2- Un premier poème

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Vendredi.

Cela faisait maintenant trois heures que j'étais assise à la table du Starbucks de Cambridge,celui à côté de Harvard. J'avais décidé de m'y rendre plus tôt que d'habitude pour écrire mon poème anonyme. Je voulais m'imprégner de l'environnement dans lequel je voyais à chaque fois ma jolie brune.

J'avais fini les cours assez tôt et Raphaëlle ne pouvait pas me rejoindre car elle terminait dans quelques heures encore. Heureusement pour moi, mon amie était une élève très assidue et l'idée de sécher les cours ne l'avait pas effleurée.

J'avais déjà écrit une quantité astronomique de poèmes sur cette table, que j'avais déchiré les uns après les autres, ne les trouvant pas suffisamment bien. Mon cerveau littéraire fonctionnait à plein régime et j'étais sur le point d'exploser. J'étais en surchauffe, mais je voulais terminer mon poème. Qu'il soit prêt, fraîchement rédigé par mon stylo noir. L'inspiration, enfin. Ma main s'est déliée. Les mots ont flashé dans ma tête tandis que le visage de mon inconnue se matérialisait dans mon esprit. Une muse... J'ai écrit, écrit à en avoir les doigts engourdis. Au bout de plusieurs minutes, j'ai posé mon stylo fétiche, satisfaite.

Vous revoir.

Ma routine, c'est m'asseoir à cette table,

Installée si loin de vous,là-bas,

Et être pourtant si vulnérable.

Car d'une façon que je ne connaissais pas,

J'ai été transpercé par une flèche

Si douce et mortelle,

Qui a bouleversé mon esprit revêche.

Vous en êtes l'auteur,

Sûrement sans que vous ne le vouliez

Vous avez touché mon cœur

Et je n'arrive plus à m'en lasser.

LV

J'ais pris le risque de laisser mes initiales, mince indice qu'elle ne décrypterait sans doute jamais. Lieke Valois, un prénom assez atypique et un nom purement français. Aucune chance qu'elle apprenne mon existence un jour.

Je me suis levée de ma table et ai regardé ma montre. Plus que cinq minutes avant qu'elle n'arrive. Je me suis hâtée jusqu'au comptoir en tripotant mon morceau de papier, gênée.

Une serveuse s'est glissée face à moi, de l'autre côté du comptoir. J'ai frotté ma nuque, embarrassée.

-Bonjour, ai-je commencé doucement.

-Bonjour, a-t-elle répondu, imperturbable. Que puis-je faire pour vous ?

-J'aimerai que vous transmettiez ce mot à une jeune femme.

-Pardon ?

J'avais réussi à l'intriguer. Elle fronçait maintenant les sourcils avec curiosité.

-Une brune aux yeux vairons va bientôt arriver et j'aimerais que vous lui donniez ce papier, ai-je répété en tendant mon morceau de feuille. Sans me dénoncer, bien sûr.

Elle m'a regardée, puis le papier, puis moi encore. Finalement, elle a souri et s'est emparée du papier. J'ai soupiré, soulagée.

-Vous êtes quoi au juste ?Une admiratrice ? M'a questionnée la serveuse.

-Qui doit rester secrète,ai-je dit avec un sourire en coin.

-C'est adorable... Je lui donnerai, ne vous en faites pas, je ne vous ai jamais vue.

Un café à CambridgeWhere stories live. Discover now