Chapitre 2

10.1K 290 2
                                    

Chapitre 2 :

Harry noue l'extrémité de la cordelette pour former un nœud coulant au bout d'une longue laisse qui glisse entre mes seins et sur mon sexe puis remonte dans mon dos jusqu'à mes mains attachées. Je me tortille un peu. Je suis sur les dents, excitée et, je l'avoue, un peu mal à l'aise.
 
Il me contemple longuement.
 
– Je suis tenté de commander un autre tableau, mademoiselle Fairchild. Je crois que j'aimerais vous avoir comme cela tout le temps.
 
– Est-ce une négociation, monsieur Styles ? Je souris narquoisement. Je ne suis pas bon marché, mais avec quelqu'un d'un goût aussi raffiné que vous, je suis sûre de trouver un terrain d'entente. Il éclate de rire et je dois me retenir pour ne pas en faire autant.
 
– Il y a très peu de choses qui me plairaient autant que de négocier avec vous. Malheureusement, nous n'avons pas le temps.
 
– Ah bon ?
 
– Nous avons des gens à voir.
 
– Oh !
 
Soudain, je comprends pourquoi je vais devoir lutter pour me maîtriser. Je baisse les yeux vers mon corps nu et entravé.
 
– Je ne crois pas être habillée pour recevoir.
 
– Heureusement que la morale traditionnelle de notre société ne m'autorise pas à te sortir ainsi. Je suis un homme très égoïste, je n'ai aucune envie de te partager.
 
– Crois-moi, dis-je, la bouche sèche, je n'ai aucune envie d'être partagée non plus.
 
Je repense au portrait, où je suis attachée comme je le suis à présent. Un portrait plus grand que nature, qui sera accroché dans une pièce destinée aux réceptions. À cet égard, sans doute Harry m'a-t-il déjà partagée et ai-je donné mon assentiment. Mais je suis anonyme, sur ce tableau. C'était un des termes clés de notre accord.
 
– Je suis exceptionnellement heureux de l'entendre, mademoiselle Fairchild. Surtout que, comme vous me l'avez rappelé, vous êtes ma propriété exclusive jusqu'à minuit. Entièrement à moi et censée faire tout ce que je désire. N'est-ce pas ?
 
– Oui.
 
– Être touchée, excitée et tentée. Mon corps se raidit à ses paroles, mais je parviens à hocher la tête. Punie et adorée.
 
– Harry... dis-je d'une voix rauque.
 
Il me fait taire d'un doigt doucement posé sur mes lèvres. Puis il tourne lentement autour de moi.
 
– Vêtue, nourrie. À moi, Nikki, dit-il alors que son souffle caresse ma nuque aussi intimement qu'une main posée sur mon sexe. À moi, pour que je te protège et te chérisse. Il est désormais de nouveau devant moi. Pour que tu m'obéisses. Dis-moi, Nikki, dis-moi ce que je veux entendre.
 
– Je suis à toi... je chuchote.
 
Je meurs d'envie qu'il me touche, mon corps est tellement en alerte que je me sens comme enivrée par cette drogue suave qu'est Harry.
 
– C'est bien, dit-il d'une voix sourde, passant de nouveau derrière moi.
 
Je tourne la tête pour tenter de le voir, mais j'ignore ce qu'il fait jusqu'à ce que je sente qu'il desserre les nœuds de mes poignets.
 
–  Je suis surprise,  dis-je. Après  ce que tu  as dit,  je ne pensais  pas que tu  me libérerais.
 
– Qui dit que je te libère ? répond-il d'une voix sensuelle qui me caresse en m'enveloppe. Je m'occupe de toi, Nikki. Entièrement, totalement.
 
