Chapitre 2.2 ~ Alexandre

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J'aurais payé cher pour avoir la possibilité de l'ausculter afin de m'assurer qu'elle allait bien, mais c'était impossible. Je finis par me résigner, en espérant qu'elle allait rapidement reprendre connaissance. Je ne pouvais pas la quitter des yeux. Malgré l'obscurité environnante, je l'observais attentivement pour repérer le moindre problème. Le temps s'écoula. Au bout d'un moment, elle releva doucement la tête en grimaçant de douleur.

Merci mon Dieu, elle est réveillée ! La voir ouvrir les yeux me rassura momentanément. J'aurais voulu la prendre dans mes bras pour la rassurer. Lorsque son regard perdu croisa le mien, j'y lus tout un tas de sentiments mélangés : peur, surprise, douleur. Soulagement aussi. Nous ne pouvions pas nous parler, mais nos regards remplaçaient nos mots. Je tentais de la rassurer du mieux que je le pouvais, sans pouvoir lui parler.

Elle rompit notre contact visuel pour regarder tout autour d'elle, comme je l'avais fait un peu plus tôt. Elle essayait, elle aussi, de comprendre où elle se trouvait et ce qu'il se passait. Je vis la peur la ronger puis la panique la submerger. Elle replongea ses yeux dans les miens, comme si elle s'accrochait à une bouée de sauvetage en pleine mer. Son regard me brisa le cœur, la voir ainsi était insoutenable.

Je tentais d'exprimer avec mes yeux ce que je ressentais pour elle. Je voulais aussi m'excuser parce que tout ça, c'était de ma faute. Nous restâmes de longues minutes ainsi, dans une sorte de dialogue silencieux, qui nous apporta une relative sérénité. J'entendais sa respiration qui devenait plus lente. Elle avait arrêté de s'agiter sur sa chaise et se concentrait sur moi. Je faisais la même chose de mon côté, cela m'aidait à retrouver mes esprits.

Notre échange silencieux fut interrompu lorsque la porte s'ouvrit une nouvelle fois brutalement. Anna et moi tournâmes la tête en même temps, en plissant les yeux à cause de la forte lumière du dehors. C'était toujours le même sbire de mon frère. Il se tint quelques secondes dans l'embrasure de la porte, les bras croisés. Il nous observait en silence, un petit rictus aux lèvres. Puis, il recula de quelques pas pour laisser passer Olivier qui s'approcha lentement de l'entrée de la pièce dans son fauteuil roulant.

Quand je le vis, j'eus envie de lui sauter à la gorge, mais je ne pouvais toujours pas bouger. Si mon regard avait le don de tuer, il serait déjà mort. Il entra en me regardant droit dans les yeux. Son sourire arrogant ne l'avait pas quitté. J'avais envie de le lui faire bouffer. Je m'agitais sur ma chaise. J'essayais de toutes mes forces de me libérer mais, c'était peine perdue ! Putain ! Il s'arrêta entre Anna et moi. Il reporta son attention sur elle. Je ne pouvais pas voir le visage de mon frère, mais je sentais qu'elle était terrifiée. Des larmes coulaient sur ses joues. Elle n'essayait même pas de se débattre. Elle était comme pétrifiée. Olivier lui lança d'un ton sarcastique :

— Il ne faut pas pleurer ma jolie...

En disant ces mots, il tendit sa main vers elle, comme pour essuyer ses larmes. Elle eut un mouvement de recul. Il la gifla violemment. Je fis un bond sur ma chaise. Je voulais l'étrangler de mes propres mains. Salaud ! Détache-moi si tu es un homme ! Je serrais les poings de toutes mes forces pour tenter de contrôler ma colère. Il se déplaça de l'autre côté de la pièce, en se tenant toujours entre nos deux chaises. Il faisait face à l'armoire à glace qui n'avait pas bougé. Mon cœur battait à cent à l'heure. J'étais paniqué. Je ne maîtrisais plus rien.

Olivier fit un signe de tête à son complice. Le molosse se rapprocha d'Anna, en laissant la porte grande ouverte derrière lui. Il s'immobilisa. Il attendait les ordres. Mon frère lui fit un nouveau signe de tête. Le sbire sortit un gros canif de sa poche. Je n'arrivais plus à respirer. J'étais en sueur. Qu'allait-il faire à Anna avec ce couteau ? Non ! Je grognais, je criais. Tout était étouffé par le gros scotch que j'avais sur la bouche.

Le sbire déplia le canif et approcha lentement la lame du visage d'Anna. Elle était immobile, les yeux rivés sur le couteau. Olivier regardait la scène avec un air de toute puissance et de satisfaction. Il se tourna ensuite vers moi en me disant d'un air mauvais :

— Depuis toutes ces années, je me suis souvent demandé comment je pourrais te faire payer la mort de Maman. J'ai attendu longtemps, mais maintenant, j'ai trouvé le moyen de te faire souffrir. Et je ne vais pas m'en priver...

