Chapitre 1 : KAI

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Enfin me voilà arrivé. Le voyage a été long, mais je l'espère, il ne sera pas en vain. Il faudrait peut-être que j'appelle Cruz pour lui dire que je suis arrivé. Espérons qu'il se pointera à temps :

- Ouais ici Cruz, qui est-ce ?

- Mec, c'est moi, Kai. Je viens d'arriver à l'aéroport, je ne suis pas encore passé devant les douaniers, mais il y a peu de gens devant moi donc ça ne devrait pas être long.

- T'inquiète, je suis déjà là mec. J'attends de voir ta tête de zombie après plus de 20 heures de vol !

- Ouais, je confirme ça ne va pas être beau à voir. Je ne me suis pas encore vu devant la glace, mais je me sens réellement comme un mort-vivant !!

- Tracasse, je te laisserais le temps de te reposer quand on sera à l'appart' mais dès la nuit tombée ; Rien à foutre mec, on sort !

Cruz est un de mes plus vieux amis. On se connaissait depuis Manille, au début de ma première année. Il était petit et assez chétif. Tout le contraire de moi.Lui et moi, nous nous sommes retrouvés dans la même classe. Nous étions rivales en sciences, en anglais et en littérature : c'étaient nos matières de prédilections à tous les deux et nos pères attendaient de nous d'être les meilleurs dans celles-ci.
Tout simplement parce que mon père était manager, il avait donc l'habitude d'être le meilleur et le père de Cruz était pêcheur, mais attendait de son fils qu'il s'assure déjà un futur plus prometteur que pêcheur. Nous nous détestions, pour le plaisir de nos pères, mais on se soutenait mutuellement, à cause de leur dureté. Á la fin de notre secondaire, nous avons tous les deux reçu une bourse d'études par l'université de Sidney, en Australie. Nous étions colloc' tout au long de nos études.

- Nom ? Dit le douanier lorsque j'arrivais à sa hauteur.

- Kai Yamada.

- Vous êtes de quelles origines ?

- C'est important ? Je ne voulais pas poser cette question, mais c'est clair que ce n'est pas nécessaire pour lui de savoir, même de l'entendre de ma bouche, d'où je viens. Il peut très bien le constater sur mon passeport.

- Quelles sont vos intentions en venant au Canada ? Me demanda-t-il de nouveau, sans oublier de me montrer, avec un regard d'assassin, que ma question/réponse l'avait pour le moins indigné.

- Le boulot, j'ai été muté.

- Vous avez de quoi le prouver ? En général, ils savent que les voyageurs, dont les intentions ne sont pas d'être en vacances, ont de quoi prouver leur présence sur le sol canadien. Mais ils posent quand même cette question parce que c'est dans les formalités.

C'est pourquoi je lui ai tendu un document donné par mon entreprise avant de partir. « C'est pour t'éviter des ennuis », m'avait répondu le secrétaire à l'accueil de notre bureau. Je n'ai pas cherché plus longtemps à savoir pourquoi. Je m'en foutais royalement à vrai dire.

Le douanier contempla le papier avec concentration et une fois terminé, il me regarda avec un grand sourire que font les enfants lorsque qu'ils pensent avoir compris une blague ridicule, mais coquine à leurs yeux :

- Corrigez-moi si je me trompe ; vous êtes de nationalité philippine mais vous avez un prénom et un nom japonais, et en vue de ce document, vous travaillez en Australie. C'est bien ça ? Fit le douanier, si fière de lui d'avoir percé à jour ce qui lui semblait être l'énigme de la journée.

- Oui, c'est bien ça...

Il faut toujours que ce soit la même réaction, toujours !

Qu'est-ce que ça peut bien apporter au gens de vouloir apprendre cet aspect de moi lorsqu'ils discutent avec moi ?! C'est comme cette fille assise à côté de moi dans l'avion ; elle passait son temps à m'interrompre, pendant que je lui expliquais en quoi consistait mon job, parce qu' elle essayait de savoir mes origines. C'est pareil en ce moment même ;mes papiers et documents sont réglo, laisse-moi partir alors !

- Et bien dans ce cas, bienvenu à Toronto !! C'est ainsi que le douanier m'ouvrit la portière automatique qui me séparait du sol canadien.

Lorsque les portiques s'ouvrèrent, tout un tas de gens attendaient devant, des familles impatientes de retrouver leur proche manquant, une légère distante entre les arrivants et ceux qui accueillaient était respecté grâce à des barrières en fer.

Derrière toute cette agitation, se trouvait ce petit con que j'appelle mon meilleur ami, beaucoup trop proche même pour qu'il soit un ami, mais plutôt un frère. Lui et son sourire débile, il avait changé depuis l'Australie et encore plus depuis les Philippines. Si un vieux camarade de classe de Manille nous voyait maintenant, il ne serait pas en mesure de nous reconnaître.

Cruz était, certes, resté petit, mais plus du tout chétif ; il s'était mis au fitness dès que nous étions arrivés à Sidney durant nos études. Bien évidemment, je l'ai suivi. Nous avions radicalement changé, si bien qu'un jour en retournant à Manille pour les fêtes, le père de Cruz lui avait passé un savon. Le reprochant de ne pas se concentrer davantage sur ces études comme il le faisait pour son physique.Même si c'est vrai qu'après ça, il eut raté ses examens, quelque chose en lui avait changé ; il était plus confiant, ouvertement drôle et ça lui avait valu de rencontrer Micah, son actuelle copine.

- Bienvenue à Toronto !! La ville où il y a toujours quelque chose à faire. Nous avons les meilleurs restaurants, les meilleurs lieux de divertissement et tout un tas d'évènement qui mérite d'y assister.

Me dit Cruz après m'avoir accueilli à bras ouvert, comme si j'étais son fils et ignorant presque la différence de taille qui nous séparait.

- Merci mec, content de te revoir. À ce que je vois, tu te considères déjà comme un Canadien, ou peut-être que tu veux simplement copier les guides touristiques ?

- La deuxième est la bonne. Je partage l'enthousiasme des guides vis-à-vis de cette ville. Crois-moi, tu vas vraiment t'y plaire ici.
Sous ces paroles, il avait repris un air plus sérieux ; son regard montrait de la peine, de l'empathie à mon égard.

J'avais tout de suite compris à quoi il pensait à ce moment-là et des images, de mon passé, me sont revenu. Ces évènements qui m'avaient poussé à quitter l'Australie, peut-être même fuir, qui sait ?

- Merci de te soucier de moi... Mais dit moi, elle est où Micah ?

- Cet enfant nous attend à l'appart'. Elle avait sa thèse à finir, elle s'y prend toujours à la dernière minute ! Me dit-il en nous dirigeant vers les ascenseurs qui menaient au parking de l'aéroport

- Ce n'est pas plutôt toi qui n'es tellement pas capable de vivre sans elle que tu passes ton temps à l'appeler aux secours au moindre souci ? Le taquinais-je.

- Il y un peu de vrai mais voilà quoi, elle devrait faire en connaissance de cause.

- Tu sonnes comme un véritable goujat fais gaffe qu'elle ne l'apprenne pas. Lui dis-je un peu surprit de sa réponse.

- T'inquiètes mec, c'est pour déconner. Mais tracasse tout va bien entre nous ; tu sais, hier soir, on a parlé de bébé ?

- Pour de vrai ?! Tu te sens prêt ?

- Et bien... On a fait du baby-sitting il y a deux jours. Des gosses d'une de ses collègues. Vachement cool mais casse-gueule la gamine de deux ans ! En revanche son petit frère, je veux un fils qui lui ressemble plus tard. T'imagines pas à quel point il était mignon !!

- Il doit sans doute l'être ! Encore une fois, je fus surpris de sa réaction.

Nous venions d'arriver devant sa voiture. Il avait beaucoup investi dans celle-ci. J'avais envie de croire que c'était le fruit de son travail, mais je n'y arrivais pas. Je compris bien plus tard, à mes dépens, comment il était parvenu à un train de vie comme celui-ci. J'en fus attristé... D'autant plus que j'avais beaucoup d'estime envers lui.

une vie contre une autreWhere stories live. Discover now