Chapitre 3 • Plantes et Sécrétions, une potion putrescible °1e partie°

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— Sir, vous avez en votre possession des feuilles bien dangereuses. Les écrits du Caché ne sont pas aussi anodins que ceux des humains, une « simple » page peut renfermer une magie antique qui explose à la moindre manipulation, mit en garde Shade.

Carthew n'avait pas pu se résoudre à garder plus longtemps secret les fameux parchemins vis-à-vis de son complice. Le nanti lui avait expliqué la mésaventure de la veille et le constat de ce matin. Émerveillé, le maraud était resté longtemps à observer les arcs de cercle dans leur mouvement concentrique au point que William avait les yeux secs de les tenir ouverts.

Quand Shade se décida à reculer, il reprit la discussion d'un ton étonné :

— Vous avez donc croisé une créature surnaturelle au salon de thé ? Merveilleux ! Vous possédez la faculté de discerner le Caché.

Le visage habituellement aussi austère qu'une tombe arborait un sentiment bien trop joyeux au gout du baronnet. L'impassible homme de main laissait bien trop trainer ses émotions, ce constat donna un parfum d'amertume à la salive que déglutit Carthew.

— Certes, je le peux, mais là n'est point le souci en ce moment. Comment faire pour le musser aux yeux des autres humains ?

Le regard étrange d'Alfred lui avait suffi à se rendre compte qu'il devait le cacher aux autres, dans l'impasse, le nanti avait fait appel à la seule personne susceptible de l'aider.

— À chaque problème, une solution ! Ne vous rongez pas les sangs, le réconforta le roturier. Pour le moment, évitez toutes sorties, prétextez que vous êtes souffrant.

Les mâchoires crispées, Carthew dut ravaler difficilement la réplique cinglante qu'il s'apprêtait à rétorquer. Ce n'était pas le moment de se mettre à dos Shade. Se terrer de nouveau dans les murs de sa demeure, l'idée lui était insupportable, il avait bien trop longtemps lutter pour reprendre une place digne de son rang dans la société mondaine. La réalité lui sautait aux yeux, il n'avait pas le choix et ce point si évident qu'avait exposé le maraud lui provoquait une colère noire.

Le baronnet se détourna de son bureau pour faire quelques enjambées dans la pièce. Il avait un besoin d'évacuer toutes ses tensions avant de reprendre une discussion posée avec son acolyte. Shade semblait l'ignorer, mais de temps en temps, un petit coup d'œil confirmait qu'il entrevoyait la tornade interne du noble.

Quand Carthew revint à ses côtés, l'homme de main se redressa des feuilles pour braquer son regard dans celui anormal du nanti.

— Changeons de sujet pour le moment... Il va vous redonner le sourire, dit Shade.

Il sortit de sa sacoche en cuir usé une pierre sombre et la déposa sur le bois du secrétaire. Circonspect, William détailla l'objet de loin. Lisse, en forme d'œuf à base plate, il ne possédait aucune ouverture visible. D'une main prudente, il l'agrippa et le retourna sous toutes ses coutures ; lourd, d'un noir profond, seul un motif frivole au trait argenté se situa sous le socle. Le baronnet avait imaginé une trouvaille bien plus explicite. Il la reposa, ennuyé, sur sa table d'étude, il prendrait du temps plus tard pour l'examiner plus minutieusement. 

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Shade avait quitté le noble comme un courant d'air, depuis lors, Carthew s'était attablé à son bureau et écrivait plusieurs missives où il s'excusait platement de ne pouvoir assister aux rassemblements prévus les jours suivants. Les lettres s'accumulaient et la main du nanti traçait machinalement les mots de justification. Il n'avait pas cherché dans l'original, il prétexta une souffrance imaginaire qui le laissait dans l'incapacité de se présenter aux réceptions et autres mondanités.

La Compagnie de la Rose NoireOù les histoires vivent. Découvrez maintenant