11. A l'aspect et à l'odeur.

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- Si l'on fait cela, répliqua le seigneur en mettant le pied à l'étrier. « ...alors vous ferez passer le rang de maître-guerrier pour une distinction peu sérieuse et non une véritable charge, comme c'est censé l'être. N'y faîte pas relayer tout le monde et choisissez l'unique bonne personne, c'est tout ce qu'on vous demande. »

Il se hissa sur sa selle et aussitôt ses soldats l'imitèrent dans un tintement de plates et de côtes de mailles. Une lance fut brandie vers le ciel orageux, mettant au vent l'étendard rouge et argent.

- N'ayez crainte, sire. La décision était depuis longtemps prise, assura le Chef. Aux vues de sa fermeté, le maître des terres hocha de contentement la tête et talonna sa monture, la conduisant vers la sortie du village.

- Passez une bonne journée, messieurs, les gratifia-t-il, s'éloignant au trot.

- Et bonne route à vous, sire, lui répondit Osbern.

- Au revoir, sire, dit quant à lui le citadin. Le grondement des sabots frappant la terre boueuse résonna un instant entre la multitude de chaumières avant qu'il ne faiblisse à mesure qu'Asgeir et ses cavaliers s'éloignaient, disparaissaient. L'Hékar se tourna alors vers le sorcier, le regard insondable.

- Puis-je vous demander ce que vous comptez faire aujourd'hui ? lui demanda-t-il d'un ton non dénué d'intérêt. L'émissaire retomba dans l'embarras, lui qui pensait s'en être sorti lors du départ de Jori. Il sentit qu'il devait lui répondre et en toute franchise.

- D'abord je vais rendre visite à votre guérisseuse pour me procurer quelques ingrédients...

- Des ingrédients, répéta le Chef avec perplexité, sans le lâcher du regard.

- ...pour la bergère. Il faut la guérir de sa morsure et lui administrer d'autres soins au cas où son sommeil se prolonge, s'empressa d'expliquer Finn, baissant sa voix d'un ton en regardant aux alentours.

- Je vois, soupira son vis-à-vis, ne cachant point son abattement.

- J'aimerais aussi lire vos archives, les écrits de votre village. Je pense qu'ils peuvent contenir quelques informations sur la campagne et les phénomènes qui la parcourent.

- Parlez aux villageois, suggéra Osbern. Ils pourront vous renseigner eux aussi, peut-être même mieux que les livres. » Le jeune homme ne répondit pas, hésitant, le regard plongé dans l'ailleurs. « Si vous vous rendez le midi à l'auberge, vous trouverez des gens qui auront peut-être des choses à vous raconter.

- Oui, pourquoi pas, marmonna le citadin, peu enthousiasmé à l'idée de parler à des rustres en plein repas, mastiquant bruyamment et articulant à peine. Il ne souhaitait pas revivre ça.

- J'ai d'autres parchemins chez moi. Il s'agit de documents que l'on transmet uniquement dans ma famille. Je ne laisse personne y toucher généralement mais vous pourrez les consulter, si ça vous intéresse. »

Surpris, l'émissaire écarquilla les yeux. S'il s'agissait réellement de documents précieux, dont seul le chef de ce village pouvait hériter, c'était une chance d'être invité à les feuilleter. Mais troublé par l'offre, il eut l'envie, et surtout la bêtise, de demander :

- Ça ne vous dérange pas ?

- Si cela peut vous aider dans vos recherches... non. »

Rassuré, Finn se réjouit intérieurement : pour lui, l'accès aux archives était garanti. Cela valait mieux que des fabulations d'ivrognes ou de menteurs grandiloquents assis dans une taverne, le nez dans une chope. Ou que des contes de vieilles à demi-folles. Il se garda de sourire mais répondit d'un ton plus enthousiaste qu'il ne l'aurait cru.

La Légende de Doigts GelésWhere stories live. Discover now