Prologue

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La pluie tombait, mouillant les plumes noires et soyeuse du merle. Se tenant fixement grâce à ses serres au frêne, il observait une scène étrange. Le vent soufflait fort et envolait les cheveux d'une jeune fille. Elle était seule dans la nuit tombante sous cette froide pluie torrentielle. On ne pouvait lire aucune peur sur son visage - en réalité il n'exprimait aucune émotion. La pluie, dure et fracassante, avait tracé des sillons sur son visage et en le regardant bien, on aurait pu croire qu'elle avait pleuré. Il ne faisait pas chaud en cette tiède soirée de juillet et pourtant cette mystérieuse fille demeurait assise sur le sol, vêtue uniquement d'un jean trempé et d'un simple t-shirt - lui aussi trempé. Ces longs cheveux auburn lui couvraient en partie le visage mais on pouvait quand même apercevoir son œil droit d'un bleu pâle et scintillant à la fois. Sa bouche ne tressautait pas, elle restait immobile et laissait la pluie ruisseler sur elle sans esquisser le moindre mouvement. Elle tenait entre ses mains un ruban rouge - seule note de couleur que la pluie diluvienne n'avait réussi à inhiber. Ce ruban était d'un rouge sang simple, sans aucune fioriture mais elle s'y accrochait comme si sa vie en dépendait et restait juste là, assise, avec cette pluie tumultueuse qui semblait pleurer pour elle toutes les larmes du ciel.

Le merle interloqué par cette jeune fille - qui ne devait pas avoir plus de 17 ans - la regarda se lever et marcher presque automatiquement vers une maison. Une maison ? Il devrait plutôt parler d'un manoir avec son élégante tour centrale en pierre blanche et ses beaux chiens assis. Le merle s'envola et se posa sur un de ces derniers afin de voir la jeune fille. Cette dernière était rentrée dans une pièce, sa chambre probablement, enleva ses vêtements et en enfila des propres, noua le ruban rouge autour de son poignet puis ressortit de la maison avec un parapluie. Toujours intrigué par cette créature mystérieuse, il décida de la suivre. Elle poursuivait son chemin sans se douter qu'un merle surveillait tous ces faits et gestes. La jeune fille pris le bus pendant de longues minutes pour enfin s'arrêter au centre-ville. Là, elle parcourut quelques rues avant de tourner à gauche et d'arriver devant un immeuble surmonté d'une enseigne dorée avec le mot notaire écrit en noir.

Le merle se posa sur cette enseigne et attendit quelques secondes que la jeune fille soit entrée dans le bâtiment pour regarder par les fenêtres. La pluie tombait moins fort, mais il faisait tellement chaud qu'une des personne présente dans la salle – un homme d'une quarantaine d'années habillé d'un costume trois pièces aillant bien besoin de se raser – se leva de sa chaise à roulette pour venir ouvrir la fenêtre. Pendant que l'homme se rasseyait, la porte s'ouvrit sur la jeune fille. Il se présenta comme étant le notaire et le merle en profita pour se rapprocher discrètement et se poser sur la fenêtre afin d'entendre les échanges des personnes présentent dans la salle. La jeune fille fût invitée à s'assoir sur la chaise du milieu tandis que prenait place autour d'elle un homme et une femme. Ses deux personnes devaient avoir la cinquantaine mais tandis que l'homme était plutôt musclé et grand, la femme était plutôt rabougrie et tellement frêle que le corbeau se demandait comment elle avait pu parvenir jusqu'au notariat sans qu'une bourrasque de vent ne l'emporte ailleurs. Le notaire commença par présenter ses condoléances aux trois personnes présente dans la pièce et dit qu'il allait maintenant lire le testament du défunt.

Une soudaine bourrasque de vent souffla sur l'oiseau, l'obligeant à quitter la fenêtre. Il dû se battre quelque instant contre le vent violent quand celui-ci se calma. Le merle en profita aussitôt pour rejoindre le bord de fenêtre sur lequel il était plus tôt. La lecture du testament avait dû se faire sans lui car il vit les yeux de la jeune fille briller, comprenant qu'elle essayait de retenir ses larmes. Il la regarda se lever de sa chaise, remercier le notaire en lui serrant la main et sortir du bâtiment. Le volatile savait qu'il devait aller faire son rapport mais il ne pouvait pas laisser la jeune fille comme ça. Il ne voulait pas. Il entreprit donc de la suivre pendant qu'elle rentrait chez elle.

Il était toujours là, perché sur le bord du chien assis, quand elle appela son amie. Elle lui raconta ce qui s'était passé. Elle lui disait au revoir car suite à la mort de son père, elle avait été transférée dans une nouvelle école avec un internat, perdu au fin fond de la cambrousse. Les deux jeunes filles continuèrent de parler par téléphone, parlant essentiellement de sujets frivoles, comme si elles voulaient retarder le moment de la séparation le plus possible. La mystérieuse jeune fille faisait sa valise tout en continuant sa conversation avec son amie et le merle sourit intérieurement en voyant la demoiselle mettre son ourson en peluche brun foncé dans son sac. Elle finit par raccrocher et regarda l'heure.

-      Bon Eleana, il te reste plus que 10 petites minutes pour faire un dernier tour de la maison avant qu'on vienne te chercher, se dit-elle tristement.

Il la regardait toujours quand elle passa sa main sur le plus de meuble possible, comme pour tenter d'enregistrer les moindres détails de sa maison. Puis un klaxon strident retentit – plus discret tu meurs. Et il vit la jeune fille sortir de la maison, fixant cette dernière puis mit sa valise dans e coffre et monta dans la voiture.

Le corbeau s'envola alors pour faire son fameux rapport.

Alice's AcademyWhere stories live. Discover now