, apeuré, furieux, en détresse, plein de doutes et tellement d'autres choses encore !

Il avait asséné un coup de poing entre chaque mot à Dévlin, dont il lâcha le visage ensanglanté. Le nécromancien tomba.

- Je suis désolé, s'excusa t-il. Je ne le savais pas. Je n'étais qu'un adolescent trop préoccupé par ses propres problèmes pour voir ceux de son frère.
- Tu te justifies ? Siffla l'autre avant de frapper à nouveau Dévlin, qui cracha de la salive ensanglantée avant de se mettre à rire.
- Tes coups sont vraiment ridicules comparés à ceux de Leïmy.
- Leïmy, parlons-en. Pourquoi tiens-tu tellement à l'aider alors que tu m'as ignoré ? Tu es devenu Conseiller alors que, moi, je croupis dans la misère. Pourquoi ?
- Tu as choisi seul ta route et ta déchéance.
- Comment peux-tu te montrer à ce pont insensible à l'égard de ton frère ?
- Je ne le suis pas mais tu n'es pas lui.
- Ce sont tout de même ses sensations que je traduis.
- Je sais que c'est faux.
- C'est vrai. Tu ne redoutes pas la haine de ton frère.
- Pourquoi en es-tu aussi certain ?
- Tu oublies que nous sommes dans ton esprit. Cela me permet de connaître tout ce que j'ai à connaître mais il y a quelque chose que je ne parviens pas à comprendre. Je n'arrive pas à deviner si ta pire crainte est celle-là...

Des personnes des deux sexes et de tout âges aux visages sans trait apparurent derrière le dos du frère de Dévlin qui sortit une longue dague d'un fourreau resté jusque là invisible et, devant les yeux de son aîné impuissant, il égorgea une à une les personnes impassibles, tachant les ruines de sang. Les corps s'évaporèrent avant que le dernier ne touche le sol. Le meurtrier essuya sa lame sanglante sur sa manche puis termina sa phrase laissé en suspend avant la tuerie :

- ...Ou celle-ci.

Il s'enfonça la lame de plusieurs centimètres en pleine poitrine. Un filet de sang s'écoula sur ses lèvres puis il tomba à genoux avant de s'étaler de tout son long à terre.

- Non !

S'écria Dévlin en bondissant sur ses pieds avec le réflexe de se précipiter vers la  dépouille de son frère mais celle-ci disparut avant qu'il ait fait un pas. Il tenta de calmer les battements effrénés de son cœur en se répétant mentalement que cela n'était pas réel mais l'image de son frère s'écroulant sans vie ne cessait de danser devant ses yeux noisette. On le saisit par derrière l'étranglant à moitié.

- Alors, répond moi. Ta plus grande peur est-elle que ton frère se transforme en meurtrier froid et sans cœur telle que Leïmy ou de le voir mourir sans pouvoir l'empêcher ?

Dévlin se dégagea de la poigne de son hallucination en déclarant avec conviction et assurance :

- Mon frère ne sera jamais comme Leïmy.
- En parlant de Leïmy, elle doit être en très mauvaise posture car, si tes souvenirs sont à ce point douloureux, imagine un peu les siens. Tu devrais t'empresser de sortir de ce cauchemar pour aller l'aider ou tu continueras à chercher les pierres en solitaire.

Dévlin saisit la dague de son frère si rapidement que ce dernier ne put réagir. Le nécromancien s'entailla à nouveau la peau mais cela ne changea rien. Son frère éclata d'un rire cruel et moqueur.

- Cela ne fonctionne pas cette fois, désolé. Enfin non, je ne le suis pas. Je me distrais tellement avec toi mais pense à Leïmy. Elle a certainement besoin de toi. »





Chroniques d'une Mercenaire - Tome 1 : Pierres, magies et lames  [Terminé]Donde viven las historias. Descúbrelo ahora