— Tu n'es pas invitée.
— J'ai entendu dire que toutes les femmes de notre quartier étaient invitées.
Je me retourne vers elle, furieux qu'elle ose me tenir tête.
— Arrête de me répondre ! Je t'ai dit non. De toute façon, ma mère ne te laissera pas y aller.
— S'il-te-plaît, Louis.
— Non, répété-je, sèchement. Et estime-toi heureuse d'avoir une soirée de libre à la maison. Maintenant, cintre cette chemise.
Ella s'exécute, sans rien ajouter, même si je sais qu'elle est déçue. Pour tout dire, je m'en fiche éperdument.
— Aie ! M'exclamé-je, alors que la pointe de l'aiguille vient de traverser ma peau. Tu l'as fait exprès !
— Non, m'assure-t-elle, confuse. J'ai trébuché. Je te le jure.
— Tu m'as fait mal.
— Tout te fait mal, Louis.
Elle a laissé cette remarque s'échapper sans s'en rendre compte, elle ne me dit jamais de tels mots. Je me referme aussitôt, scrutant ses deux iris plantés dans les miens. Le gris de ses yeux est presque inhumain. Je déteste quand elle fait ça, quand elle essaie de m'excuser. La médaille dans mon cou me brûle la peau et je finis par détourner mon regard.
— Dépêche-toi de terminer ma chemise, le bal est dans quelques heures.
*
Toute la noblesse de Birmingham est réunie dans la même pièce. Une salle de bal, grande et lumineuse, pleine et vide à la fois. L'or brille ostentatoirement, brûlant mes yeux d'un luxe que je méprise autant que je l'adule.
Les bals dans cette ville ont pour unique vocation d'étaler la fortune de la haute noblesse. Quant à la bourgeoisie naissante, trop soucieuse de toucher à ce bonheur doré du bout des doigts, elle se contente de sourire aux grands de ce monde. Comme je le fais à cet instant précis.
La musique s'arrête et le duc de Birmingham pénètre dans la pièce. Noble et imposant. Un frisson me parcoure l'échine du dos, comme la première fois que je l'ai vu de mes propres yeux. Les conversations s'essoufflent pour finir par disparaitre entièrement lorsque tous les regards se retrouvent fixés dans la direction de nos hôtes.
Le duc se contente d'un discours d'ouverture, puis il se retourne vers son fils. Harold, l'héritier de la grande famille de Birmingham, cousin éloigné de notre ancien roi Georges III. Il descend quelques marches pour rejoindre son père. Les invités retiennent leurs souffles. Il est monstrueusement impressionnant. Les mêmes boucles brunes, les mêmes yeux verts de son enfance. Je me rappelle de son visage, de son sourire et de ses fossettes. Je ne l'ai jamais revu depuis notre première rencontre, il y a des années de cela. Je crois qu'il a vécu avec sa gouvernante dans les campagnes anglaises. Ce bal est son retour officiel.
— Je le déteste, murmure une voix masculine dans mon dos. Toutes ces femmes rien que pour lui. Cette vie est injuste.
Je me retourne vers l'homme, rétorquant :
— Il y a toutes les jeunes femmes en âge de se marier de Birmingham dans cette pièce, il n'en choisira qu'une. Tu as probablement ta chance avec les autres.
— Ce qui est exactement la raison de ma présence ici, commente-t-il d'un haussement de sourcils. D'habitude, je suis plutôt du genre à éviter ces évènements mondains. La haute bourgeoisie ne m'apprécie guère.
J'esquisse un sourire, me rappelant de son visage et de la réputation qui le précède. Un coureur de jupon que sa famille d'aristocrates rêve de déshériter. Il parait même que son frère aurait déjà essayé de le tuer. Il faut dire que les libertins sont peu appréciés, par ici.
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Après minuit
RomanceUn conte de fées est toujours une belle histoire, excepté quand il ne s'agit pas de la sienne. #AMfic PS : C'est une réécriture très libre du conte de Cendrillon PS 2 : L'histoire se déroule dans le Birmingham du 19ème siècle
PARTIE 1 - Chapitre 1
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