Not Alone

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        Depuis tout petit déjà, je me sentais fort seul et je ne voulais pas de la compagnie des autres enfants. J'avais beaucoup de mal à leur parler et aucun d'eux ne voulaient jouer avec moi. Je restais donc la plupart du temps seul, dans mon coin, à jouer avec quelques figurines. Puis c'est un jour comme les autres où je m'occupais seul qu'il est apparu. Il s'est assis à côté de moi sans rien dire. Je n'ai pas trouvé sa présence dérangeante, bien du contraire et nous avons joué ensemble, tous les deux. Pour la première fois je ne me suis plus senti seul. J'avais comme l'impression de m'être fait un ami.

          La directrice de l'orphelinat avait appelé peu de temps après un grand monsieur bizarre. Je me souviens qu'il avait des drôles de lunettes rondes qu'il soulevait et qu'il remettait sur son nez, un pull vert comme ceux qui gratte qu'on porte lorsqu'il fait trop froid dehors et un trop sur sa tête au milieu de ses cheveux. Je n'ai pas compris ce qu'il voulait ; il m'a regardé jouer avec mon ami et puis il a parlé avec la directrice. Ensuite il est venu me voir pour m'expliquer des choses que je n'ai pas très bien compris, j'avais l'impression que j'avais fait quelque chose de mal mais que je n'y étais pour rien. Alors quand le monsieur est parti, je suis retourné jouer près du coin avec mon ami. La directrice ne m'a plus jamais parlé du grand monsieur mais elle me regardait souvent avec un air triste. Je ne comprenais pas, parce que je m'amusais bien moi avec mon ami. Il ne parlait pas beaucoup mais il était très gentil.

          Nous avons grandit ensemble et au collège, j'avais toujours beaucoup de mal à parler avec les autres. Du coup je restais la plupart du temps avec lui et ça n'avait pas l'air de le déranger. On mangeait toujours juste nous deux à la cantine, dans notre coin, et on faisait nos devoirs ensemble. Et puis au bout d'un moment, on a commencé à se disputer quelques fois, parce que j'avais réussi à me familiariser avec quelques personnes et que j'essayais de me faire de nouveaux amis. Lui n'était pas d'accord et trouvait que je ne devais pas perdre mon temps avec des gens qui ne me méritaient pas. Il arrivait qu'on ne se voie pas pendant des jours, parfois des semaines, voir des mois, mais lorsque je finissais par couper les liens avec mes fréquentations (pour une querelle ou une humiliation), il était toujours là, à m'attendre au coin d'un couloir, près à me réconforter. À chaque fois on finissait par aller sur la pelouse du terrain ou se promener le long de la plaine, et je lui expliquais ce qui était arrivé, et je m'en voulais de l'avoir jeté. Je m'excusais comme je pouvais. Lui ne disait quasiment rien et se contentait de m'observer parler, et les gens autour de nous aussi d'ailleurs, ils nous fixaient parfois de travers, comme si notre simple présence dérangeait. Mais je m'en fichais complètement. Lui au moins il me comprenait et il me soutenait.

          Lorsque j'ai eu fini l'école et que j'ai eu atteint ma majorité, j'ai décidé de partir de l'orphelinat et de vivre ma vie de manière autonome. Après avoir fais mes adieux à la directrice et au personnel, je me suis retourné et j'ai vu qu'il m'attendait, au bout du chemin à côté du portail. Nous sommes partis ensemble nous sommes installés en ville. J'ai fini par trouver un modeste travail de comptable dans un bureau où l'on devait s'occuper de plein de paperasse du matin au soir. Au début il venait avec moi et on passait du bon temps ensemble mais très vite j'ai remarqué que sa présence dérangeait. Le chef de la section où je travaillais me fit bien comprendre que cela ne pouvait plus durer, sans quoi j'allais très certainement devoir être réaffecter pour travailler à la cave au niveau des archives, ou alors je pouvais très bien prendre mes affaires et partir. Du coup, nous avons décidé qu'il resterait à la maison pendant que j'allais travailler.

          Nous nous retrouvions le soir et nous parlions de ce qui s'était passé durant la journée. Il n'avait jamais grand chose à raconter, du coup c'était surtout moi qui parlait. Sa compagnie me plaisait toujours autant : lorsque nous mangions une pizza, il me laissait toujours le dernier morceau (je crois même qu'il ne mangeait jamais grand chose), il n'avait jamais d'avis très élaboré sur ce que nous faisions ou sur ce que nous regardions à la télévision mais ça ne me dérangeait pas. Mes jours de congés ressemblaient beaucoup à mes soirées, mais en plus long ; je n'avais pas vraiment envie de sortir ni lui d'ailleurs, du coup nous restions souvent tout le weekend à regarder la télévision ou à écouter la radio.

Not AloneWhere stories live. Discover now