Quand la porte a claqué derrière eux, j'étais dans un tel état de rage que je n'avais qu'une envie : tout détruire. Pourtant, l'armée m'a appris à contrôler mon esprit, à maîtriser une situation, à appréhender tout problème et à trouver une solution rapide et efficace. Mais il n'y a jamais eu aucune solution pour Gabrielle Stone...

Je suis un SEAL, bordel ! Un commando de la Navy entraîné aux opérations spéciales !

Pendant près de deux ans de formation, de tortures physiques et mentales, par tous temps, dans toutes conditions, on ne vous explique pas comment gérer ce genre de tempête. J'ai appris à repérer un ennemi, une menace, à observer, analyser, puis détruire. Sans un bruit, sans bavure. Mais aujourd'hui, je suis perdu.

Il a suffi d'un regard...

Il ne me restait alors que deux choix : m'en aller et me terrer le temps que l'orage passe, où envoyer chier tous ces voyeurs n'attendant qu'une réaction de ma part pour divertir les commères au brunch du lendemain. J'ai donc choisi de me replier, ignorant le regard suppliant de monsieur Kerington et le besoin que je lisais dans ses yeux de s'expliquer. J'ai démarré ma caisse et conduis une bonne heure avant de m'arrêter dans ce boui-boui à la sortie de la ville, où se regroupent habituellement les maris infidèles et les gens que notre merveilleuse petite bourgade dénigre allégrement.

Verre après verre, je me suis maudit. J'aurais dû pleurer la mort de ma meilleure amie, de ma femme, plutôt qu'être obsédé par cette sorcière. Par son regard déstabilisant. Mais surtout, par les mots qu'elle avait prononcés et la sensation étrange que j'avais alors ressentie.

« Alexander, une vieille connaissance... »

Bordel ! Sur le moment j'ai eu envie de la secouer comme un putain de prunier pour briser cette glace, détruire l'impassibilité de ses traits. Je t'en foutrai « une vieille connaissance » ! J'aurai tout donné pour enfin voir ses yeux briller d'une émotion quelconque : la colère, la tristesse, la passion, le... désir ?

Je secoue la tête, tentant d'y chasser ce genre d'idées qui ne ferait que précipiter ma folie, et me concentre sur le verre vide devant moi.

— Je ne te remercierai jamais assez pour ce que tu as fait pour ma fille.

Malgré la brume qui parsème ma conscience, j'entends ces mots et ceux qu'il ne prononce pas.

— Je sais que tu l'aimais d'une certaine façon, mais aujourd'hui tu dois reprendre le cours de ta vie, aller de l'avant et te construire.

Je lâche mon verre des mains de peur de le briser. Je déteste ce qu'il me dit, ce qu'il insinue. Que croit-il savoir ? Tous mes choix, je les ai faits en pleine connaissance de cause. Quand j'ai appris pour Beth, j'ai quitté le terrain, mes frères d'armes, tout ce pour quoi je me suis battu. Alors que je m'étais juré des années auparavant de ne plus jamais le faire, j'ai été jusqu'à demander une faveur à mon père, le afin d'obtenir une permission exceptionnelle sans date fixe de retour.

Je savais bien que notre temps était compté, que la fin serait inéluctable. Le jour où elle m'a téléphoné, comme le soldat que je suis j'ai pris une décision rapide et agi avec efficacité. En moins de vingt-quatre heures, mes effets personnels étaient emballés, mes affaires mises en ordre, et je me trouvais dans un avion pour un retour aux sources. Malgré toutes les protestations et menaces de Beth, je n'avais pas flanché et lui avais promis d'être présent à chaque instant jusqu'à ce qu'elle me laisse.

À présent, ma parole tenue, j'ai l'impression d'être sans but. Que dois-je faire ? Retourner me battre comme si de rien n'était, comme si une partie de mon monde ne venait pas de s'écrouler ? Tourner la page ? Ces questions s'ajoutent à toutes celles qui tourbillonnent sans cesse dans mon esprit. Je me sens incapable de prendre une décision pour le moment...

Opération Reddition - éditéWhere stories live. Discover now