Nouveau signe de tête à son complice. Il posa la lame sous l'œil gauche d'Anna. Elle sursauta au contact du métal froid, puis s'immobilisa. Sa respiration était superficielle et saccadée. Ses yeux étaient terrifiés. Elle me regardait en m'implorant de l'aider, mais je ne pouvais rien faire ! Ça me tuait à petit feu et ça me rendait fou de rage ! Le molosse fit glisser doucement le couteau le long de sa joue puis dans son cou. Il descendit encore plus bas, dans son décolleté, puis fit sauter le premier bouton de son chemisier.

Elle sursauta, puis redevint immobile. Ses yeux étaient plongés dans les miens, ils me suppliaient. J'assistais impuissant à ce spectacle atroce. Olivier semblait heureux de me faire du mal, de nous faire du mal. Il souriait de toutes ses dents. Il se délectait de nous observer, Anna et moi, à sa merci. Le gros bras continuait son chemin avec son couteau. Il fit sauter le second bouton, puis le troisième. Le soutien-gorge d'Anna commençait à être visible. Sans s'arrêter, il fit sauter tous les autres boutons de son chemisier. J'étais désespéré et ivre de colère. Je voulais tellement lui venir en aide et empêcher mon frère de la blesser ! Mais j'étais pieds et poings liés !

Le sbire fit serpenter la lame du couteau sur le ventre d'Anna, en prenant son temps, avec un petit sourire satisfait sur les lèvres. Elle avait arrêté de respirer. Elle essayait de rester stoïque, mais je lisais dans son regard qu'elle était tétanisée. Il s'arrêta près de son nombril et lança un regard à Olivier. Mon frère lui fit un autre signe de tête. Immédiatement, le molosse entailla le ventre d'Anna d'un coup sec.

Elle hurla de douleur. Son visage était inondé de larmes. Son sang commençait à couler sur ses vêtements. Non ! Anna ! Pitié ! Non ! Elle était sous le choc. Elle pencha la tête en avant en fermant les yeux à cause de la douleur. Je n'arrivais pas à distinguer la profondeur de l'entaille. Je priais de toutes mes forces pour qu'elle soit superficielle. Mon sang bouillait dans mes veines. J'avais envie de tuer mon frère.

Tout à coup, Olivier s'adressa à son sbire :

— Stop. Ça suffit pour l'instant.

Il éloigna tout de suite le couteau d'Anna, l'essuya avec un chiffon qu'il avait sorti de sa poche puis le replia. Il retourna se poster dans l'embrasure de la porte, bras croisés. Anna avait toujours la tête baissée, mais je pouvais l'entendre respirer. Ça me rassurait un peu. Son chemisier ouvert était maculé de sang. Son pantalon aussi. Olivier se rapprocha de sa chaise et agrippa violemment sa mâchoire pour qu'elle relève la tête vers lui. Il lui dit méchamment :

— Maintenant, tu as une bonne raison de pleurer, ma jolie...

Il la relâcha rapidement puis détourna son fauteuil roulant de la chaise d'Anna pour s'approcher de la mienne. Mes yeux lançaient des éclairs. Olivier, lui, riait doucement. Il se pencha vers moi pour me dire à l'oreille :

— Alors, tu vois, ça fait mal hein ? Quand une personne que tu aimes souffre et que tu ne peux rien faire. Et encore, là, ça va. Ta nana est vivante, frérot. Alors que Maman, elle, elle est morte. A cause de toi. Savoure cette douleur. Savoure-la bien. Ça te fera peut-être comprendre ce que je ressens depuis tout ce temps. Putain, si tu savais combien de fois j'en ai rêvé... Maintenant que je peux enfin me venger, je ne vais pas bouder mon plaisir ! Ce n'est que le début Alex...

Il s'éloigna de ma chaise en riant de plus belle et sortit de la pièce, accompagné par son molosse, qui referma la porte à clé derrière eux. Je ne savais plus où j'en étais. J'étais bouleversé, inquiet, furieux, épuisé. Je me concentrais sur Anna malgré tout. Je tentais de voir de quoi avait l'air sa blessure, mais j'étais trop loin d'elle, et on n'y voyait toujours rien dans cette foutue pièce qui sentait la mort.

Comment faire pour nous en sortir ? Je me sentais tellement impuissant et inutile. Je m'en voulais tellement d'avoir entraîné Anna là-dedans... J'avais voulu goûter au bonheur, et voilà le résultat ! Bordel de merde ! Anna, je t'en supplie, bats-toi, sois forte ! On va s'en sortir ! Je me répétais ces mots en boucle dans ma tête, sans trop savoir si j'y croyais vraiment moi-même.

Les Ombres du Passé ~ Tome 2 ~ Apprivoise-MoiDonde viven las historias. Descúbrelo ahora