8. Le Chef s'adressa au savant.

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(TW : blessures graves, mort, body horror.)

.oOo.

D'une immense foulée, le revivant fondit sur l'attroupement d'hommes qui l'attendait dans la plaine, épées au clair. Sir Holm criait que l'on protège sa seigneurie ; sa seigneurie exigeait qu'on arrête la charge du monstre ; le Chef d'Hekar défiait quiconque de le laisser s'échapper et de mettre en péril son village. Leur détresse mêlée en un brouhaha de panique tomba dans l'oreille des combattants. Empêtrés de recommandations et de priorités, ils se préparèrent à accueillir le monstre, le cœur affolé.

Gêné par la présence de la bergerette, Martel renversa Elke de sa monture en lui sommant de fuir. Prise de court, la jeune fille s'écrasa dans l'herbe de tout son poids et, sonnée, demeura un instant à terre tandis que le guerrier s'éloignait déjà d'elle sur son cheval. Sous elle, sa main irradia d'une chaleur subite. Elle l'ignora pourtant, confondue par la chute, et se releva pour courir.

Pendant ce temps, trois soldats éperonnaient leur monture et allaient au contact du revivant. Le premier cavalier arriva l'épée brandit au-dessus de sa tête sur la créature, prêt à lui décocher un coup de taille. Elle bondit vers lui avant qu'il n'ait pu abattre sa lame et d'une allonge de sa main acérée le happa de sa selle. L'homme fut projeté à terre, sur la route du second cavalier qui lui passa dessus sans avoir eu le temps de ralentir. De surprise, ce dernier fondit sur le revivant au galop sans armer son bras, inquiété par le sort du camarade qu'il venait de piétiner. Les griffes cinglèrent dans sa direction : son visage se changea en une giclée de chair et de sang. L'homme parcourut encore quelques mètres puis glissa lentement de sa selle. Il s'écrasa dans l'herbe avec un tintement métallique, inerte. Ayant vu ses deux acolytes tomber en l'espace de quelques secondes, le troisième cavalier écarta son cheval de la trajectoire du revivant et le dépassa. Seulement le monstre, accompagnant cette dérobade, pivota et de cette même allonge stupéfiante atteignit les pattes de l'animal. Le cheval hennit de douleur et s'effondra en entraînant son maître à terre. Le premier cavalier reprenait ses esprits et, devinant son camarade en danger, ramassa son épée et se précipita sur le monstre. La charge aurait dû faire mouche mais de cette même vivacité, le revivant refoula le soldat dans les airs. Son armure émit un grincement sinistre sous l'impacte des mains griffues. L'homme s'affala, un sang bouillonnant s'échappait des stries ouvertes dans son plastron et coulait sur ses flancs métalliques. Il gargouilla quelques instants puis se tut, sous le regard médusé des autres combattants.

Elke avait ralenti dans sa fuite en entendant le hourvari des soldats. Elle assista au massacre du dernier dans la distance. Ce fut comme si on lui coula un fleuve de glace sur l'estomac. A cet instant, elle ne parvint pas à se soucier des autres, ni d'elle-même. Elle observa avec stupeur la créature qui se remit à sangloter sans aucune raison. Elle en oublia son poignet figé par la douleur qui s'était replié sur lui-même juste après sa chute de cheval. Elle se sentit incapable ne serait-ce que de faire un pas de côté.

Un guerrier amoché par la fuite dans les bois approcha à pied des flancs du revivant. Comme il le suivit de ses yeux vitreux, un autre homme attaqua. L'immense serre du monstre faillit l'atteindre et les deux combattants s'écartèrent. Un troisième guerrier se lança à l'assaut ; le monstre réagit, le lacéra. Sa cuirasse se fendit plus efficacement que l'armure du dernier mort. Sans crier gare, le revivant balaya l'air de ses mains à plusieurs reprises. Holm incita à la prudence. Les soldats et les guerriers firent barrage au revivant pour l'empêcher d'atteindre le sorcier, le seigneur et le Chef. Certains hommes descendirent de leur monture, incapable d'affronter le monstre à cheval. Les pauvres bêtes inutiles s'éloignèrent dans la plaine sans personne pour les recueillir. Le revivant hurla en balançant quelques revers de la main aux soldats qui chargeaient sur lui. Les Hekars s'élancèrent eux aussi vers l'adversaire : ce dernier évita le coup fendu vers le haut de Dirk, fouetta l'air en direction de Folker qui s'écarta juste à temps, et manqua Martel qui fit une feinte pour dévier son coup. Au même moment, un soldat à pied porta son épée à l'horizontal et tailla le flanc du monstre. La créature poussa un cri aussi subit que strident. Aussitôt elle saisit d'une main la taille de l'homme qui l'avait blessé et le souleva. En perdant pied avec le sol, le soldat paniqua et lâcha son arme. Le revivant leva le malheureux dans les airs et ouvrit la bouche. La supplique d'Osbern, brutale, manqua de le déstabiliser :

La Légende de Doigts GelésOù les histoires vivent. Découvrez maintenant