Je  ferme  les  yeux  d'impatience.  Derrière  moi,  il finit  de  défaire  les  nœuds.  Je soupire et me frotte les poignets, un peu engourdis d'être restés dans la même position aussi longtemps. J'essaie de deviner ce que Harry a prévu, mais c'est inutile. Je n'en ai pas la moindre idée et je le regarde avec impuissance gagner, de l'autre côté de la pièce, la partie du dressing où est présenté un assortiment de petits hauts qui suffirait à l'ouverture d'une boutique. Il choisit un pull noir sans manches à col bénitier, puis revient.
 
– Je vais t'habiller, à présent, dit-il. Lève les bras.
 
J'obéis. Le pull est doux et caressant, et il me va parfaitement. Je porte la main à ma gorge,  ravie  de  cette  liberté  de  mouvement,  et  heureuse  de  constater  que  le  col recouvre la cordelette. Je glisse deux doigts entre la soie et ma peau, contente de ne pas être serrée. Je tire le bout qui plonge entre mes seins sous l'étoffe.
 
– Non, dit Harry depuis le fond du dressing, où il est allé choisir une jupe en cuir ultracourte.
 
– Non ?
 
– Tu la gardes. Maintenant, viens ici. J'obéis et enfile la jupe qu'il me tend. Là aussi, la cordelette passe sous le vêtement.
 
– Harry...
 
J'essaie de ne pas avoir une voix rauque, mais je parviens à peine à dissimuler l'excitation que provoquent en moi ces deux syllabes.
 
– Chut ! réplique-t-il.
 
Il passe derrière moi, sans doute pour remonter la fermeture Éclair de la jupe. Il passe la main entre mes cuisses pour saisir la cordelette pendante et la tirer à lui. De nouveau, je sens le contact excitant de la soie sur ma chair hypersensible. Il la fait ressortir à la taille, puis me zippe fermement. Je me cambre et me dévisse le cou pour apercevoir un peu de rouge qui dépasse.
 
– Je ne crois pas que cela ajoute grand-chose à la tenue, dis-je.
 
– Je ne partage pas cet avis, rétorque-t-il avant de souligner ses paroles en tirant fermement et lentement sur la cordelette.
 
Je pousse un cri de plaisir et de surprise, tant la caresse simultanée sur mon sexe et mon cul est délicieusement intolérable.


-Il te faut aussi des chaussures, dit-il aimablement. Il me prend la main et m'embrasse la paume, et ce geste suavement romantique,  associé à la cordelette du plaisir caché, suffit à provoquer mon rire. Je ne pensais pas que les chaussures constituaient un sujet aussi divertissant, dit-il, attendant une explication.
 
Comme je reste silencieuse, il se dirige vers la section  chaussures du dressing et choisit une paire de sandales à lanières de cuir noir, perchées sur d'insolents talons de huit centimètres


-Celles-ci feront l'affaire, dit-il. Et j'ai beau t'adorer avec des bas, je crois que nous nous en passerons ce soir.
 
Je ne peux qu'acquiescer, puis je m'assieds sur la petite banquette de cuir blanc où il me conduit. Dans cette position, la cordelette se tend... je suis certaine que Harry a tout expressément arrangé.
 
Il s'accroupit devant moi et soulève mon pied. Mes genoux sont écartés, et tandis qu'il glisse la sandale et ajuste la minuscule boucle autour de ma cheville, son regard croise  brièvement  le  mien  avant  de  s'insinuer  dans  l'ombre  entre  mes  cuisses ouvertes. Je suis nue sous la jupe, excepté la cordelette de soie rouge qui me sert de sous-vêtement. Nue et moite, et si excitée que j'ai envie d'avancer les hanches pour le supplier en silence de me toucher. De me prendre.
 
Mais  avec  Harry,  je  n'ai  pas  besoin  de  supplier.  À  peine  a-t-il  ajusté  l'autre sandale qu'il repose mes pieds sur le sol. À cause des talons, mes genoux sont plus hauts que la banquette, et du coup ma jupe est un peu relevée, ce qui offre à l'homme agenouillé devant moi un spectacle plus intime.
 
Délicatement, il pose sa paume sur mon genou nu. Puis il se penche et frôle de ses lèvres la chair sensible de l'intérieur de ma cuisse droite. Je frissonne à son contact, la pression de la cordelette rendant la sensation plus érotique encore.
 
– Tu es comme une drogue pour moi. La voix de Harry est sourde, et son haleine sur ma peau si intime que je suis obligée de fermer les yeux et de me cramponner à la banquette. Je n'avais pas l'intention de te toucher tout de suite. Mais je n'ai pas la force de me refuser ce petit avant-goût de toi.
 
– Oui. C'est le seul mot que je parviens à prononcer, mais pour l'heure le seul qui paraît compter.
 
Ses mains remontent le long de mes jambes tandis qu'il dépose ses baisers délicats à l'intérieur de mes cuisses.
 
– Debout, dit-il en retroussant ma jupe.
 
Je me lève de la banquette et il soulève la jupe sur mes fesses, si bien que lorsque je me rassieds, elles sont nues sur le cuir tiède. Ses mains sont toujours sur mes hanches et il caresse de son pouce ma plus grosse cicatrice. Celle où je m'étais entaillée si profondément que j'avais bien cru finir aux urgences... Je m'étais rafistolée avec du chatterton et de la colle forte ! Je m'en étais sortie, mais la cicatrice est désormais un rappel hideux de mes blessures intérieures.
 
Entre mes jambes, les lèvres de Harry frôlent une autre cicatrice.
 
– Tu es si belle, murmure-t-il. Si belle et si forte, et à moi...
 
Je tremble et ravale mes larmes, consciente de sa sincérité. J'espère vraiment qu'il a raison,  mais  j'ai  toujours  peur  que  cette  force,  si  j'en  abuse,  rompe  comme  un élastique qu'on a trop tendu.
 
Il comprend ce qui m'a amenée à m'emparer de la lame et à en appliquer l'acier glacé sur ma chair. Il comprend pourquoi j'avais besoin de souffrir. Je n'ai aucun secret vis-à-vis de cet homme, désormais je n'ai plus rien à cacher.
 
Je n'ai plus de secrets, mais Harry, si. Néanmoins, pour l'instant, je m'en moque. Je le désire tel qu'il est, avec ses zones d'ombre, et j'écarte mes cuisses en une invite explicite...
 
Harry  ne me déçoit pas.  Je sens  son  souffle  sur  mon  sexe  et ma respiration s'accélère, mes seins se soulèvent et retombent, leur pointe durcie frôlant la laine du pull.
 
De sa langue, il caresse et agace délicatement la chair tendre entre ma jambe et mon sexe. Je ferme les yeux en essayant de ne pas me tortiller.  Mais je ne peux m'en empêcher,  et à chaque infime mouvement,  cette merveilleuse  et satanée cordelette glisse sur mon sexe ruisselant. Je suis si trempée et excitée que ce simple frottement suffit à me foudroyer. Je crispe mes orteils dans mes sandales, si bien que seules les pointes touchent le sol et que mes genoux se relèvent encore plus. J'en veux encore, encore plus, et Dieu merci ! sa langue passe délicatement sur mon clitoris. Il ne m'en faut pas plus. Je vole en éclats et me renverse en arrière, si cramponnée à la banquette que je crains d'en déchirer le cuir.
 
Sa bouche me comble de plaisir et sa langue s'insinue tout au fond de moi. Il me tient sous son emprise. L'orgasme qui s'empare de moi semble interminable et je serre les cuisses, prenant Harry au piège.
 
Je sens les poils de sa barbe contre ma cuisse et je pousse un cri après avoir si longtemps retenu mon souffle. Je me penche en avant, me ressaisissant, et je glisse mes doigts dans ses cheveux. Je ne veux pas qu'il arrête, et pourtant, en cet instant, j'ai besoin qu'il me prenne dans ses bras. Besoin de l'étreindre et de l'embrasser, et je le relève sans ménagement. De ma bouche, je m'empare de la sienne et l'embrasse avec fureur, en sentant sur ses lèvres ma saveur la plus intime.
 
– Emmène-moi au lit, je le supplie un instant plus tard. Je t'en prie, emmène-moi au lit.
 
Je n'ai eu droit qu'à un avant-goût de Harry et, comme une réfugiée affamée, je suis loin d'être rassasiée.
 
– Pas tout de suite, dit Harry, avec un regard lourd de promesses. Avant, je vais te sortir.
 
 
 
*
*  *
 
 
Je me penche sur le siège en cuir, tandis que d'un coup de volant de l'élégante et vive Bugatti Veyron, Harry vire sur la Pacific Coast Highway. Il ne m'en a jamais rien dit, mais je crois que, de toutes ses voitures, c'est sa préférée. C'est en tout cas celle que nous utilisons  le plus, et j'ai même réussi – enfin  – à en  mémoriser  la marque et le modèle. À présent, je dis « la Bugatti », et non plus « ta voiture au nom italien imprononçable ».
 
Il sourit, manifestement enchanté de nous conduire à toute allure loin de Malibu, vers Dieu sait quelle destination. Où que nous allions, je suis certaine que ce sera fabuleux,  et  je  me  laisse  aller  au  bonheur  de  le  regarder.  Harry  Styles,  mon milliardaire sexy et joueur... Je souris de plus belle. À moi. C'est ce qu'il a dit de moi. Que j'étais à lui.
 
Mais la réciproque est-elle vraie ? Est-il à moi ? En l'occurrence, un homme comme Harry Styles, accroché au pouvoir et plus encore à ses secrets, peut-il appartenir à quelqu'un ?
 
Il détourne un instant son attention de la route et hausse des sourcils interrogateurs, ce qui ride son front parfait.
 
– Je donnerais cher pour savoir à quoi tu penses... Je me force à sourire et à chasser mes soucis.
 
– Je n'ai pas examiné vos bilans, monsieur Styles, mais je crois que vous en avez les moyens.
 
– Je suis flatté.
 
– De voir à combien je vous évalue ?
 
– Que tu penses à moi, répond-il en plongeant son regard dans le mien. En même temps, il n'y a pas de quoi être étonné, je suppose. Pas un moment ne se passe sans que je pense à toi. Ses paroles sont aussi enivrantes que du whisky. Si chaque fois je devais payer ne serait-ce qu'un cent, ma fortune se serait évaporée depuis belle lurette.
 
– Oh, dis-je avec un petit sourire ridiculement timide, j'adore trop tes voitures. Comme Harry Styles sait si bien le faire, il a balayé toutes mes inquiétudes. Avec un petit rire espiègle, je m'enfonce dans le confort de mon siège en cuir.
 
– Je me doute qu'elles rendent ma fréquentation nettement plus supportable.
 
– Oh, tout à fait. Voitures, vêtements, jet privé.....
 
– Paparazzi ? demande-t-il avec un coup d'œil oblique, pas assez fugace pour que je ne puisse percevoir une lueur d'inquiétude.
 
– Ils me donnent envie de dégainer mon Leica et de les photographier eux-mêmes, je grimace. On verrait combien ça leur plairait. D'un autre côté, j'adore cet appareil. Ce serait dommage de le salir en prenant des photos de ces gens, dis-je en crachant mes mots.
 
– Sans compter, ajoute Harry, qu'aucun tabloïd ne voudrait les acheter. C'est toi qu'ils veulent. Et tu as perdu une partie de ta vie privée à cause de moi.
 
Je me tourne vers lui. Est-ce cela, le sujet de ce coup de téléphone qui le tracasse ? Ses avocats le prévenant qu'une nouvelle photo de nous allait paraître dans une demi- douzaine de magazines dès la semaine prochaine ? J'essaie de me remémorer quelle image de la semaine précédente pourrait être assez gênante pour lui causer  un tel souci.
 
Déjà, les tabloïds ont fait leurs choux gras d'une poignée de clichés de moi en maillot de bain, grâce aux différents concours de beauté auxquels j'ai participé. Me voir exposée sur les couvertures de journaux à la caisse du supermarché ne m'a pas amusée, mais je me suis répété que ces concours étaient publics et qu'au moins deux d'entre eux avaient été retransmis à la télévision.
 
Je ne vois rien d'autre de dérangeant qui puisse être imprimé à mon propos, ou sur nous deux. En tout cas, Harry et moi n'avons rien fait en public que je serais gênée que ma mère voie. Quant à la vie privée, eh bien, si les paparazzi ont des photos intimes de nous, ils seraient bien téméraires d'affronter la colère de Harry en les publiant.
 
Mais il y a le balcon de la maison de Malibu.
 
Chaque  jour,  je  suis  restée  postée  et  ligotée  dans  cette  embrasure,  et  même  si Harry possède des hectares et des hectares et que la plage lointaine est privée, un photographe ingénieux pourrait sûrement...
 
Une vague de peur me submerge, si palpable que j'ai brusquement la nausée.
 
– Ils n'ont rien de nouveau, si ? je demande, m'efforçant de prendre un ton détaché. Je peux supporter d'être sous le feu des projecteurs en étant la petite amie de Harry. Mais des photos de moi nue étalées dans les journaux et sur Internet ? Oh, mon Dieu... Ils ne sont pas montés d'un cran ? Personne n'est allé braquer son zoom sur le balcon, tout de même ?
 
– Dieu merci, non.
 
Il répond si vite et avec un tel étonnement que je suis sûre d'être complètement à côté. Je me détends.
 
– Tant mieux, dis-je. J'ai cru...
 
Je ne termine pas ma phrase, car, je m'en rends compte, j'ai enfoncé mes ongles dans la chair de mes cuisses. Je me force à me détendre et à respirer profondément. Je n'ai pas besoin de souffrir pour affronter cela. Il n'y a rien à affronter à part la peur. Et puis, je peux me raccrocher à Harry.
 
– Oui, Nikki ?
 
– Comme tu venais de parler des paparazzi, j'ai cru que c'était à cause de ça qu'on t'avait appelé, dis-je d'une voix normale.
 
– Appelé ?
 
– Tout à l'heure. À la maison. Tu as eu l'air si contrarié.
 
Il ouvre de grands yeux. Apparemment, sa surprise est sincère.
 
– Ah bon ?
 
– Je doute que Blaine l'ait remarqué, mais je te connais.
 
– Oui. Apparemment. Mais le coup de fil n'avait rien à voir avec ces charognards.
 
Le halo pourpre de fureur autour de Harry est presque apparent, mais je ne sais pas s'il est fâché contre la personne qui l'a appelé ou contre moi. Je me racle la gorge et continue de parler comme si de rien n'était.
 
– Et puis tu n'as rien fait pour les attirer, les paparazzi. C'est plutôt une infestation. Je les déteste, mais j'apprends à vivre avec eux. Il me jette un coup d'œil inquiet. Ç'aurait été trop beau qu'il ne remarque pas mon bref instant de panique un peu plus tôt. Rien n'échappe à Harry, comme je l'ai appris. C'est vrai. Ils sont comme les fourmis de feu au Texas. Elles grouillent partout, mais l'astuce consiste à ne pas se retrouver parmi elles. Et quand on se fait piquer, la douleur ne dure pas. Je l'affirme avec une telle fermeté que je me convaincs moi-même. Et puis, dis-je avec un sourire malicieux, ton hôtel de Santa Barbara et ton penthouse compensent tout ça. Mon stratagème pour changer de sujet a échoué, ce n'est pas normal qu'il reste silencieux si longtemps.
 
– N'oublie pas la maison d'Hawaii, dit-il finalement. Je pousse un petit soupir ravi.
 
