Ophélie dans son lit, mais à Babel cette fois

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[Spoilers fin du tome 3, Ophélie dans son lit mais plus comme avant]

Je suis allongée, nue, dans le lit. J'étais déjà allongée chez moi, dans ma petite chambre à Anima. Tant de choses sont arrivées depuis. J'étais au fond du trou, des forces tentaculaires me retenaient sur le matelas. Se lever était une épreuve, comme si je pesais aussi lourd que du plomb. Je n'avais goût à rien, tout était fade. C'était sans doute une espèce de dépression. Je n'ai pas voulu aller voir un médecin, même si ma famille m'y encourageait. Pour lui raconter quoi ? Que je souffrais d'un mal ordinaire ? J'avais le cœur brisé. 

Un cœur brisé, va savoir qui a inventé cette expression. Cette personne devait être dans un grand jour d'inspiration, car quoi de plus vrai ? Cette cellule de prison au Pôle... Vide. Si vide. Trop vide. Pourquoi vide ? Les sens qui s'emmêlent, le cerveau qui bascule. Une pointe de panique. De l'incompréhension. Les pensées comme du coton. Ça rame à contre-courant pour avancer. Pourquoi la cellule est vide ? 

Puis quand on comprend, le cœur qui se serre. Qui se brise, littéralement. Comme si ce cœur était fait de cristal, qu'on l'avait confié à quelqu'un. Les mains de l'autre le tiennent, le chérissent et l'embrassent, puis tout d'un coup le cœur tombe et éclate en mille morceaux sur le sol. Ça fait du bruit, un son aigu qui siffle douloureusement dans les oreilles. Les morceaux ont glissé partout, sous les armoires et les bibliothèques, dans la poussière. Jamais on ne va pouvoir tout récupérer pour tout recoller ! C'est impossible ! On essaye de ramasser et on se coupe les doigts. Les phalanges saignent et ça pique. Mon cœur était brisé, mon estomac noué. 

Maintenant, je suis toujours allongée dans un lit, mais je ne suis plus seule. Je le regarde dormir. Je ne l'avais jamais vu faire. Je m'étais même demandé si cela lui arrivait. Il a l'air plus apaisé que jamais. J'ai envie de caresser sa joue, en le frôlant seulement, aussi délicatement que possible. J'hésite. Si je le fais, je risque de rompre la douce harmonie. Alors, je reste immobile et je l'observe. Je cale ma respiration sur la sienne. J'inspire, j'expire. 

Je me perds dans ma tête. Je roule sur le dos. La couverture recouvre ma poitrine. Je suis nue et je le ressens, je remonte la couverture. L'émotion a fait place à la raison, je devrais peut-être revêtir quelque chose. Ou alors, vais-je me lever et parcourir la pièce nue. Et s'il se réveille, il aura tout loisir de me regarder. Et je sais qu'il ne peut pas s'empêcher de tout voir, de tout retenir. J'étais si sûre de moi tout à l'heure. A cet instant précis, je ne sais plus si je suis à la hauteur. Peut-être qu'il va ouvrir les yeux, se lever, s'habiller et partir. Sans dire un mot. Ou un grognement, s'il est de bonne humeur. 

Quelque chose vient de me toucher, c'est chaud. C'est sa paume, qui recouvre mes mains repliées sur mon torse. Je tourne la tête, il dort toujours, il a seulement étendu son bras. Vers moi. Je prends sa main dans les miennes et je la serre un peu. Pas trop. C'est mon petit moment à moi, je souris. Je ferme les yeux et comme lorsque l'on voyait passer une étoile filante ou que l'on prononçait le même mot en même temps avec ma sœur, je fais un vœu. J'espère que ce moment ne s'arrêtera jamais.

Petits textes inspirés de La Passe-MiroirWhere stories live. Discover now