En attendant le tome 4 !

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[spoilers fin du tome 3 ! c'est le dernier texte que j'ai écrit, j'espère que ça vous aura plu ;), cette fois ça se passe juste après la fin du tome 3]

Allongée à ses côtés, je le regarde. Il dort. Je peux me laisser aller à l'observer dans les moindres détails sans qu'il ne me jette un regard inquisiteur ou que je baisse les yeux face à son intensité. Ainsi donc, il lui arrive de dormir. Dans son bureau, au milieu des documents rangés à la perfection, sur la banquette. Une petite sieste peut-être, au milieu de la nuit. Quelques heures. Jamais chez Bérénilde, pas le temps. Seulement passer en coup de vent. Pense-t-il à dormir dans son petit lit, derrière son bureau, quand il incarne le Professeur Henry ? Et que voit-il quand les paupières closes son esprit s'emballe, assailli de mille pensées. Trier, ordonner, chacune son tour ! 

Par quelles souffrances est-il passé une fois la porte de la prison franchie ? S'est-il entraîné à traverser les miroirs depuis ? Impossible de s'oublier suffisamment pour lire les objets, aucun doute. Pour affronter son reflet dans la glace, pas de problème. Animé par la rage, fixé droit sur son but. La douleur, la jambe cassée. A-t-il du ramper pour s'en sortir ? Désinfecter encore et encore les plaies pour éviter qu'elles ne s'enflamment et s'empoisonnent. Et moi, pendant ce temps. A me lamenter sous mon duvet, à repousser une larme en regardant par la fenêtre. Tout cela, c'est le passé. Jamais, jamais plus. Plus de séparation. Désormais les choses sont dites et claires. 

Résoudre les problèmes les uns après les autres. Les Généalogistes. Dieu. L'autre. Qui est l'autre ? Aperçu au fin fond d'un souvenir, de l'autre côté de ma mémoire. Je ne saurais même pas le reconnaître. 

Je me laisse glisser sur le dos, les bras étendus, les cheveux en bataille. Quoi maintenant ? Aller rencontrer Hélène. Aviser ensuite. J'ai soif. Je me lève et me dirige vers la table pour me verser un verre d'eau. La carafe en main, je repère la radio qui grésille légèrement. Avec la distance et la pluie, je ne l'entendais pas depuis le lit. Je m'asseye sur une des chaises et je tourne doucement le bouton. Il faudra aussi étudier ce phénomène des échos. 

C'est étrange, la station n'est pas nette. On dirait qu'un message tourne en boucle. Un ton grave, comme s'il s'était passé quelque chose pendant que nous dormions. J'ai un frisson, un mauvais pressentiment. Tant que je ne sais pas, c'est comme s'il ne s'était rien passé. Tant que Thorn dort et que je reste assise immobile, le temps est arrêté et nous laissera tous les deux à une nuit éternelle... 

...

Je dois savoir quand même, je règle le poste. J'écoute. De stupéfaction, je me lève d'un bond et renverse la carafe qui éclate en sol. Thorn se réveille en un instant, droit comme un I. Je me suis tournée vers lui, tout en reculant pour m'éloigner de la table. Comme si en m'écartant de la nouvelle, elle allait disparaître. J'ai les mots coincés dans la gorge, la bouche entrouverte. Ses yeux s'écarquillent et il saute vers la radio pour augmenter le volume. Il est penché contre la table, pour entendre à nouveau, confirmer qu'il n'a pas rêvé. J'ai porté les mains à mon visage, je suis tétanisée. Qu'est-ce que cela veut dire ? Que l'autre est déjà là ? 

- Thorn... 

Ma voix est tremblante, je suis déjà satisfaite d'avoir réussi à articuler quelque chose. Je touche son bras. Il s'empare de mes épaules et me sert fort contre lui. Je sens les battements emballés de son cœur. Au creux de mon oreille, il chuchote : 

- Je dois y aller, tu ne bouges pas d'ici. 

Avant que je ne puisse réagir, il a déjà enfilé sa chemise et est parti à la recherche du reste de ses vêtements. Mais je ne vais pas rester ici à l'attendre. Je ne veux pas ! Je me jette sur lui. 

- Je viens aussi, c'est hors de question que... 

Je ne peux pas terminer ma phrase, il a pressé ses lèvres contre les miennes. Maladroitement. Nerveusement. J'ai envie de le repousser, mais je me laisse aller contre lui. Je lâche dans un souffle : 

- C'est trop dangereux... 

- Je sais, je vais aller évaluer la situation. De toute façon, on ne doit pas nous voir ensemble pour ne pas éveiller les soupçons.

Mon silence est éloquent. Je le laisse finir de mettre son pantalon, d'ajuster les boutons, de coiffer ses cheveux en arrière. Une fois qu'il aura franchi la porte, je me préparerai aussi et j'irai constater l'ampleur des dégâts.

Petits textes inspirés de La Passe-MiroirWhere stories live. Discover now