– Tu as une maison à Hawaii ?
 
– Et l'appartement de Paris.
 
– Oh, tu essaies juste de me faire saliver.
 
– T'ai-je dit que Styles International a plusieurs divisions dans l'industrie alimentaire ainsi qu'une part importante dans une entreprise qui fabrique des chocolats suisses haut de gamme ?
 
Je croise les bras. Si nous jouons à énumérer les possessions de Styles, cela va durer des heures.
 
– Tu te rends compte que le fait de ne m'avoir jamais offert de ces chocolats suisses est une raison suffisante pour que je fasse la tête pendant au moins quinze jours ?
 
– Quinze ? Sa main plane au-dessus du bouton du volant qui commande le haut- parleur.  Et  vous  vous  refuseriez  au  sexe  pendant  tout  ce  temps,  mademoiselle Fairchild ? J'émets un ricanement bien peu féminin.
 
– Sûrement pas. L'idée est que ce soit toi le puni, pas moi.
 
– Je vois. Sa main s'éloigne du bouton. Pas besoin d'ennuyer Sylvia à une heure aussi tardive, alors. Je lui ferai commander tes chocolats demain matin.
 
– Pour le moment, les chocolats sont en tête dans ma liste de tes atouts, dis-je en riant. Mais je suis aussi impressionnée par ton goût fabuleux en matière de restaurants. C'est un appel du pied, au fait.
 
– J'applaudis à ta subtilité.
 
– Je fais de mon mieux.
 
– Et la récompense, c'est que nous sommes presque arrivés.
 
– C'est vrai ?
 
Je n'ai pas fait attention au paysage, mais à présent je regarde par la vitre. Nous avons roulé pendant presque une demi-heure vers le sud en longeant les vagues du Pacifique frisées d'une écume blanchie par la lune. Nous dépassons le panneau Santa Monica et, après quelques croisements et arrêts aux feux, nous arrivons sur Ocean Avenue entre Santa Monica et Arizona.
 
Harry  stoppe  devant  un  élégant  bâtiment  blanc  qui  n'a  aucun  angle  mais seulement des courbes. Il y a plusieurs étages, et tout est presque éteint ; mais quand je colle le nez à la vitre et lève les yeux, je vois que le dernier étage est éclairé.
 
Le poste du voiturier se trouve à quelques mètres et un type guère plus jeune que Harry se précipite à ma portière. Immédiatement, Harry appuie sur le verrouillage centralisé. Je lui lance un regard interrogateur, mais il se contente de descendre et de faire le tour de la Bugatti pour rejoindre le voiturier. Je suis frappée par la différence entre les deux hommes. Le voiturier doit avoir vingt-six ans, soit deux de plus que moi et seulement quatre de moins que Harry. Et pourtant, Harry est si sûr de lui qu'il  paraît  sans  âge.  Comme  un  héros  mythique,  les  épreuves  traversées  l'ont renforcé et lui ont donné cette assurance sexy, si séduisante qu'elle éclipse presque sa beauté physique.
 
À  trente ans,  Harry  a déjà conquis  le monde.  Le voiturier,  qui reste interdit, n'ayant pas de portière à ouvrir, est sans doute de ceux qui ont du mal à payer leur loyer. Je n'ai pas de peine pour lui, il est comme beaucoup de jeunes de Los Angeles – acteurs, scénaristes et mannequins venus dans la cité des Anges dans l'espoir que la ville les révélera, et qui rament, malheureusement. Harry, lui, fait exception. Harry n'a pas besoin de cette ville, il n'a besoin que de lui-même.
 
Je sens à nouveau un désagréable pincement au cœur. Car si ce raisonnement est juste, que faut-il en déduire, me concernant ? Je sais que Harry me désire – je le vois à chacun de ses regards. Mais j'en suis arrivée à avoir besoin de lui autant que de l'air que je respire ; et parfois, même si je sais que ce désir est réciproque, je crains d'être la seule un jour à l'éprouver.
 
Ces pensées mélancoliques s'envolent dès que Harry ouvre la portière, à la vue de son sourire et de son expression, si férocement protectrice que je ne peux m'empêcher de soupirer. Il me tend la main pour m'aider à descendre, se plaçant de telle manière que le voiturier  ne puisse entrevoir  mon  intimité,  même si mes tentatives  pour la protéger ne sont pas facilitées par cette voiture au ras du sol.
 
Je réussis la manœuvre, Dieu merci, et Harry me lâche la main pour me prendre par la taille. C'est l'été, mais si près de l'océan l'air est frais, et je me blottis contre lui pour savourer sa chaleur. Harry jette les clés au voiturier, qui doit déjà pleurer de joie à la perspective de se glisser derrière le volant de cette voiture exceptionnelle.
 
– Laisse-moi deviner, dis-je en attendant que le pauvre garçon lui donne un ticket. L'immeuble est à toi ?
 
Je jette un coup d'œil au bâtiment. Seule l'entrée est éclairée, et dans l'ombre je distingue des groupes de gens. Des couples qui bavardent.  Des hommes dans des tenues allant du maillot de bain au costume. C'est normal, sans doute. Après tout, la plage est de l'autre côté de la rue.
 
– Cet immeuble ? Non, mais je pourrais bien faire une offre s'il était à vendre. C'est un complexe de bureaux pour le moment, mais avec cet emplacement il pourrait être transformé en un hôtel qui aurait beaucoup de succès. Je garderais le restaurant sur le toit-terrasse, et pas seulement parce que je suis un ami du propriétaire.
 
Le voiturier donne son ticket à Harry, et je découvre alors le nom du restaurant sur sa guérite.
 
– Le Caquelon ? je demande tandis que nous nous apprêtons à entrer. Je n'en ai jamais entendu parler.
 
– C'est excellent. La vue est splendide, et la cuisine encore plus. Et les tables sont très, très intimes, ajoute-t-il en me toisant d'un air carnassier.
 
– Oh !
 
C'est tout Harry, ça. Le petit détail sensuel qui me fait oublier mon calme pour n'être plus que pâmoison et désir. « Je vais te faire jouir », a-t-il dit, et j'espère bien qu'il a l'intention de tenir sa promesse. Je me racle la gorge en essayant de réprimer mon excitation. Je suis sûre qu'il doit sentir contre lui mon cœur battre la chamade.
 
– Et que signifie le nom ?
 
Avant qu'il ait le temps de répondre, les groupes se séparent et tout le monde se rassemble. Des flashs crépitent et les charognards braillent leurs questions. C'est arrivé si vite que je n'ai même pas eu le temps de réfléchir. Machinalement, je prends une expression  neutre assortie d'un imperceptible sourire. Cela fait des années que j'ai l'habitude de me cacher derrière différents masques. Nikki en société, Nikki gentille fille, Nikki sur le podium.
À cet instant, j'ai choisi Nikki l'inébranlable.
 
La main de Harry se resserre autour de ma taille, et, même s'il ne dit rien, je sens la tension en lui.
 
– Continue simplement d'avancer, chuchote-t-il. Il suffit d'arriver à l'intérieur.
Là, comme me l'a expliqué son avocat Charles, nous sommes en sécurité. S'ils nous suivaient, ce serait de la violation de propriété.
 
– Nikki !
 
Une  voix  s'élève  dans  le  tumulte,  si  familière  que  j'ai  envie  de  gifler  son propriétaire. Mais je ne réagis pas. Je continue de regarder droit devant moi et de n'offrir que ce léger sourire officiel.
 
– Les photos du concours de maillots de bain de Miss Texas publiées la semaine dernière  sont  partout  sur  Internet.  C'est  vraiment  vous  qui  les  avez fuitées  pour donner un coup de pouce à votre carrière de mannequin débutante ?
 
J'imagine ma main se crisper pour lui flanquer un coup de poing, et mes ongles s'enfoncent dans ma paume.
 
– Et concernant la télévision, pouvez-vous confirmer que vous figurerez dans une nouvelle émission de téléréalité l'an prochain ?
 
Non, pas un coup de poing. C'est un rasoir que je tiens dans la main, et sa lame me mord la chair, une douleur glacée à laquelle je peux me raccrocher.
Non.
 
Je me force à chasser cette image de lames et de douleur de mon esprit. J'enrage que ces parasites soient le catalyseur de ma faiblesse. Ils ne méritent pas que je perde du temps avec eux, et encore moins que je souffre.
 
– Nikki, quel effet cela vous fait-il d'avoir décroché l'un des célibataires les plus convoités du monde ?
 
J'inspire profondément et la main de Harry me serre contre lui. Harry. Je n'ai pas besoin de cette douleur, non. Il n'y a rien. Rien. Je garde mon équilibre... et c'est grâce à Harry.
 
– Monsieur Styles ! Il paraît que vous avez refusé d'assister à l'inauguration  des courts de tennis vendredi prochain ? Qu'avez-vous à déclarer à ce sujet ? Durant un instant, il me semble que Harry trébuche, mais nous continuons d'avancer.
 
Devant nous les portes s'ouvrent, et un homme qui doit mesurer plus de deux  mètres  se  précipite  dehors,  accompagné  de  deux  types  qui  viennent  nous encadrer. À eux trois, ils forment une sorte de rempart triangulaire et nous fendons la foule comme une pointe de flèche pour nous retrouver à l'abri.
 
À peine les portes se referment-elles derrière nous que je me sens moins oppressée. Harry me lâche la taille, mais entrelace ses doigts avec les miens. Il baisse les yeux vers moi et je lis clairement la question dans son regard.
 
– Ça va, dis-je alors que nous gagnons l'ascenseur. Je t'assure.
 
Le grand type, Harry et moi entrons dans l'ascenseur, mais les deux autres restent dehors, sans doute pour veiller à ce qu'aucun des charognards n'essaie d'entrer dans le restaurant en se faisant passer pour un client. Alors que les portes se referment, je lève les yeux vers Harry. Son regard flamboie d'une fureur sauvage, mais j'y lis aussi une telle inquiétude pour moi que les larmes me montent aux yeux.
 
Lentement, il porte ma main à ses lèvres et dépose un baiser au creux de ma paume.
 
– Je suis vraiment navré, mon cher, dit le géant avec une sorte d'accent allemand. Un  serveur  a  vu  le  registre  des  réservations.  Apparemment,  il  ne  voulait  pas  se contenter d'empocher ses pourboires ce soir.
 
– Je vois, répond Harry. Le ton est calme, mais tendu, et la pression de sa main sur la mienne se fait plus forte. Je ne suis sans doute pas la seule à voir qu'il s'efforce de maîtriser le caractère irascible qui l'a rendu si célèbre à l'époque où il jouait au tennis, et qui a d'ailleurs été à l'origine de la blessure qui lui a laissé des yeux de couleur différente. J'aimerais dire un mot à ce jeune homme.
 
– Je l'ai licencié, dit le grand type. Il a été raccompagné en même temps que je venais m'occuper de vous et de mademoiselle.
 
– Très bien, dit Harry.
 
J'approuve sans un mot. Car d'après la fureur que je lis sur le visage de Harry, si le serveur avait encore été là, il aurait vraiment eu de quoi se faire du souci.
 
 
 

****************************

Voilà le deuxième chapitre du deuxième tome. On espère qu'il vous a plu !

Il ne se passe pas encore grand chose mais vous avez tout de même un aperçu des paparazzis

ainsi qu'un petit lemon en bonus haha



Nous vous embrassons xx

Trilogie Styles [Tome 2]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant