Froide

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Elle glissa, s'adossant à l'arbre, dans son dos l'écorce griffait son habit, jean de fortune et pull d'hiver. Tempérance souffla, une pause pour remettre en ordre son émotion.

Le tronc du grand chêne s'étirait au ciel rouge et blanc, ses branches étranges s'apparentant à des griffes, des crochues grinçantes dans le vent.

Un craquement, bruit dans les fougères derrière elle.

Le jeune fille s'effraya, se remit en marche.
D'une main, elle serrait son téléphone, de l'autre, une lampe à huile à la flamme vacillante volée du grenier, projetant tout autour, l'ombre de créatures difformes.

Elle se décida à réciter une poésie d'école, bidouillant quelques rimes, acharnée ne pas songer au sentier mal éclairé.

Auquel cas, les ombres dansantes prendraient la forme du monstre aux tentacules affreuses, les branches qui craquent le son de son mouvement, et la tempête son mugissement atroce.

Le vent s'acharna à son oreille, se fit plus fort.

Elle s'inquiéta plus encore, crût entendre la voix grave d'un adulte, sortie d'un film d'épouvante.

- C'est encore loin ?

Sa poigne faillit, lâcha l'appareil qui s'écrasa dans l'herbe.

- Oui. Cesse de me faire peur.

- « Cesse » ?

- Oui, cesse. Le mot est juste, il me semble.

- Rien à voir. Je n'avais pas réalisé que nous en étions au tutoiement.

- Je n'avais pas réalisé que je parlais à un enfant de 12 ans.

- De 12 ans, au moment où l'on m'a enfermé dans un jeu. Siffla-t-il, agacé.

Elle l'avait appris lors de leur dernière discussion, alors qu'il lui expliquait la manière dont ils allaient procéder.

La jeune fille en avait été profondément soulagée, craignant de devoir imaginer seule un billet de sortie. L'homme avait un plan.

- Tu aurais du rejoindre le lac en face de chez toi.

- J'ai voulu échapper à la vigilance de mes parents.

La lumière se refléta sur une surface lisse, surface d'eau.

Tempérance posa ses affaires sur la berge, empoigna son téléphone sans douceur, plaqué contre sa joue.

- Et maintenant ?

- Maintenant, je t'ai eue. La créature arrive, tu n'en as plus pour longtemps.

Sa vue trembla, le monde soudain blême. L'autre rit.

- Je plaisante.

Les injures retenues, entre ses dents serrées.
Elle devinait la plaisanterie comme une vengeance absurde, pour le tutoiement.

- Que dois-je faire ?

- Commence par te noyer avec le téléphone.

- Pardon ?

Elle crût à une mauvaise blague, à nouveau.

- Ne me fais pas répéter. Tu as entendu.

Un pas dans le liquide froid, qui imprégna ses vêtements, sa peau ensuite.

Son corps s'enfonçait, la surface perturbée par son intrusion.

- Ça ne m'explique pas pourquoi je dois me noyer, Ben.

Un lourd silence, la nature muette.
Le téléphone toujours à l'abri, tenu hors des eaux sombres d'une main.

- On va rendre visite à celui qui m'a mis là-dedans.

Il toqua derrière l'écran.

Elle renchérit :

- Pour quoi faire ?

- Tu ne veux pas savoir.

Retournant à la contemplation de l'eau claire qui lui glaçait les os, Tempérance crevait de peur.
Se noyer, se suffoquer volontairement.

- Ne peux-tu rien faire contre la douleur ?

- Arrête de parler et dépêche-toi de mourir.

L'ombre d'un message [Creepypasta]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant