Chapitre 1 : Hope

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Mes parents eurent du mal à avoir un enfant : ma mère était atteinte d'une maladie rendant plus difficile la possibilité de devenir un jour parents. C'est pour cela qu'ils m'appelèrent à ma naissance Hope (= espoir). Dès que mes yeux bruns s'ouvrirent à la maternité, ils furent baignés de lumière et la raison était évidente : j'appartenais aux Solaires. Notre vie quotidienne commençait à l'aube et au crépuscule, il fallait rentrer chez nous et fermer les volets ou les rideaux. Il était alors formellement interdit de sortir et dès le plus jeune âge, on nous apprenait à ne pas regarder ce qui se passait dehors.

Je me suis toujours demandé ce que cela faisait de naître la nuit et d'appartenir à ce monde-là. Depuis toute petite, j'ai sans cesse posé des questions aux adultes qui m'entouraient dans l'espoir d'obtenir davantage d'informations sur les Lunaires. La plupart du temps, on ne me répondait pas ou on me donnait une réponse préfabriquée par nos fondateurs. Celle-ci restait d'ailleurs évasive et toujours suivie d'un ''Va jouer dehors !''. Ma curiosité, un de mes traits de caractère le plus fort, fut souvent réprimée mais elle n'a jamais disparu. C'est ainsi qu'est né par la même occasion ma vocation pour le journalisme. Après mes études, à 25 ans pour être précise, je suis devenue rédactrice de presse dans le journal officiel des Solaires : The Sun. C'était un emploi qui me payait convenablement et je pouvais ainsi rédiger des articles sur des sujets intéressants sans toutefois pouvoir répondre à mes interrogations sur le monde Lunaire.

Mon réveil sonna comme tout le matin aux aurores. Au début, c'était désagréable mais au bout d'un moment, on s'y habituait car on ne voulait surtout pas perdre une miette de nous précieuse journée. Chaque minute perdue ne peut être récupérée et aucun des deux clans ne veut céder du temps à l'autre. Après ma douche, je me préparais en effilant un jeans et un t-shirt blanc. Je préférais être confortable et mis mes baskets qui me permettaient d'atteindre mon lieu de travail plus rapidement qu'en talons. Je tentais de coiffer mes cheveux bruns bouclés sans succès et partis dans la cuisine pour engloutir mon petit-déjeuner composé d'un thé noir et de quelques tartines.

Le journal était à quelques stations de bus et je fus bientôt arrivée dans le centre-ville bondé et bruyant. La foule se pressait dans les rues et personne ne faisait de lèche-vitrine. Comme des abeilles bourdonnantes, leurs pas pressés les menaient directement à leur travail. Personne ne marchait tranquillement, on passait une grande partie de notre temps à courir. Bientôt, l'immeuble du journal se dressa devant moi : il était composé de plusieurs étages et regroupait différents domaines en plus du mien. Je montais dans l'ascenseur et me retrouvais pressée contre d'autres personnes. Après plusieurs étages gravit en quelques secondes par la machine, une voix métallique annonça le mien et je dus me faufiler entre les gens qui voulaient descendre et ceux qui voulaient monter sans laisser les autres sortir. À mon arrivée, la secrétaire m'annonça que j'étais attendu par le chef de rédaction. Je dus me presser jusqu'à son bureau en saluant rapidement mes collègues par un signe de la main. 

Je frappais à la porte et une voix masculine m'ordonna d'entrer. Lorsque je pénétrais dans le bureau, une odeur d'eau de Cologne mélangée à de la nicotine parvint à mon nez. Je l'ignorais et m'avançais afin de serrer la main de mon supérieur. Il était plutôt petit et légèrement boudiné dans sa chemise bleu turquoise laissant déjà transparaître des auréoles.

- « Te voilà enfin ! » s'exclama Mr. Cooper en m'invitant à m'assoir « Je voulais savoir comment ton article avançait »

Depuis mon entrée dans le journal, il me surveillait de très près. Il savait pertinemment que j'étais animée par ma curiosité et comme pour tous les journalistes, mes articles étaient directement envoyé à la direction pour les valider. 

- « Je viens de finir celui concernant le nouveau restaurant en ville. C'était intéressant mais, pour être franche avec vous, je suis à la recherche de quelque chose de nouveau. »

- « Comme d'habitude non ? » 

- « Je souhaiterais réaliser un reportage sur un véritable sujet d'actualité. Quelque chose qui soit à la fois nouveau et percutant.»

Mr. Cooper parut embêté pendant quelques secondes. Il tamponna la sueur perlant sur son front  à l'aide d'un mouchoir en tissu où était gravé ses initiales et regarda un instant par la fenêtre. Du haut de la tour, on voyait que la ville était déjà baignée par la lumière forte du Soleil. De la fumée s'échappait des cheminées appartenant aux bâtiments modestes tandis que les verres des immeubles luxueux noircissaient afin de leur permettre de profiter de l'ombre et de la fraîcheur.

- « Sur quoi serait ce reportage ? » demanda-il avec une certaine hésitation

- « Je ne sais pas encore. Je voudrais parler de quelque chose dont personne ne parle. Les Lunaires par exemple.»

- « Tu t'aventures toujours sur ce terrain dangereux, Hope. Je te l'ai répété plusieurs fois mais tu ne m'écoutes pas. Je ne veux pas couvrir tes explorations et le journal ne peut te laisser fouiner dans les affaires du gouvernement.»

- « Je ne veux pas regarder dans les affaires confidentielles. Je veux simplement que les Solaires apprennent à connaitre plus les Lunaires. Ce serait comme enlever une part du mystère qui plane autour d'eux. On pourrait faire de mini-reportages avec des photos et même des interviews ! Ce serait un succès, crois-moi. »

- « Je ne suis pas sûr que la direction te laisse faire cela. C'est une bonne idée mais elle comporte beaucoup trop de risques. Si tu les mets en balance, le risque est plus lourd que le succès hypothétique que ces articles pourraient rapporter.»

- « Alors demandez à la direction ce qu'elle en pense ! S'ils refusent, je m'attellerais à un autre sujet.»

- « Je vais le faire, pas parce que c'est un sujet qui m'intéresse mais parce que je préfère les prévenir : tu es si têtue que même si tu n'avais pas l'autorisation de le faire, on te retrouverait quand même sur le terrain. En attendant, je veux que tu trouves un autre sujet. »

- « Merci beaucoup ! Prévenez-moi quand vous obtiendrez la réponse.»

Il ne me répondit pas et me congédia à mon bureau. En fermant la porte, je laissais le sourire qui me démangeait apparaître enfin sur mon visage. Même si ce n'était pas marché conclu, je sentais que j'étais sur la bonne piste.

Quand le jour rencontre la nuitWhere stories live. Discover now