Chapitre 15 - Jeux de dames

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Les journées passèrent.

Petit à petit, un froid polaire s'installait dans la demeure des De Sous-Bois, et les feux de cheminée étaient bien plus bruyants que d'habitude.

Alice avait rajouté au moins cinq chaudes couvertures aux couches d'Ambre et de René, et portait des robes encore plus larges que celles qu'elle portait jusqu'à présent.

Le matin, si l'on se réveillait assez tôt (ce qui n'était pas souvent le cas d'Ambre, qui s'endormait de plus en plus tard), on pouvait voir aux vitres du gel, lézardant le verre, comme s'il le dévorait.

Et c'était sans parler des pelouses : elles étaient tout le temps recouvertes d'un fin givre. Ambre ne put s'empêcher de trouver le décor féerique, car la plupart des hivers qu'elle avait connus, c'était à Paris, là où la seule neige qui tombait devait être constituée à 85% de plastique, qui ne tenait absolument pas, et là où il fallait se lever très tôt le matin, afin de gratter sa voiture pour y ôter le gel.

Au moins, ici, le problème ne se posait pas.

En vérité, Ambre commençait sérieusement à penser qu'elle resterait là jusqu'à Noël, et rien qu'à cette pensée, elle en était heureuse.

Margaret, qui s'étonnait au début de les voir rester aussi longtemps, les voyait à présent comme de la famille d'Alice, et donc comme de lointains petits-enfants, et c'était bien agréable également.

Bon, jusque là, toutes les descriptions étaient utopiques ; mais il fallait aussi parler du réel froid qui attendait Ambre chaque nuit, qui en souffrait malgré son lit proche de la cheminée, le manque de mouchoirs (Ambre avait attrapé un rhume, et ne pouvait se moucher que dans ses vêtements), du manque d'hygiène, car Ambre et René ne prenaient de bains qu'à très faible fréquence. Déjà qu'il fallait utiliser tous les produits pour, ils ne pouvaient prendre la salle de bain que lorsqu'ils étaient sûrs qu'Albertine et Mme De Sous-Bois ne pouvaient pas les surprendre.

Et puis... cela faisait aussi plus d'une semaine qu'Ambre portait les mêmes habits...

« Je vous aurais bien prêté quelque chose, se désolait Alice, mais vous êtes tellement grande !... aucune de mes robes ne vous iraient !... »

Et c'était le cas : Ambre était très grande, et Alice, plutôt petite.

Quant à René, la question ne se posait pas.

Il fallait aussi parler d'Albertine et Mme De Sous-Bois. Ambre ne les avait encore jamais réellement croisées, mais elle pensait sincèrement que les jours avant qu'elles ne les découvrent, elle et René, se comptaient sur les doigts de la main.

Si seulement elles ne nous trouvaient jamais...

***

« Dame ! »

Triomphalement, Alice abattit son pion noir sur trois cases de suite, et s'empara des pions blancs qui s'y trouvaient.

René bougonna :

« Je suis plus fort aux échecs, moi...

— Oui, mais l'échiquier est en bas, dans le salon, répliqua Alice. Et ma mère doit être en train d'y boire son thé. Allez, ce n'est pas si compliqué... »

Elle rajouta un pion noir sur le sien.

Ambre regardait la partie d'un air un peu ennuyé.

Alice avait décalé son bureau au centre de la pièce, avait disposé quelques chaises autour, et avait ouvert un jeu de dames.

MamieDove le storie prendono vita. Scoprilo ora