Chapitre 6. Cora

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Le trajet à travers les rues embouteillées de Paris est long, d'autant plus long lorsque l'on ne connaît pas la destination. Un silence absolu pèse dans la voiture depuis près de trente minutes, et la tension qui y règne est électrique. Du plus loin que je me souvienne, je n'ai jamais ressentie auparavant une telle appréhension, une telle angoisse, une telle peur, le tout mélangé dans mon petit corps vraisemblablement pas prêt à subir autant d'information. Je ne suis pas à l'aise avec ce qui est en train de se passer, et à en juger par les coups d'œil furtifs en ma direction par le rétroviseur central, Joe l'a très bien comprit aussi. Pourtant, il ne me vient pas à l'idée une seule seconde de lui faire la conversation dans le but d'atténuer mon malaise. De toute façon, je ne saurais quoi lui dire, il est tellement intimidant, lui aussi.

Mais plus les minutes passent, et plus mon malaise croît, rendant ma respiration plus difficile sous les vagues de chaleurs me submergeant. Mon cœur palpite plus qu'il ne devrait, et je recherche désespérément l'air frais autour de moi afin d'étouffer ma nausée grandissante. D'un réflexe presque instinctif à ma survie, je me risque enfin à lui poser une question.

— Sommes-nous bientôt arrivés, Joe ? Car je crois que... je... vais... vomir... tenté-je de finir la phrase difficilement, alors que mes deux mains se plaquent machinalement sur ma bouche, comme si elles étaient aptes à retenir mon repas de midi. 

La nausée violente vient sans prévenir, bien avant d'avoir le temps de rechercher un contenant adéquat pour pouvoir me soulager en paix.  Je balaie les alentours mais les sièges en cuirs sont terriblement vides, et je n'ai d'autre choix que de me laisser aller sur le siège passager à côté de moi.
Si charmant. Si distingué.

Je tape du poing sur la banquette en cuir sous ma colère.

Eh, merde !

Joe met son clignotant puis s'arrête sur le bas côté. Il semble embarrassé.

— Mademoiselle ! s'inquiète Joe. Tout va bien ?

J'apprécie trouver en Joe un allié. Et j'apprécie tout autant cet instant de répit avant la tornade que je m'apprête à subir.

Il détache sa ceinture, et se penche vers le côté passager pour ouvrir une petite boite noire qui ressemble à un mini frigo.

— Tenez, buvez un peu d'eau, ça vous fera le plus grand bien.
Un frigo ? Dans une voiture ?

Je lui prends la petite bouteille de mes mains tremblantes, les yeux curieux toujours rivés sur le frigo.
Machinalement, je bois l'eau fraiche et me délecte de la sensation qu'elle me procure. 

— Ça va mieux... Merci. Je suis vraiment désolée... je ne voulais pas... j'ai été surprise...bafouillé-je lamentablement, les joues cramoisies par la honte.

Il secoue la tête.

— Ne vous inquiétez pas, Mademoiselle, si tout le mal était là, me rassure-t-il abordant un sourire sincère. Je vais m'occuper de nettoyer, et comme je vous l'ai déjà dis, tout va bien se passer. Faites-moi confiance, et surtout, faites-vous confiance.

J'accueille les paroles de Joe sans vraiment y prêter attention. Ai-je le choix, maintenant que je me retrouve sur cette banquette arrière à l'odeur de vomis ? Pas vraiment.

Quelques minutes plus tard et après avoir aidé Joe à nettoyer mon vomi à l'arrière de la voiture contre son gré, je jette un rapide coup d'œil au miroir de poche glissé dans mon sac, puis au rétroviseur intérieur afin d'évaluer les dégâts... Et je soupire un bon coup en remarquant que mon visage se porte bien mieux depuis que mon angoisse s'est évacuée. Contre toute attente, j'ai meilleure mine.
Mise à part sûrement l'haleine, non ?

L'ombre au tableau [Sous contrat chez Nisha et cætera] Où les histoires vivent. Découvrez maintenant