Ian - 18

86 11 1
                                    


La première maison que nous avions dépassée semblait inoccupée, tout était fermé. Quand nous dépassâmes la suivante, je ne parvins pas à reconnaître la musique qui s'échappait de la fenêtre. La chanson eut un raté, puis reprit, tandis que nous avancions sans un mot. Voir ces bâtiments, c'était un peu le choc pour nous quatre. Trop de civilisation d'un coup. Mon aigle se renfrogna. Il n'aimait pas le béton, apparemment.

— Dirigeons-nous vers l'odeur de nourriture, suggéra Saori.

Vu les grognements sourds qui s'élevaient du ventre de Mato, elle n'avait pas tort. Les effluves que nous avait décrits Winnie me parvinrent de nouveau, noyant ma bouche de salive. L'asphalte défila sous nos pas pressés. La faim me taraudait tant que je peinais à prêter attention à mon environnement.

Ce fut seulement devant le restaurant dont s'échappait le parfum de bouffe que je me figeai. L'appareil à pop-corn dehors tournait sans personne pour l'activer. Les tables étaient pleines d'assiettes à moitié dévorées. Certaines étaient fraîches, la nourriture y semblait encore mangeable. D'autres, par contre, collectionnaient les moisissures.

Mato gronda et se tendit dans mon dos ; Saori et Yuutô feulèrent de concert.

— Qu'est-ce qu'il se passe ?

Saori se rapprocha de moi.

— Sous les parfums de viande, on sent une puanteur bizarre. L'odeur vient de l'intérieur du resto. Ma panthère refuse d'y entrer.

Winnie approuva d'un borborygme, tandis que Yuutô reculait prudemment, comme face à un prédateur.

— Il y a des trucs dangereux, là-dedans, ajouta-t-il, d'une voix rauque.

Mon odorat restait moins développé que le leur, toutefois, je les crus sur parole. Mon estomac protesta lorsque nous nous éloignâmes, mais leurs réactions avaient douché mon enthousiasme. Le village s'avéra assez petit, et nous en fîmes rapidement le tour. Une trentaine de maisons, une école, une supérette, le restaurant, une poste.

Tout était vide. Nous ne croisâmes personne. Alors que nous revenions sur nos pas pour aller récupérer des provisions dans le supermarché, je réalisai soudain quelque chose qui me turlupinait depuis le début. Au milieu du parking, je m'arrêtai brusquement.

— Il n'y a aucune voiture.

Les trois autres semblaient aussi paumés que moi. Winnie s'avança jusqu'à la porte du magasin qui glissa dans un chuintement caractéristique. La musique de la supérette s'échappa de l'ouverture, ainsi que la climatisation. L'intérieur était illuminé, mais personne ne nous accueillit. L'endroit était vide, comme le reste du hameau.

— Pas d'odeur bizarre, ici.

La voix de Saori m'arracha un léger sursaut. Ils avaient senti cet effluve étrange dans la plupart des maisons, dans l'école et la poste, en plus du restaurant.

— On peut refaire nos provisions, alors, soupirai-je. Rien ne sert de traîner dans le coin.

Yuutô approuva en passant à ma droite.

— On prend tout ce qu'on peut et on va dormir dans la première maison. La nuit tombe, je n'ai pas envie de pioncer à la belle étoile, ce soir.

— Ouais, et surtout pas au centre de cette ville, ajouta Saori.

— Tu as les chocottes, minette ? la taquina Mato, la face neutre et le sourcil levé.

Il cherchait la guerre, celui-là. Saori émit un ricanement rauque, avant de se détourner et d'attraper un panier de commissions.

Escape Game - Round 1 /Disponible en entier sur ma boutique ou sur AmazonOù les histoires vivent. Découvrez maintenant