Les Temps Électriques

plus comme avant

Point de vue de Nina

Lundi matin

J'étais dans la salle d'étude, et je réfléchissais, du moins j'essayais. Nous étions lundi matin et je n'allais pas au lycée de mon gré. J'étais assise toute seule, et je me disais qu'il fallait mieux être seule que mal accompagné.
Je vis au loin, Gabriel et Zoey qui se prélassaient.
Je pensais a ma vie. Et pour une fois ça en valait la peine...
Je pensais à ce que me répétait sans cesse ma mère. Et ses phrases tournaient en boucle dans ma tête. J'avais l'impression d'être une machine à laver en fin de vie. Et ces phrases qui me heurtaient et qui m'énervaient toujours, je n'en pouvais plus.

"Parce que tu dois être forte, ma fille!
Je veux te voir grande, mature et responsable !
Je veux que tu fasses de ton mieux et que tu réussisses. Nina, tu dois oublier tes amis et te reconcentrer sur tes études! Nina, ne deviens pas comme moi! Tu as envie de finir comme une pauvre mère, comme moi!? Hein!? C'est ça que tu veux!?
Nina, c'est ça que tu veux!?
Répond moi et regarde moi dans les yeux! C'est ça que tu veux?"

C'est ça que je veux?

A vrai dire je n'en sais rien.
Ma vie est un éternel désastre auquel je ne peux remédier.

Étalée sur le bureau auquel je suis assise, je vois Lou arrivée vers moi.
Elle ne pourrait sûrement pas comprendre ce que je ressens.
Comme tous les autres d'ailleurs.
Personne ne peut me comprendre.
Parce que je n'en ai pas envie.
Pas envie qu'on pense que je n'ai pas d'avenir.
Pas envie pour qu'on me dise de travailler.
Je ne supporte déjà pas les conseils terribles de ma mere, ceux des autres, non merci.

"Nina! Comment ça va?

- Super et toi?

- Ça va, tu fais quoi? Tu travailles l'anglais? Les maths?

- Nan je fais cette putain de compo' d'histoire, ça me saoule! Tu peux m'aider s'te-plait Lou?

- Oui bien sure!"

Pendant que Lou m'expliquait toutes ces procedures, de brouillons, de surlignages etc... Je me forçais a sourire bêtement en hochant la tête. Je pensais à tout sauf à l'histoire-géo.
Ma tête bouillonnait déjà depuis un moment, ça ne m'était jamais vraiment arrivé. J'ai toujours été du genre à ne pas laisser les émotions me submerger. Pourquoi maintenant ?
Pendant presque 16 ans de ma vie, j'ai toujours réussi à garder cet air stoïque.
Mais là, c'est comme si la machine à laver n'avait jamais cesser de tourner.

Puis un moment donné, je revins à la réalité.

"Ça va t'as compris?
Me demanda Lou.

Son visage si lumineux me tailla le coeur en pièces. Comment faisait-elle pour être si heureuse ?

- Euh...oui, je comprends pas exactement, mais je peux gérer t'en fais pas pour moi?

- Ok et bah on se dit à toute!

La grande blonde se leva, et avant de s'en aller se retourna vers moi et rajouta:

- Au faite Nina, je t'enverrais par mail un dossier qui explique bien la structure du commentaire, je t'assure c'est utile. Comme ça tu n'auras pas besoin de faire semblant de m'écouter !"

Elle sortit de la salle d'études un grand sourire aux lèvres.

Elle avait remarqué que je ne l'écoutais pas.
Qu'en penser ?
Rien, absolument rien.
Quelqu'un venait d'ouvrir la machine dans ma tête.

Ça faisait un bien fou.

Il était midi et c'était l'heure de la pause. Je m'étais assise dans un coin du réfectoire près des grandes baies vitrées. Je ne voulais pas qu'on vienne me déranger. J'avais envie d'être seule et pourtant une voix dans ma tête me disait qu'il fallait que je me rapproche de la populace lycéenne.
Je voulais rentrer chez moi, m'endormir sur mon lit.
J'en avais marre.
Marre d'être dépendante de ma mère, marre de devoir faire tout comme elle me disait.
Je voulais cesser de vivre pour elle.

J'aperçus au loin Daphné et Gaspard rigoler, tenant leur plateau et s'installer à une table.
Ces deux grands timides comme je les appelais. Ils étaient pareils, je n'avais rien a faire avec eux. Rien.
Gaspard et Daphné sont du même monde, dans un trio il y en a toujours un en trop. C'était moi.
Gaspard, riait et Daphné devait sûrement lui raconter une blague. Plus ou moins drôle.
Il y avait encore cette voix qui n'arrêtait pas de les critiquer, et pourtant je restais à les observer tout en mangeant mon repas.
D'un côté, je voulais aller les rejoindre mais d'un autre je me disais que je n'avais rien à faire avec eux.
Et Zoey qui venait de s'installer avec Gabriel une table derrière les deux grands timides, n'arrêtait pas d'occuper mon esprit en permanence.
Je n'ai pas réussi a tourner la page.
J'y pense encore.
Comment ais-je pu vivre 5 ans d'amitié avec une peste de son genre?
Comment ais-je réussi à perdre mon petit copain?
Est-il réellement heureux avec elle?
Est-ce moi le problème ?
Pourquoi est-ce que je pense à eux?
Pourquoi suis-je devenue si seule?
Avant je n'étais pas comme ça.
Je n'étais pas ce genre de fille.
À rester au fond de la salle de classe.
À penser à la vie.
Je me sentais très triste et si seule dans cette immense cantine.
Je décidai de m'en aller.
Et d'oublier ce que je venais de ressentir. Cette sensation, je voulais l'oublier.
Je souhaitais ne pas affronter mes problèmes pour le moment.