SOLITAIRES

la danse

La vielle soupire.

Cela allait faire cinq bonnes minutes qu'elle était montée dans ce bus et cinq autres qu'elle dévisageait le jeune homme assis sur le siège réservé au seniors.Elle avait tenté une fois de lui faire remarquer que du haut de ses 82 ans s'assoir était pour elle une nécessité, mais avait abandonné l'idée lorsque le téléphone du morveux c'était mis à sonner et qu'il avait décroché.Elle s'apprêtait à lui hurler de dégager de son siège avant que le chauffeur du bus freine d'un coup.

« Abrutis de chauffard » peste la vieille. Elle lève les yeux à la recherche de ce qui a failli la propulser dans le pare-brise.

« Qu'est-ce que c'est cette fois ? Un gamin qui a traversé sans sa mère ? Une dispute de conducteur bornés ? »

Qui donc a décidé de la faire arriver en retard au déjeuner chez sa fille ? Crie la vielle intérieurement. Elle n'aime pas les jeunes, ni les vieux d'ailleurs, en fait elle n'aime pas les gens tout cours. Elle regarde sa montre, 8h00, elle allait rater son train.

Le feu est vert pas de gamins pas de dispute de conducteurs, rien d'anormale enfaite et pourtant dans le bus plus personne ne parle. Les mères de famille, les enfants et les vieux regardent dans la même direction. Même le jeune qui jusqu'à présent n'a pas décroché les yeux de son téléphone portable décide de chercher la cause de ce silence inattendu.

La vieille ne bouge plus, les yeux grands ouverts. A travers la vitre sale du car, elle la voit. Sur le trottoir en face, fixée par une trentaine de personne, une jeune fille s'apprête à traverser la route. Le feu piétons passe au vert, la jeune commence à s'avancer.

Elle semble danser sur le bitume tant ses mouvements son fluides et gracieux. Une danse incroyable; résultante d'un mélange de pureté et de charisme. La vielle titube, elle vacille finit par tomber avant de se rattraper de justesse. Elle reprend son souffle, elle veut la voir encore. Doucement elle relève les yeux, puis la tête.Paniquée, elle la cherche du regard mais c'est trop tard, la jeune fille est déjà partie laissant derrière elle cette question silencieuse ;

Qui est-elle ?

Et sur la joue de la vieille, une larme finit sa route.