Chapitre 2

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SimonWraight, mardi 4 Octobre, 21h00

Psychopathe.C'est l'adjectif qu'ont choisi les gens pour me définir. Cependantcette bande de moutons ne saventpasde quoi ils parlent. Ça les dépasse complètement. On m'a traitéde monstre sans cœur, de barbare froid et indifférent. C'est faux,entièrement faux ! Je suis très sensible au contraire,certaines victimes m'ont fait pleurer, et c'est les larmes aux yeuxque je me suis mis à la tâche. Parfois, l'émotion et la pitiém'étaient intenables. Le jury ne comprenait pas pourquoi j'avais agiainsi. A vrai dire je doute que quiconque n'ait essayé decomprendre. Les gens craignent trop l'inconnu pour chercher àcomprendre ce qui les entoure. Ils se contentent d'idées fixes etpré-machées par d'autres plus intelligents qu'eux. C'est comme çaque fonctionne le système. Si moi je mange le caviar accompagnéd'un délicieux Chardonnay, eux ne mangeront derrière que la fin demon vin, et ce qu'il reste de mon plat. La vie sourit aux audacieux,mais peut-être est-ce trop complexe à comprendre pour des moutonsécervelés.


Jemarche nonchalamment dans le manoir, je dirais même d'un pas assuré.Mes deux clés en poche (une rouge et une blanche), je me dirige versla pièce qui m'est destinée. Je sais précisément où aller. Lemanoir est grand certes, mais je fonctionne comme une boussole: unefois que je connais un endroit, je ne perd plus jamais le nord. Caroui, je crois connaître ou du moins reconnaître cet endroit. Jen'ai pas encore retrouvé le détail de la chose mais ça finira parme revenir tôt ou tard. Je sifflote un vieil air des Rolling Stones,car encore et toujours j'adore ce groupe.


Maintenantque je relance le sujet, ça me désole de me dire que l'art engénéral, qu'il s'agisse de musique, de littérature, defilmographie ait atteint de nos jours un tel niveau de médiocrité.Non pas que je sois spécialement un vieux radoteur frustré et perdu(d'autant que je n'ai que trente cinq ans cette année) mais je nepeux que porter un regard nostalgique pour ceux qui ont marqué nosmémoires, il y a quelques décennies seulement. Maintenant je nepeux m'ôter la sensation que la société cherche à faire que lesgénérations qui arrivent ne soient plus que des débiles mentauxincapables de réfléchir par eux-mêmes. C'est triste, mais c'est lavie.


C'estsurtout triste pour eux car ils n'ont même pas l'intelligence devoir un loup entrer dans leur bergerie, pauvres d'eux ils ont pasfini de me servi d'amuse-gueule. La viande de mouton est encore plustendre quand elle provient d'un animal bête et naif. Ca n'en rend lasaveur que plus exquise et moi j'aime ce qui est bon...


Jesuis écrivain, je me nomme Simon Wraight. Je suis l'auteur denombreux ouvrages comme « au bord du gouffre », « lenormal et le fou: quelle différence? » et enfin (mon chefd'œuvre selon moi) « la normalité: une autre forme del'aliénation? » Pour ceux qui ne me connaissent pas j'ai écrisun nombre impressionnant d'ouvrages traitant de la folie et de lanormalité. Ce sujet m'a toujours fasciné à un point qui dépasselargement celui d'un simple amour passionnel. J'ai parfois écrisquelques romans, certains ont remporté un vif succès, d'autremoins. Allez savoir pourquoi. Pour être franc, la folie m'a toujoursfasciné à un point qui peut dépasser l'imaginable. J'ai toujoursmarché sur un fil, depuis tout petit. Une colère sourde et noire atoujours noyée mon cœur sans je ne sache vraiment pourquoi. J'aitoujours contenu cette rage, « cette folie » au fond demoi-même. Mais un jour je me suis demandé ce qui se passerait si unjour je cessais de jouer au funambule et tombais de ce fil. Si jebasculais dans les ténèbres. Pourrais-je remonter un jour ouserais-je condamné à y croupir pour toujours? Condamné à devoiraller toujours plus loin dans la démence pour pouvoir me sentirvivant? Je ne peux agir librement, perdre la raison serait entrerdans un monde triste et sans futur car laisser libre cours à « lafolie » mettrait un terme définitif à ma propre existence. Ceserait soit la prison à vie, soit la peine de mort. J'ai compris quema colère se devait d'être bridée.

Dix petits fousWhere stories live. Discover now